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Corte europea dei diritti dell’uomo

(Prima Sezione)

 

22 giugno 2017

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE BARTESAGHI GALLO ET AUTRES c. ITALIE

 

(Requête nn. 12131/13 et 43390/13)

 

 

 

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

 

En l’affaire Bartesaghi Gallo et autres c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

          Linos-Alexandre Sicilianos, président,
          Kristina Pardalos,
          Guido Raimondi,
          Ledi Bianku,
          Aleš Pejchal,
          Armen Harutyunyan,
          Pauliine Koskelo, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 25 avril et le 30 mai 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1.  À l’origine de l’affaire se trouvent deux requêtes (no 12131/13 et no 43390/13) dirigées contre la République italienne et dont quarante-deux ressortissants de différentes nationalités (« les requérants »), dont les noms figurent à l’annexe I, ont saisi la Cour respectivement le 3 janvier 2013 et le 30 mars 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Les requérants ont été représentés, dans la requête no 12131/13, par Me N. Paoletti, avocat à Rome, et, dans la requête no 43390/13, par Mes V. Onida et B. Randazzo, avocats à Milan. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agente, Mme E. Spatafora. Informés de leur droit d’intervenir dans la procédure, les gouvernements allemand, britannique, espagnol, polonais, suédois, suisse et turc n’ont pas usé de leur droit d’intervenir dans la procédure (article 36 § 1 de la Convention).

3.  Le 10 novembre 2015, les griefs concernant les articles 3 et 13 de la Convention ont été communiqués au Gouvernement et la requête no 43390/13 a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du Règlement de la Cour.

EN FAIT

I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4.  Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants et qu’ils ressortent des documents pertinents dans les différentes affaires concernées par les faits à l’origine du présent litige[1], peuvent se résumer comme suit.

A.  Le contexte général

5.  Les 19, 20 et 21 juillet 2001, la ville de Gênes accueillit le vingt-septième sommet des huit pays les plus industrialisés (G8), sous la présidence du gouvernement italien. De nombreuses organisations non gouvernementales, rassemblées sous la bannière du groupe de coordination « Genoa Social Forum – GSF » (« le GSF »), organisèrent un sommet « altermondialiste » qui se déroula à la même période. Il a été estimé que 200 000 personnes (selon le ministère de l’Intérieur) à 300 000 personnes (selon le GSF) participèrent à l’événement.

6.  Un vaste dispositif de sécurité fut mis en place par les autorités italiennes (arrêts Giuliani et Gaggio c. Italie [GC], no 23458/02, § 12, CEDH 2011, et Cestaro c. Italie, no 6884/11, §§ 11-12, 23-24, 7 avril 2015). Celles-ci divisèrent la ville en trois zones concentriques : la « zone rouge », de surveillance maximale, où le sommet devait se dérouler et où les délégations devaient loger ; la « zone jaune », une zone tampon où les manifestations étaient en principe interdites, sauf autorisation du chef du bureau de la police (questore) ; et la « zone blanche », où les principales manifestations étaient programmées.

7.  Les autorités attribuèrent une couleur à chaque groupe organisé, à chaque association, à chaque syndicat et à chaque ONG, en fonction de sa dangerosité potentielle : le « bloc rose », non dangereux ; le « bloc jaune » et le « bloc bleu », considérés comme comprenant des auteurs potentiels d’actes de vandalisme, de blocage de rues et de rails, et également d’affrontements avec la police ; et enfin, le « bloc noir », dont faisaient partie plusieurs groupes, anarchistes ou plus généralement violents, ayant pour but de commettre des saccages systématiques.

8.  La journée du 19 juillet se déroula dans une ambiance relativement calme, sans épisodes particulièrement significatifs. Par contre, les journées des 20 et 21 juillet furent marquées par des accrochages de plus en plus violents entre les forces de police et certains manifestants appartenant essentiellement au « bloc noir ». Au cours de ces incidents, plusieurs centaines de manifestants et de membres des forces de l’ordre furent blessés ou intoxiqués par du gaz lacrymogènes. Des quartiers entiers de la ville de Gênes furent dévastés (pour une analyse plus détaillée, voir Giuliani et Gaggio, précité, §§ 12-30, et Cestaro, précité, §§ 9-17).

B.  Les faits ayant précédé l’irruption dans l’école Diaz-Pertini

9.  Le 21 juillet, le chef de la police ordonna au préfet A., chef adjoint de la police et chargé de l’ordre public pendant le sommet, de confier la responsabilité de la perquisition de l’école Paul Klee à F.G., chef du service central opérationnel de la police criminelle (« le SCO » ; voir l’arrêt no 4252/08 du tribunal de Gênes, rendu le 13 novembre 2008 et déposé le 11 février 2009, p. 190). À l’issue de l’intervention, la police procéda à l’arrestation d’une vingtaine de personnes. Celles-ci furent aussitôt remises en liberté sur ordre du parquet ou du juge des investigations préliminaires.

10.  Le même jour, le préfet L.B. arriva à Gênes, sur ordre du chef de la police, afin de suivre les opérations de police. Selon les déclarations du préfet A., confirmées par le directeur central de la police criminelle A.M., les ordres du chef de la police s’expliquaient par la volonté de changer de stratégie et de passer à une approche plus « incisive », dans le but d’effacer l’image d’une police inerte face aux épisodes de pillage et de dévastation. En ce sens, le chef de la police donna l’instruction de former des unités spéciales (pattuglioni) – placées sous la direction du SCO et de fonctionnaires des unités mobiles –, chargées d’arrêter les membres du « bloc noir ».

11.  Toujours le même jour, en début de soirée, une de ces unités transita par la rue Cesare Battisti, devant les écoles Diaz-Pertini et Pascoli. Ces deux écoles avaient été mises à la disposition du GSF par la municipalité de Gênes : la première était utilisée comme lieu d’hébergement et point d’accès internet, la deuxième abritait la salle de presse et le bureau du service légal du GSF. Le passage de la patrouille, composée de quatre véhicules, provoqua une intense réaction verbale de la part des personnes qui se trouvaient devant les deux écoles. En outre, une bouteille vide fut lancée en direction des véhicules de police (voir le jugement du tribunal de Gênes, pp. 244-249, et l’arrêt de la Cour de cassation, p.122).

12.  À la suite de cet épisode, une réunion se tint à la préfecture en présence des plus hauts fonctionnaires de police présents à Gênes. Après avoir pris contact avec le membre du GSF en charge de la sécurité de l’école Diaz-Pertini, ils décidèrent qu’il serait procédé à une perquisition (perquisizione ad iniziativa autonoma) pour recueillir des éléments de preuve et, le cas échéant, arrêter les membres du « bloc noir » responsables de dévastations et de saccages. Il fut décidé de procéder à une première phase de « sécurisation » des lieux par une unité composée majoritairement d’agents appartenant à une division spécialisée dans les opérations antiémeutes et ayant suivi une formation ad hoc (le VII Nucleo antisommossa, constitué au sein de l’unité mobile de Rome). La deuxième phase, correspondant à la perquisition proprement dite, fut attribuée à une autre unité de la police. Enfin, une unité de carabinieri fut chargée d’encercler le bâtiment afin d’empêcher la fuite éventuelle des suspects. Le chef de la police fut informé de l’opération (jugement du tribunal de Gênes, pp. 226 et 249-252, et « Rapport final de l’enquête parlementaire d’information sur les faits survenus lors du G8 de Gênes », pp. 29-31). D’après l’arrêt de la Cour de cassation, environ 500 agents furent mobilisés pour cette opération (arrêt de la Cour de cassation, p. 204).

C.  L’irruption de la police dans l’école Diaz-Pertini

13.  Vers minuit, une fois arrivés à proximité des deux écoles, les membres du VII Nucleo antisommossa, munis de casques, de boucliers et de matraques de type tonfa, suivis par d’autres agents équipés à l’identique, commencèrent à avancer au pas de course. Un journaliste britannique et un conseiller municipal, qui se trouvaient à l’extérieur des deux écoles, furent frappés par des agents de police (jugement du tribunal de Gênes, pp. 253-261).

14.  Au même moment, certains des occupants de l’école Diaz-Pertini qui se trouvaient à l’extérieur regagnèrent alors le bâtiment et en fermèrent la grille et les portes d’entrée, essayant de les bloquer avec des bancs et des planches en bois. La grille fut rapidement forcée à l’aide d’un engin blindé, puis les agents de police enfoncèrent les portes d’entrée (ibidem).

15.  Les agents se répartirent dans les étages du bâtiment, partiellement plongés dans le noir. La plupart d’entre eux avaient le visage masqué par un foulard. Ils commencèrent à frapper les occupants à coups de poing, de pied et de matraque, en criant et en menaçant les victimes. Des groupes d’agents s’acharnèrent même sur certaines personnes qui étaient assises ou allongées par terre. Certains des occupants, réveillés par le bruit de l’assaut, furent frappés alors qu’ils se trouvaient encore dans leur sac de couchage ; d’autres le furent alors qu’ils se tenaient les bras levés en signe de capitulation ou qu’ils montraient leurs papiers d’identité. Certains essayèrent de s’enfuir et de se cacher dans les toilettes ou dans des débarras du bâtiment, mais ils furent rattrapés, battus, parfois tirés hors de leurs cachettes par les cheveux (jugement de première instance, pp. 263-280, et arrêt d’appel, pp. 205-212).

16.  Les tribunaux internes ont établi avec exactitude, au-delà de tout doute raisonnable, les mauvais traitements dont avaient fait l’objet les personnes présentes à l’intérieur de l’école Diaz-Pertini. Les témoignages des victimes ont été confirmés par les dépositions des membres des forces de l’ordre et de l’administration publique, les reconnaissances partielles des faits par les accusés, les enregistrements audiovisuels ainsi que par les documents à disposition des magistrats, notamment les rapports médicaux et les expertises judiciaires. À partir de cette multitude d’informations, il est possible de décrire les épisodes de violence dont les requérants firent l’objet :

1.  Requête no 12131/13

17.  Mme S. Bartesaghi Gallo fut battue avec une matraque, à la tête, aux jambes, à l’épaule gauche et au bras gauche. Le rapport médical indiquait qu’elle présentait un traumatisme crânien avec lacération et une contusion à la jambe droite.

18.  Mme N.A. Doherty fut rouée de coups de matraque. Le rapport médical faisait état d’un traumatisme crânien, d’une fracture distale du radius droit, d’un hématome dans la région fessière, ainsi que de contusions au visage et au bras droit. Il constatait une incapacité totale de travail de quarante jours.

19.  M. J.F. Galloway fut battu à coups de matraque. Le rapport médical indiquait qu’il présentait un traumatisme crânien, des contusions multiples, en particulier sur la partie gauche du thorax, mais également dans la région rétroauriculaire gauche, sur le dos et dans la région lombaire, et des excoriations au genou gauche.

20.  M. R.R. Moth reçut des coups de matraque et des coups de pied des agents des forces de l’ordre qui lui causèrent des blessures au cuir chevelu et à la jambe droite ainsi qu’un traumatisme crânien.

21.  M. A. Nathrath subit des contusions au bras droit et à la hanche droite.

22.  Mme A.K. Zeuner fut battue avec une matraque, ce qui lui causa des excoriations aux lèvres et des contusions au bras droit.

23.  Mme T. Treiber essaya sans succès, lors de l’irruption de la police, de s’enfuir par une fenêtre du deuxième étage en montant sur un échafaudage. Lorsqu’elle fut rentrée dans l’école, les policiers l’obligèrent à s’asseoir et la rouèrent de coups. Ils la conduisirent ensuite dans le gymnase de l’école où elle vit de nombreux blessés. Un policier lui ordonna de se mettre à genoux, de courber la tête et de se taire. Elle allègue souffrir de séquelles psychologiques en raison de cet épisode et avoir dû entreprendre une thérapie.

2.  Requête no 43390/13

24.  M. D.T. Albrecht se trouvait au premier étage de l’école lorsque la police y fit irruption. Il fut battu avec une matraque de type tonfa et reçut également des coups de poing et de pied. Le rapport médical faisait état d’un traumatisme crânien avec formation d’un hématome épidural, ainsi que de nombreuses blessures, notamment dans la région pariétale et occipitale gauche, dans la région coronarienne droite et au thorax. Conduit à l’hôpital San Martino de Gênes, il subit une opération d’urgence en vue de l’aspiration de l’hématome intracrânien. Placé en réanimation le dimanche 22 juillet, il fut surveillé par des agents de police. Il quitta l’hôpital le 1er août.

25.  Mme R. Allueva Fortea fut battue avec une matraque, et du mobilier fut jeté sur elle. Ces violences lui causèrent un hématome à la cuisse gauche, une contusion à l’os pyramidal, ainsi que des blessures à l’épaule gauche, au genou droit et au coude droit.

26.  M. A.R. Balbas fut frappé à coups de matraque, à coups de pied et à coups de poing. Une chaise fut également jetée sur lui. Le rapport médical mentionnait plusieurs contusions, notamment au bras, à l’épaule, à la cuisse gauche et à la cheville gauche, ainsi que dans la région dorsale.

27.  M. M. Bertola fut roué de coups de matraque qui lui causèrent un traumatisme crânien, des blessures au cuir chevelu et au front. Le rapport médical mentionnait également l’existence d’une dorsalgie.

28.  Mme V. Bruschi fut battue avec une matraque dans le gymnase de l’école, ce qui lui causa des contusions sur tout le corps.

29.  M. M. Chmielewski fut battu avec une matraque de type tonfa et reçut des coups de pied et des coups de poing. Selon le rapport médical, il présentait un traumatisme crânien, une blessure au pavillon auriculaire gauche et des contusions sur tout le corps.

30.  M. B. Coelle reçut des coups de matraque sur tout le corps qui lui causèrent une double fracture de la mandibule et du condyle gauches, ainsi qu’une fracture de la pommette droite. Il fut hospitalisé du 22 au 30 juillet. Le rapport médical constatait une incapacité totale de travail de quarante jours et un affaiblissement permanent de l’organe de la mastication.

31.  Mme S. Digenti reçut des coups de matraque sur la tête et sur le dos. Le rapport médical faisait état d’hématomes au cou, aux épaules, dans la région dorsale, à la main droite, ainsi que d’excoriations à l’arcade sourcilière gauche.

32.  M. M. Gieser fut frappé à coups de pied et à coups de matraque qui lui causèrent un traumatisme crânien et de multiples contusions sur tout le corps, notamment dans la région occipitale.

33.  Mme Y.S. Gol fut rouée de coups de pied et de coups de matraque à la tête, au dos et aux jambes. D’après le rapport médical, elle présentait un traumatisme crânien et des contusions sur le côté droit du corps.

34.  M. L. Guadagnucci Pancioli fut battu à coups de matraque. Le rapport médical mentionnait qu’il souffrait d’une fracture du scaphoïde ainsi que de nombreuses contusions et blessures.

35.  M. J. Hermann fut battu à coups de matraque et à coups de pied, ce qui lui causa un traumatisme crânien, des blessures et des hématomes, en particulier dans la région frontale, aux épaules et au thorax. Il souffrit d’une diminution temporaire de l’ouïe.

36.  Mme L. Jaeger fut battue avec une matraque. Un agent de police l’obligea à s’accroupir au sol puis lui marcha sur les mains. Le rapport médical mentionnait la présence de contusions au bras droit et à l’épaule droite.

37.  M. H. Kress fut battu à coups de matraque et à coups de pied. Le rapport médical indiquait qu’il présentait un traumatisme crânien, une blessure au nez et une à la lèvre supérieure, un traumatisme facial et des contusions sur tout le corps.

38.  Mme A.J. Kutschkau fut violemment battue à coups de matraque et à coups de pied. Le rapport médical faisait état d’un traumatisme crânien, d’une fracture de l’os maxillaire, de la perte de deux dents, de la subluxation de deux autres, ainsi que d’un affaiblissement permanent de l’organe de la mastication.

39.  M. F.J. Madrazo Sanz fut roué de coups de matraque, ce qui lui causa des contusions et des blessures aux jambes.

40.  M. F.P. Marquello fut violemment battu avec une matraque, ce qui lui causa une blessure au vertex, un traumatisme avec commotion cérébrale ainsi que la fracture de deux côtes et d’un doigt.

41.  M. N. Martensen fut battu à coups de matraque. Un agent de police lui déversa le contenu d’un extincteur sur le corps. Le rapport médical mentionnait la présence de contusions au visage, au menton, à l’épaule et à la jambe droite, ainsi que l’existence d’un traumatisme crânien. Il constatait une incapacité totale de travail de quarante jours.

42.  Mme A.F. Martinez fut rouée de coups de matraque et un agent de police jeta volontairement un siège sur elle. Selon le rapport médical, elle présentait une fracture de la main gauche, de nombreuses contusions et lésions sérieuses, qui entraînèrent une incapacité totale de travail de quarante jours.

43.  M. G.P. Massó fut battu avec une matraque, ce qui lui causa un traumatisme crânien avec état de choc et une blessure au vertex.

44.  M. C. Mirra fut battu avec une matraque, ce qui lui causa un traumatisme crânien, des contusions et des blessures, notamment au cuir chevelu et à l’arcade sourcilière droite.

45.  M. D. Moret Fernandez subit la fracture d’un doigt de la main gauche et du condyle du coude droit, ainsi qu’un traumatisme crânien et plusieurs hématomes. Le rapport médical constatait une incapacité totale de travail de quarante jours.

46.  M. F.C. Nogueras Corral fut battu et une chaise et un banc en bois furent jetés sur lui. Il subit un traumatisme crânien, de nombreux contusions et hématomes et une fracture du péroné de la jambe droite. Le rapport médical constatait une incapacité totale de travail de quarante jours.

47.  Mme K. Ottovay fut battue avec une matraque, ce qui lui causa des contusions, une myalgie et une fracture du cubitus.

48.  M. V. Perrone subit un traumatisme crânien et des contusions à l’épaule gauche, au thorax et à la main droite.

49.  M. R. Pollok fut battu sur tout le corps à coups de matraque, à coups de poing et à coups de pied. Le rapport médical indiquait qu’il présentait un traumatisme crânien, une fracture du cubitus droit, une contusion au thorax, une blessure au cuir chevelu et une blessure à la jambe droite.

50.  M. F. Primosig reçut plusieurs coups de matraque aux jambes et à la tête. D’après le rapport médical, il présentait un traumatisme crânien, une fracture au doigt et des blessures au cuir chevelu. Il fut hospitalisé du 22 juillet au 1er août 2001.

51.  M. B.F.J. Samperiz reçut des coups de matraque qui lui causèrent des contusions ainsi qu’une blessure au genou gauche.

52.  M. S. Sibler fut battu avec une matraque. Il subit un traumatisme crânien, ainsi que des blessures à la tête et au tibia droit.

53.  M. J.L. Sicilia fut frappé à coups de matraque et à coups de pied, ce qui lui causa un traumatisme crânien, un hématome sous-cutané, plusieurs contusions et la fracture de deux côtes. Le rapport médical mentionnait une incapacité totale de travail de quarante jours.

54.  M. J. Szabo s’échappa du périmètre de l’école à l’arrivée de la police pour se cacher dans un terrain à proximité. Découvert par des agents qui ratissaient les environs, il reçut des coups de matraque. Le rapport médical constatait la présence de contusions à l’épaule gauche et au flanc droit, ainsi que d’excoriations dans la région frontale.

55.  Mme D. Herrero Villamor reçut deux coups de matraque qui lui causèrent la fracture du cubitus droit. Le rapport médical faisait également état d’un traumatisme crânien.

56.  Mme G.G. Zapatero fut tabassée avec une matraque, ce qui lui causa une contusion à l’épaule droite.

57.  M. S. Zehatschek fut roué de coups de matraque. Le rapport médical indiquait qu’il souffrait d’un traumatisme crânien et de contusions multiples, notamment au thorax.

58.  Mme L. Zuhlke reçut plusieurs coups de matraque à la tête et aux épaules. Tombée à terre, elle fut rouée de coups sur le dos et sur la poitrine. Tirée par les cheveux et soulevée, elle reçut encore des coups à l’entrejambe. Poussée contre un mur, elle fut frappée à la poitrine et au ventre, puis traînée dans les escaliers où elle fut de nouveau frappée. Elle fut hospitalisée du 22 au 31 juillet 2001. Selon le rapport médical, elle présentait un traumatisme au thorax et à l’abdomen, des fractures à l’arc costal avec pneumothorax et contusion pulmonaire, un traumatisme crânien et de multiples contusions. Ce rapport faisait également état d’un affaiblissement permanent du mouvement du bras et du cou, et d’un affaiblissement permanent de la fonction respiratoire d’environ 30 %, et constatait une incapacité totale de travail de quarante jours.

D.  L’irruption de la police dans l’école Pascoli

59.  Quelque temps après l’irruption dans l’école Diaz-Pertini, une unité d’agents pénétra dans l’école Pascoli, qui hébergeait la salle de presse et le bureau des avocats. Depuis les fenêtres des étages supérieurs, des journalistes filmaient les événements en train de se dérouler dans l’école Diaz-Pertini et, simultanément, une station de radio relatait tous ces événements en direct.

60.  À l’arrivée des agents de police, les journalistes furent forcés de mettre fin aux prises de vue et à l’émission de radio. Les tribunaux internes ont établi que des cassettes vidéo, contenant les reportages filmés pendant les trois jours du sommet, avaient été saisies pendant l’opération. Il a également été prouvé que les disques durs des ordinateurs des avocats du GSF ont été gravement endommagés (voir, en particulier, le jugement du tribunal de Gênes, pp. 300‑310).

E.  Les événements qui suivirent l’irruption dans les écoles Diaz-Pertini et Pascoli

61.  Une fois terminée la phase de perquisition de l’école Diaz-Pertini, les forces de l’ordre réunirent les objets trouvés dans le gymnase, sans chercher à en identifier les propriétaires ni à informer les personnes présentes de la nature de l’opération en cours (jugement du tribunal de Gênes, pp. 285-300). La police procéda à l’arrestation des 93 personnes qui occupaient l’école, pour association de malfaiteurs visant au saccage et à la dévastation, résistance aggravée aux forces de l’ordre et port abusif d’armes. Parmi ces personnes, 78 furent secourues par le personnel sanitaire arrivé sur place puis hospitalisées, tandis que les autres furent transférées dans la caserne de Bolzaneto.

62.  Dans la nuit du 21 au 22 juillet, le chef du service de communication de la police italienne, interviewé à proximité des écoles, déclara que la police venait de trouver des vêtements et des cagoules noirs similaires à ceux utilisés par le « bloc noir ». Il ajouta que les nombreuses taches de sang dans le bâtiment s’expliquaient par les blessures subies par la plupart des occupants de l’école Diaz-Pertini au cours de la journée (jugement de première instance, pp. 170-172).

63.  Le 22 juillet, à la préfecture de police de Gênes, la police montra à la presse les objets saisis lors de la perquisition, en particulier deux cocktails Molotov et une tenue d’agent de police qui présentait une déchirure nette pouvant avoir été causée par un coup de couteau (ibidem).

64.  Les poursuites engagées contre les occupants des chefs d’association de malfaiteurs visant au saccage et à la dévastation, de résistance aggravée aux forces de l’ordre et de port abusif d’armes ont abouti à l’acquittement des intéressés.

F.  La procédure pénale engagée contre des membres des forces de l’ordre pour l’irruption dans les écoles Diaz-Pertini et Pascoli

65.  Le parquet de Gênes ouvrit une enquête en vue d’établir les éléments sur lesquels s’était fondée la décision de faire irruption dans l’école Diaz‑Pertini, et d’éclaircir les modalités d’exécution de l’opération, l’agression au couteau qui aurait été perpétrée contre l’un des agents et la découverte des deux cocktails Molotov, ainsi que les événements qui avaient eu lieu dans l’école Pascoli.

66.  En décembre 2004, après environ trois ans d’investigations, vingt-huit personnes parmi les fonctionnaires, cadres et agents des forces de l’ordre furent renvoyées en jugement. Par la suite, deux autres procédures concernant trois autres agents furent jointes à la première.

67.  Les requérants se constituèrent parties civiles (au total, les parties civiles furent au nombre de 119). La procédure pénale relative aux événements survenus dans les écoles Diaz-Pertini et Pascoli requit l’examen d’un abondant matériel audiovisuel, deux expertises et l’audition de plus de 300 personnes parmi les accusés et les témoins (dont beaucoup de ressortissants étrangers).

1.  Sur les événements de l’école Diaz-Pertini

68.  Les chefs d’accusation retenus relativement aux événements de l’école Diaz-Pertini furent les suivants : faux intellectuel, calomnie simple et aggravée, abus d’autorité publique (notamment du fait de l’arrestation illégale des occupants), lésions corporelles simples et aggravées ainsi que port abusif d’armes de guerre.

a)  Le jugement de première instance

69.  Le 11 février 2009, par un jugement no 4252/08, le tribunal de Gênes condamna douze des prévenus à des peines comprises entre deux et quatre ans d’emprisonnement et, solidairement avec le ministère de l’Intérieur, au paiement des frais et dépens et au versement de dommages-intérêts aux parties civiles, auxquelles le tribunal accorda des provisions allant de 2 500 à 50 000 EUR. Un condamné bénéficia de la suspension conditionnelle de sa peine et de la non-mention dans le casier judiciaire. Par ailleurs, en application de la loi no 241 du 29 juillet 2006 établissant les conditions à remplir pour l’octroi d’une remise générale des peines (indulto), dix des condamnés bénéficièrent d’une remise totale de leur peine principale et l’un d’eux, condamné à quatre ans d’emprisonnement, bénéficia d’une remise de peine de trois ans (pour une analyse plus détaillée, voir Cestaro c. Italie, précité, §§ 49‑58).

70.  Dans les motifs du jugement, le tribunal considéra que les forces de l’ordre pouvaient croire, compte tenu des événements qui avaient précédé l’irruption (paragraphe 11 ci-dessus), que l’école Diaz-Pertini hébergeait aussi des membres du « bloc noir ». Il estima cependant que les événements litigieux constituaient une violation claire à la fois de la loi, « de la dignité humaine et du respect de la personne » (di ogni principio di umanità e di rispetto delle persone). En outre, selon lui, les auteurs matériels avaient agi avec la conviction que leurs supérieurs toléraient leurs actes car certains fonctionnaires et cadres de la police, présents sur les lieux dès le début des opérations, n’avaient pas immédiatement empêché la poursuite des violences.

b)  L’arrêt d’appel

71.  Le 31 juillet 2010, la cour d’appel de Gênes, par son arrêt no 1530/10, réforma partiellement le jugement entrepris (voir Cestaro, précité, §§ 59-74).

72.  En particulier, en raison de l’arrivée à échéance du délai de prescription, elle prononça un non-lieu pour les délits de calomnie aggravée (quatorze accusés), d’abus d’autorité publique du fait de l’arrestation illégale des occupants de l’école Diaz-Pertini (douze accusés) et de lésions simples (neuf accusés).

73.  Selon la cour d’appel, plusieurs éléments démontraient que le but principal de toute l’opération était de procéder à de nombreuses arrestations, même en l’absence de finalité d’ordre judiciaire, l’essentiel étant que les forces de l’ordre parviennent à restaurer auprès des médias l’image d’une police perçue comme impuissante. Les plus hauts fonctionnaires des forces de l’ordre auraient donc rassemblé autour du VII Nucleo antisommossa une unité lourdement armée, équipée de matraques de type tonfa dont les coups pouvaient être mortels, et lui auraient donné pour unique consigne de neutraliser les occupants de l’école Diaz-Pertini, en stigmatisant ceux-ci comme étant de dangereux casseurs, auteurs des saccages des jours précédents. Ainsi, d’après la cour d’appel, au moins tous les fonctionnaires en chef et les cadres du VII Nucleo antisommossa étaient coupables des lésions infligées aux occupants. Quant aux responsables de la police de rangs plus élevés, la cour d’appel précisa que la décision de ne pas demander leur renvoi en jugement empêchait d’apprécier leur responsabilité au pénal.

74.  Dans la détermination des peines à infliger, la cour d’appel, s’appuyant notamment sur les déclarations recueillies, souligna que les agents des forces de l’ordre s’étaient transformés en « matraqueurs violents », indifférents à toute vulnérabilité physique liée au sexe et à l’âge ainsi qu’à tout signe de capitulation, même de la part de personnes que le bruit de l’assaut venait de réveiller brusquement. Elle indiqua que, à cela, les agents avaient ajouté injures et menaces. Ce faisant, ils auraient jeté sur l’Italie le discrédit de l’opinion publique internationale. De surcroît, une fois les violences perpétrées, les forces de l’ordre auraient avancé toute une série de circonstances à la charge des occupants, inventées de toutes pièces.

c)  L’arrêt de la Cour de cassation

75.  Par un arrêt no 38085 du 5 juillet 2012, déposé le 2 octobre 2012, la Cour de cassation confirma pour l’essentiel l’arrêt entrepris, déclarant toutefois prescrit le délit de lésions aggravées (pour une analyse plus détaillée, voir Cestaro, précité, §§ 75-80).

76.  Elle observa que – comme les décisions de première et de deuxième instance l’auraient constaté et comme, d’ailleurs, cela n’aurait jamais été contesté – « les violences perpétrées par la police au cours de leur irruption dans l’école Diaz-Pertini [avaient] été d’une gravité inhabituelle » et « absolue ». Pareille gravité aurait tenu à ce que ces violences généralisées, commises dans tous les locaux de l’école, s’étaient déchaînées contre des personnes à l’évidence désarmées, endormies ou assises les mains en l’air.

77.  D’après la Cour de cassation, ces violences pouvaient relever de la « torture » aux termes de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou bien des « traitements inhumains ou dégradants » et aux termes de l’article 3 de la Convention. Toutefois, en l’absence d’une infraction pénale ad hoc dans l’ordre juridique italien, les violences en cause avaient été poursuivies au titre des délits de lésions corporelles simples ou aggravées, lesquels, en application de l’article 157 du code pénal, avaient fait l’objet d’un non-lieu pour cause de prescription au cours de la procédure.

2.  Sur les événements de l’école Pascoli

78.  En ce qui concerne l’école Pascoli, les chefs d’accusation retenus furent essentiellement les délits de perquisition arbitraire et de dommages matériels.

79.  Par le jugement no 4252/08, le tribunal de Gênes considéra l’irruption des forces de l’ordre dans l’école Pascoli comme étant la conséquence d’une erreur dans l’identification du bâtiment à perquisitionner. Il établit en outre qu’il n’y avait pas de preuves certaines permettant de conclure que les accusés avaient effectivement commis dans l’école Pascoli les dégâts dénoncés.

80.  Dans son arrêt no 1530/10, la cour d’appel de Gênes estima, au contraire, que l’irruption des forces de l’ordre avait été volontaire et qu’elle visait à supprimer toute preuve filmée de l’irruption en train de se dérouler dans l’école Diaz-Pertini. Selon la cour d’appel, la destruction des ordinateurs des avocats avait été également volontaire. La cour d’appel prononça toutefois un non-lieu à l’égard du fonctionnaire de police accusé de ladite destruction pour cause de prescription des délits litigieux.

81.  Par un arrêt no 38085/12, la Cour de cassation confirma cette décision. Elle observa que la cour d’appel avait pleinement motivé ses conclusions en considérant que la police avait accompli, dans l’école Pascoli, une perquisition arbitraire ayant pour but la recherche et la destruction de tout document concernant les événements de l’école Diaz-Pertini.

G.  L’enquête parlementaire d’information

82.  Le 2 août 2001, les présidents de la Chambre des députés et du Sénat décidèrent qu’une enquête d’information (indagine conoscitiva) sur les faits survenus lors du G8 de Gênes serait menée par les commissions des Affaires constitutionnelles des deux chambres du Parlement. À cette fin, il fut créé une commission composée de dix-huit députés et de dix-huit sénateurs. Le 20 septembre 2001, la commission déposa un rapport contenant les conclusions de sa majorité, intitulé « Rapport final de l’enquête parlementaire d’information sur les faits survenus lors du G8 de Gênes ». D’après ce rapport, la perquisition dans l’école Diaz-Pertini « appar[aissait] comme étant peut-être l’exemple le plus significatif de carences organisationnelles et de dysfonctionnements opérationnels ».

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

83.  Pour ce qui est du droit et de la pratique internes pertinents dans les présentes affaires ainsi que du droit international, la Cour renvoie à l’arrêt Cestaro (précité, §§ 87-121).

84.  Une proposition de loi visant à sanctionner la torture et les mauvais traitements a été votée par le Sénat de la République italienne le 5 mars 2014 puis présentée à la Chambre des députés le 6 mars 2014. Cette dernière a modifié le texte le 9 avril 2015 et envoyé la nouvelle proposition de loi au Sénat le 13 avril 2015. Ladite proposition est toujours en cours d’examen.

EN DROIT

I.  SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

85.  Compte tenu de la similitude des présentes requêtes quant aux faits et aux questions de fond qu’elles soulèvent, la Cour juge approprié de les joindre, en application de l’article 42 de son règlement.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

86.  Tous les requérants se plaignent d’avoir été soumis à des actes de violence qu’ils qualifient de torture et de traitements inhumains et dégradants. Ils invoquent l’article 3 de la Convention ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des (...) traitements inhumains ou dégradants. »

87.  Les requérants se plaignent également, sur le terrain des articles 3 et 13 de la Convention, de l’absence d’une enquête effective. En particulier, ils dénoncent le défaut d’identification de la plupart des agents auteurs de violences, et l’absence, dans le système pénal italien, d’un délit punissant la torture et les traitements inhumains et dégradants.

88.  Le Gouvernement conteste cette thèse.

89.  Eu égard à la formulation des griefs des requérants, la Cour estime qu’il convient d’examiner la question de l’absence d’une enquête effective uniquement sous l’angle du volet procédural de l’article 3 de la Convention (Dembele c. Suisse, no 74010/11, § 33, 24 septembre 2013, et Cestaro, précité, § 129).

90.  Enfin, les requérants de la requête no 43390/13 se plaignent en outre : de ne pas avoir reçu d’informations sur les raisons de leur arrestation, le cas échéant en présence d’un interprète (article 5 § 2 de la Convention) ; d’avoir subi des humiliations contraires à la liberté de conscience, d’expression et de réunion (articles 9, 10 et 11 de la Convention) ; d’avoir été victimes de discrimination, l’irruption de la police n’étant selon eux qu’une réaction contre les manifestants et leurs opinions politiques (article 14 de la Convention combiné avec les articles 3, 9, 10 et 11).

91.  Eu égard à la formulation de ces griefs, la Cour estime qu’ils s’inscrivent dans un cadre plus général de perpétration d’actes potentiellement contraires à l’article 3 de la Convention et décide de les examiner uniquement sous l’angle de cette disposition.

A.  Sur la demande de radiation du rôle de la requête no 43390/13 en ce qui concerne les requérants figurant sous les numéros 8-9, 13, 16, 20, 28-29, 32 et 33 dans la liste de l’annexe I

92.  La Cour a reçu des déclarations de règlement amiable, signées par les parties requérantes le 27 juillet 2016 et par le Gouvernement le 9 septembre 2016. Ce dernier s’engage à verser à chaque requérant la somme de 45 000 EUR (quarante-cinq mille euros) à titre de préjudice matériel et moral et pour les frais et dépens engagés tant devant la Cour que devant les juridictions internes, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les intéressés, lesquels ont renoncé à toute autre prétention à l’encontre de l’Italie au sujet des faits à l’origine de leurs requêtes.

Cette somme sera versée dans les trois mois suivant la date de la notification de la décision de la Cour. À défaut de règlement dans ledit délai, le Gouvernement s’engage à verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage. Ce versement vaudra règlement définitif de l’affaire.

93.  La Cour prend acte du règlement amiable auquel les parties sont parvenues. Elle estime que ce règlement s’inspire du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention et ses Protocoles et ne voit par ailleurs aucun motif justifiant de poursuivre l’examen de la requête à l’égard des requérants concernés.

94.  Partant, il convient de rayer l’affaire du rôle en ce qui concerne les requérants susmentionnés. La Cour continue l’examen de la requête no 43390/13 à l’égard des autres requérants.

B.  Sur la demande de radiation du rôle de la requête no 43390/13 en ce qui concerne les requérants figurant sous les numéros 1, 6, 19 et 21 dans la liste de l’annexe I

95.  Les quatre requérants informent la Cour de leur souhait de se désister de la requête no 43390/13 en raison de la réparation reçue de la part du ministère de l’Intérieur pour les dommages dont ils ont été victimes.

96.  La Cour estime qu’il convient de rayer l’affaire du rôle en ce qui concerne les requérants susmentionnés, en application de l’article 37 § 1 a) de la Convention.

C.  Sur les requêtes no 12131/13 et no 43390/13 en ce qui concerne les requérants figurant sous les numéros 2-5, 7, 10-12, 14-15, 17-18, 22‑27, 30-31, 34 et 35 dans la liste de l’annexe I

1.  Sur la recevabilité

97.  Le Gouvernement excipe du caractère abusif de la requête no 12131/13, les requérants concernés ayant déjà introduits deux autres requêtes, actuellement pendantes devant la Cour (requêtes nos 28923/09 et 67599/10). Il invoque à ce titre l’article 35 §§ 2 b) et 3 a) de la Convention.

98.  La Cour observe d’abord que les deux requêtes mentionnées par le Gouvernement portent sur des faits différents de ceux évoqués ici par les requérants. En particulier, elles ont pour objet des allégations de mauvais traitements infligés à l’intérieur de la caserne de Bolzaneto, à Gênes. De surcroît, les événements sur lesquels portent ces requêtes sont chronologiquement postérieurs aux faits litigieux des présentes affaires.

Dès lors, la Cour constate que la requête no 12131/13 n’est pas essentiellement la même que les requêtes nos 28923/09 et 67599/10 et qu’elle ne saurait être rejetée, en application de l’article 35 § 2 b) de la Convention. Ces mêmes constats permettent de conclure au rejet de l’exception préliminaire tirée du caractère abusif de la requête précitée.

99.  Constatant que ces requêtes ne sont pas manifestement mal fondées au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elles ne se heurtent par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour les déclare recevables.

2.  Sur le fond

a)  Thèses des parties

i.  Les requérants

100.  Les requérants allèguent qu’ils ont subi des mauvais traitements lors de l’irruption des policiers à l’intérieur de l’école Diaz-Pertini, et qu’ils ont fait l’objet d’une violence disproportionnée et non justifiée qu’ils qualifient de torture ou de traitements inhumains et dégradants.

101.  Les requérants se plaignent également de l’issue de la procédure pénale, et ce pour plusieurs raisons. En particulier, ils contestent le défaut d’identification de la plupart des auteurs matériels des faits de violence et critiquent les conséquences de l’absence du délit de torture dans le système pénal national et surtout celles de l’application de la prescription aux infractions attribuées aux inculpés, qui auraient empêché les autorités judiciaires de parvenir à la reconnaissance expresse et substantielle de la violation de l’article 3 de la Convention.

102.  Ils soutiennent en outre que, nonobstant l’arrêt Cestaro (précité), le législateur italien n’a pas encore adopté le projet de loi visant à introduire dans l’ordre juridique national les dispositions punissant ce type d’infractions.

ii.  Le Gouvernement

103.  Le Gouvernement assure qu’il ne sous-estime pas l’importance des faits qui se sont déroulés dans l’école Diaz-Pertini, et admet que des actes très graves et déplorables ont été commis par les agents de police au cours de l’opération litigieuse.

104.  Le Gouvernement déclare que l’État italien reconnaît pleinement la commission des violations et il indique adhérer au jugement des autorités judiciaires internes qui ont, à ses yeux, très durement stigmatisé le comportement des agents de police.

105.  S’agissant du volet procédural de l’article 3 de la Convention, le Gouvernement soutient avoir pleinement rempli son obligation positive. Il considère que l’enquête officielle menée par les autorités judiciaires a été approfondie, indépendante et impartiale.

106.  Il estime que ladite enquête a permis d’identifier et de condamner les responsables des actes dénoncés. Il argue que l’absence, en tant que tel, d’un délit de torture n’a pas empêché les juges de poursuivre et de punir efficacement les responsables en appliquant les dispositions législatives en vigueur.

107.  Il maintient également qu’il n’est pas possible de donner une définition univoque du terme « torture » et que, en tout état de cause, le code pénal italien contient plusieurs normes punissant les délits contre la personne, y compris les actes les plus graves.

108.  En outre, il indique qu’une proposition de loi visant à introduire le délit de torture dans l’ordre juridique interne est actuellement en phase de discussion devant le Sénat de la République, après avoir été modifiée par la Chambre des députés.

109.  Quant aux mesures prises à l’encontre des fonctionnaires, le Gouvernement informe la Cour, sans plus de précisions, que tout le personnel impliqué a été soumis à des procédures disciplinaires conduisant à une suspension de service pour des périodes déterminées, combinées avec des sanctions pécuniaires proportionnées au salaire individuel. Il ajoute que, dans certains cas, les agents de police concernés ont été sanctionnés par la cessation de leurs fonctions ou par le blocage de leur progression de carrière pour ancienneté.

110.  Enfin, le Gouvernement, sans donner plus de détails, attire l’attention de la Cour sur les indemnités provisionnelles reçues par les requérants, dont le montant varierait entre 10 000 et 30 000 EUR. Il ajoute que, dans certains cas, les tribunaux nationaux auraient reconnu aux victimes des indemnités provisionnelles s’élevant à 210 000 EUR, sans pour autant indiquer si les requérants ont été concernés.

b)  Appréciation de la Cour

i.  Sur le volet substantiel de l’article 3 de la Convention

α)  Principes généraux

111.  L’article 3 de la Convention consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques (voir, notamment, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 95, CEDH 1999‑V, Labita c. Italie [GC], n26772/95, § 119, CEDH 2000‑IV, Gäfgen c. Allemagne [GC], n22978/05, § 87, CEDH 2010, El-Masri c. l’ex-République yougoslave de Macédoine [GC], no 39630/09, § 195, CEDH 2012, et Mocanu et autres c. Roumanie [GC], nos 10865/09, 45886/07 et 32431/08, § 315, CEDH (extraits)) et un droit absolu et inaliénable étroitement lié au respect de la dignité humaine (Aleksandr Novoselov c. Russie, no 33954/05, § 54, 28 novembre 2013, Bouyid c. Belgique [GC], no 23380/09, § 81, CEDH 2015), qui ne prévoit pas de restrictions et, d’après l’article 15 § 2, ne souffre nulle dérogation (Gäfgen, précité, § 87).

112.  La Cour renvoie aux principes généraux relatifs à la qualification juridique de mauvais traitement (Irlande c. Royaume-Uni, 18 janvier 1978, § 162, série A no 25 et Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 67, CEDH 2006‑IX ; pour les facteurs à considérer, voir, parmi beaucoup d’autres, Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, § 64, Recueil 1996‑VI, Egmez c. Chypre, no 30873/96, § 78, CEDH 2000‑XII, Krastanov c. Bulgarie, no 50222/99, § 53, 30 septembre 2004, El Masri, précité, § 196, et Al Nashiri c. Pologne, no 28761/11, § 508, 24 juillet 2014 ; pour le contexte, telle une atmosphère de vive tension et à forte charge émotionnelle, voir, entre autres, Selmouni, précité, § 104, et Egmez, précité, § 78 ; pour l’usage de la force physique de la part des forces de l’ordre, voir, parmi beaucoup d’autres, Ribitsch c. Autriche, 4 décembre 1995, § 38, série A no 336, Mete et autres c. Turquie, no 294/08, § 106, 4 octobre 2011, El-Masri, précité, § 207, et Bouyid, § 101, précité). Plus précisément, en ce qui concerne la qualification juridique de torture, la Cour renvoie aux principes dégagés dans son arrêt Cestaro (précité, §§ 171-176).

113.  Quant à l’appréciation des preuves, si la Cour a toujours souligné son devoir de se livrer à un examen particulièrement approfondi en cas d’allégations sur le terrain des articles 2 et 3 de la Convention (Matko c. Slovénie, no 43393/98, § 100, 2 novembre 2006, et Vladimir Romanov c. Russie, no 41461/02, § 59, 24 juillet 2008), elle a également affirmé que, soucieuse de respecter la nature subsidiaire de son rôle, elle n’a pas pour tâche de substituer sa propre vision des choses à celle des cours et tribunaux nationaux, auxquels il appartient en principe de peser les données recueillies par eux (Klaas c. Allemagne, 22 septembre 1993, § 29, série A no 269, Jasar c. l’ex‑République yougoslave de Macédoine, no 69908/01, § 49, 15 février 2007, et Eski c. Turquie, no 8354/04, § 28, 5 juin 2012). Même si les constatations des tribunaux internes ne lient pas la Cour, il lui faut néanmoins d’habitude des éléments convaincants pour pouvoir s’écarter des constatations auxquelles ils sont parvenus (Gäfgen, précité, § 93).

β)  Application de ces principes aux circonstances des présentes espèces

114.  La Cour note d’emblée que les tribunaux internes ont établi les faits de manière détaillée et approfondie (paragraphes 69-77 ci-dessus), ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par le Gouvernement. En particulier, les juges nationaux ont constaté ce qui suit :

–  la décision de procéder à l’irruption à l’intérieur des écoles Diaz-Pertini et Pascoli a été prise par les hauts fonctionnaires de police présents à Gênes (paragraphe 12 ci-dessus). Cette opération de perquisition (perquisizione ad iniziativa autonoma) visant à la recherche d’armes, bien que pleinement légitime (paragraphe 70 ci-dessus), devait en même temps permettre des arrestations « médiatisées » afin d’effacer l’image d’une police inerte face aux très graves épisodes de dévastation et de pillage survenus les 20 et 21 juillet (paragraphe 73 ci-dessus) ;

–  au cours de l’irruption dans l’école Diaz-Pertini, les agents ont frappé la quasi-totalité des occupants à coups de poing, à coups de pied et à coups de matraque, en proférant des insultes et des menaces ;

–  à l’issue de l’opération, les 93 occupants ont été arrêtés, 78 d’entre eux ont été hospitalisés en raison des blessures subies (paragraphe 61 ci-dessus) ;

–  les violences commises, multiples et répétées, ont atteint un niveau de gravité absolue car commises dans tous les locaux de l’école et à l’égard de personnes à l’évidence désarmées, endormies ou assises les mains en l’air (paragraphe 76 ci-dessus) ;

–  lesdites violences étaient injustifiées et ont été exercées dans un but punitif et de représailles, visant à provoquer l’humiliation et la souffrance physique et morale des victimes. D’après la Cour de cassation, ces actes pouvaient relever de la « torture » aux termes de la Convention contre la torture des Nations unies et aux termes de l’article 3 de la Convention (paragraphe 77 ci-dessus).

115.  En tenant compte de ces éléments comme toile de fond, la Cour observe que la planification de l’opération de police s’est bornée à prévoir de manière générale la séquence des phases opérationnelles (« sécurisation » et perquisition proprement dite) sans pour autant préciser en détail les modalités d’engagement et d’utilisation éventuelle de la force (paragraphe 12 ci-dessus). Elle rappelle également que la tâche d’intervenir en premier, afin de contrer toute hypothétique forme de résistance et de violence de la part des occupants de l’école, a été attribuée au VII Nucleo antisommossa. En particulier, elle note que les agents de cette unité sont arrivés sur les lieux au pas de course et en tenue antiémeute, munis de casques, de boucliers et de matraques de type tonfa. La police a fait irruption dans l’enceinte de l’école en enfonçant la grille d’entrée à l’aide d’un engin blindé. Les portes d’entrée ont été rapidement forcées et, une fois à l’intérieur, les agents ont fait un usage indiscriminé, systématique et disproportionné de la force (paragraphe 15 ci-dessus).

116.  La Cour estime que ces éléments montrent les défaillances de la planification de l’opération de police. Les forces de l’ordre ne se trouvaient pas face à une situation d’urgence, à une menace immédiate empêchant de prévoir une intervention adéquate, adaptée au contexte et proportionnée aux menaces potentielles. La Cour considère que les hauts responsables avaient la possibilité de planifier l’intervention de la police, d’analyser l’ensemble des informations disponibles et de tenir compte de la situation de tension et de stress à laquelle les agents de police avaient été soumis depuis quarante-huit heures (voir, mutatis mutandis, Egmez, § 78, précité). La Cour souligne en particulier le fait que, malgré la présence à Gênes de fonctionnaires expérimentés faisant partie de la haute hiérarchie policière, aucune directive spécifique sur l’utilisation de la force n’a été émise et qu’aucune consigne n’a été donnée aux agents sur cet aspect décisif (voir, pour le même constat, Cestaro, § 182, précité).

117.  En ce qui concerne les actes de violence subis par les requérants, la Cour tient à souligner que les agressions infligées à chaque individu l’ont été dans un contexte général d’emploi excessif, indiscriminé et manifestement disproportionnée de la force. En effet, les requérants ont été à la fois victimes et témoins d’une utilisation incontrôlée de la violence par la police, les agents passant à tabac de manière systématique chacun des occupants, y compris ceux allongés par terre ou assis mains en l’air (paragraphe 15 ci-dessus). La Cour rappelle à cet égard que les occupants de l’école n’ont commis aucun acte de violence ni de résistance à l’encontre des forces de l’ordre.

118.  S’agissant des récits individuels, la Cour ne peut que constater la gravité des faits décrits par les requérants et confirmés par les tribunaux nationaux. Chaque requérant a été frappé de manière violente, la plupart a reçu des coups de matraque, des coups de pied et des coups de poing et, dans certains cas, du mobilier a été jeté sur eux. Les coups reçus ont provoqué des hématomes, des blessures et, dans certains cas, des fractures sérieuses laissant des séquelles physiques permanentes (paragraphes 17 à 58 ci-dessus).

119.  Eu égard à l’ensemble des éléments exposés ci-dessus, la Cour est convaincue que les actes de violence commis à l’encontre des requérants ont provoqué des souffrances physiques et psychologiques « aiguës », et qu’ils revêtaient un caractère particulièrement grave et cruel (Cestaro, précité, §§ 177‑190).

120.  Dès lors, la Cour conclut que les traitements subis par les requérants à l’intérieur de l’école Diaz-Pertini doivent être regardés comme des actes de torture. Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention sous son volet matériel.

ii.  Sur le volet procédural de l’article 3 de la Convention

121.  La Cour observe que la même procédure interne est à l’origine du constat de violation du volet procédural de l’article 3 de la Convention dans l’affaire Cestaro (précité §§ 204-236). Dès lors, elle ne voit pas de motif de s’écarter des conclusions auxquelles elle est parvenue dans ladite affaire, y compris pour ce qui est de l’insuffisance de l’ordre juridique italien concernant la répression de la torture, et conclut à la violation de l’article 3 de la Convention sous son volet procédural.

III.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

122.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage

123.  Les requérants de la requête no 12131/13 réclament chacun 150 000 EUR pour préjudice moral tandis que les requérants de la requête no 43390/13 (notamment les requérants figurant sous les numéros 2-5, 7, 10-12, 14-15, 17-18, 22-27, 30-31, 34-35 dans la liste de l’annexe I) s’en remettent à l’appréciation de la Cour.

124.  Le Gouvernement conteste ces prétentions et invite la Cour à tenir compte des sommes provisionnelles déjà versées aux requérants en tant que parties civiles à la procédure pénale.

125.  La Cour prend note que, au niveau national, chaque requérant a obtenu le versement d’une somme provisionnelle indemnisant partiellement le préjudice moral. C’est pourquoi elle tiendra compte de ces provisions dans le calcul de la somme à accorder aux termes de l’article 41 de la Convention (Cestaro, précité, § 251).

126.  Au vu de la gravité des circonstances des présentes espèces et eu égard à sa conclusion de violation de l’article 3 de la Convention, tant sous son volet matériel que sous son volet procédural, à laquelle elle est parvenue, la Cour considère qu’il y a lieu d’accorder en équité à chaque requérant la somme de 45 000 EUR (quarante-cinq mille euros) à titre de dommage moral, à l’exception de deux requérantes, Mmes A.J. Kutschkau et L. Zuhlke. À ces dernières, en raison de la gravité des séquelles physiques dont elles ont été victimes, la Cour décide d’accorder en équité à chacune la somme de 55 000 EUR (cinquante-cinq mille euros) à titre de dommage moral (Batı et autres c. Turquie, nos 33097/96 et 57834/00, § 168, CEDH 2004‑IV (extraits).

B.  Frais et dépens

127.  Les requérants de la requête no 12131/13 n’ont formulé aucune demande de remboursement des frais et dépens engagés pour la procédure devant la Cour. La Cour estime dès lors qu’il n’y a pas lieu de leur accorder une somme à ce titre.

128.  En ce qui concerne la requête no 43930/13, les requérants sollicitent 95 808,69 EUR en remboursement des frais et dépens engagés devant la Cour. Ils produisent des notes d’honoraires des différents avocats les ayant assistés. En particulier, ils distinguent les frais et dépens de Mes V. Onida et B. Randazzo, se rapportant au travail de rédaction de la requête introduite pour tous les requérants, de ceux relatifs au travail de collecte d’informations effectué par les autres avocats ayant assisté un ou plusieurs requérants.

129.  Le Gouvernement ne conteste pas ces prétentions.

130.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, § 79, CEDH 1999‑II).

131.  Dans les présentes causes, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime en principe raisonnable la somme demandée pour la procédure devant elle. Elle constate cependant que certains des requérants ont accepté la proposition de règlement amiable présentée par le Gouvernement défendeur (paragraphe 94 ci-dessus). Le texte de la déclaration, formulée de manière identique pour chaque requérant concerné, est ainsi libellé en sa partie ici pertinente :

« Le Gouvernement a proposé au requérant la somme de 45 000 EUR (quarante-cinq mille euros) à titre de préjudice matériel et moral ainsi que pour les frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par l’intéressé, lequel a renoncé à toute autre prétention à l’encontre de l’Italie à propos des faits à l’origine de sa requête. »

132.  Dès lors, en acceptant la proposition de règlement amiable, ces requérants ont renoncé à toute prétention relative aux frais et dépens. Par conséquent, la Cour décide qu’il y a lieu de déduire du montant global demandé la somme correspondante aux requérants ayant accepté ladite proposition de règlement amiable. Cette somme est obtenue en multipliant le prorata dû à chaque requérant par le nombre de requérants concernés.

133.  La même solution s’impose en ce qui concerne les quatre requérants qui ont informé la Cour de leur volonté de se désister de la requête no 43390/13 (paragraphe 96 ci-dessus).

134.  En conclusion, la Cour accorde aux requérants figurant sous les numéros 2-5, 7, 10-12, 14-15, 17-18, 22-27, 30-31, 34 et 35 dans la liste de l’annexe I, la somme globale de 59 750 EUR (cinquante-neuf mille sept cent cinquante euros) en remboursement des frais et dépens engagés devant elle (voir l’annexe II pour les sommes accordées en détail aux requérants).

C.  Intérêts moratoires

135.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Décide de joindre les requêtes ;

 

2.  Décide de rayer la requête du rôle, en ce qui concerne les requérants dans la requête no 43390/13 qui figurent en annexe I sous les numéros 1, 6, 8, 9, 13, 16, 19-21, 28-29, 32 et 33 ;

 

3.  Déclare les requêtes recevables à l’égard des autres requérants ;

 

4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention sous son volet matériel ;

 

5.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention sous son volet procédural ;

 

6.  Dit

a)  que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, au taux applicable à la date du règlement :

i.  55 000 EUR (cinquante-cinq mille euros) à Mmes A.J. Kutschkau et L. Zuhlke, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

ii.  45 000 EUR (quarante-cinq mille euros) aux requérants de la requête no 12131/13 et aux requérants de la requête no 43390/13 figurant sous les numéros 2-5, 7, 10-12, 14, 17-18, 22-27, 30-31 et 34 dans la liste de l’annexe I, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

iii.  59 750 EUR (cinquante-neuf mille sept cent cinquante euros), plus tout montant pouvant être dû par les requérants de la requête no 43390/13, figurant sous les numéros 2-5, 7, 10-12, 14-15, 17-18, 22‑27, 30-31, 34 et 35 dans la liste de l’annexe I, à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

 

7.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 juin 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

    Abel Campos                                                            Linos-Alexandre Sicilianos
        Greffier                                                                               Président

 

 


AnnExe I

No

Numéro de la requête

Date d’introduction

Griefs soulevés

Nom du requérant

Date de naissance – Nationalité

Lieu de résidence

1.   

Numéro de requête : 12131/13

 

Introduite le 03/01/2013

 

Art. 3 : torture et traitements inhumains et dégradants ;

 

Arts 3 et 13 : absence d’une enquête effective.

 

 

1. Sara BARTESAGHI GALLO

07/05/1980 – Italienne

Paris (France)

 

2. Nicola Anne DOHERTY

24/07/1974 – Britannique

Londres (Royaume Uni)

 

3. Jan Farrel GALLOWAY

21/03/1975 – Américaine

Philadelphie (États Unis)

 

4. Richard Robert MOTH

09/11/1968 – Britannique

Londres (Royaume Uni)

 

5. Achim NATHRATH

31/12/1969 – Allemande

Munich (Allemagne)

 

6. Theresa TREIBER

09/08/1967 – Allemande

Munich (Allemagne)

 

7. Anna Katharina ZEUNER

04/09/1978 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

2.   

 

 

Numéro de requête: 43390/13

 

Introduite le 30/03/2013

 

Art. 3 : torture et traitements inhumains et dégradants ;

 

Art. 3 : défaut d’identification des auteurs des vexations ;

 

Arts 3 et 13 : absence d’une enquête effective ;

 

Art. 5 § 2 : absence d’informations sur les raisons de l’arrestation ;

 

Arts 9, 10 et 11 : violation de la liberté d’avoir des convictions, de la liberté d’expression et de la liberté de réunion ;

 

Article 14 combiné avec les articles 3, 9, 10, 11 : victimes de violences en raison de leurs opinions politiques.

 

1. Daniel Thomas ALBRECHT

09/11/1979 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

2. Aitor Ruiz BALBAS

09/10/1970 – Espagnole

Pamplona (Espagne)

 

3. Matteo BERTOLA

04/07/1977 – Italienne

Lecco (Italie)

 

4. Valeria BRUSCHI

26/02/1975 – Italienne

Berlin (Allemagne)

 

5. Michal CHMIELEWSKI

25/10/1975 – Polonaise

Dublin (Irlande)

 

6. Benjamin COELLE

03/02/1980 – Allemande

Stuttgart (Allemagne)

 

7. Simona DIGENTI

09/03/1980 – Suisse

Rumlang (Suisse)

 

8. Rosana ALLUEVA FORTEA

16/09/1980 – Espagnole

Monreal Del Campo (Espagne)

 

9. Michael GIESER

12/11/1965 – Suédoise

Mondorf-Les-Bains (Luxembourg)

 

 

 

10. Yasar Suna GOL

16/05/1965 – Turque

Hoelstein (Suisse)

 

11. Lorenzo GUADAGNUCCI PANCIOLI

03/12/1963 – Italienne

Florence (Italie)

 

12. Jens HERMANN

13/10/1972 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

13. Laura JAEGER

15/02/1981 – Allemande

Barcelona (Espagne)

 

14. Holger KRESS

25/07/1979 – Vénézuélienne

Teubingen (Allemagne)

 

15. Anna Julia KUTSCHKAU

23/06/1980 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

16. Francisco Javier MADRAZO SANZ

03/12/1973 – Espagnole

Saragosse (Espagne)

 

17. Felix Pablo MARQUELLO

05/11/1965 – Espagnole

Saragosse (Espagne)

 

18. Niels MARTENSEN

08/01/1977 – Allemagne

Hambourg (Allemagne)

 

19. Ana MARTINEZ FERRER

20/10/1975 – Espagnole

Tarazona (Espagne)

 

 

20. Guillermo Paz MASSÓ

28/09/1976 – Espagnole

Saragosse (Espagne)

 

21. Christian MIRRA

14/06/1977 – Italienne

Santander (Espagne)

 

22. David MORET FERNANDEZ

07/11/1971 – Espagnole

Lleida (Espagne)

 

23. Francho Chavier NOGUERAS CORRAL

14/02/1965 – Espagnole

Saragosse (Espagne)

 

24. Kathrin OTTOVAY

09/11/1978 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

25. Vito PERRONE

20/12/1977 – Italienne

Foggia (Italie)

 

26. Rafael POLLOK

03/01/1976 – Polonaise

Bremenn (Allemagne)

 

27. Federico PRIMOSIG

28/12/1978 – Italienne

Rome (Italie)

 

28. Benito Francisco Javier SAMPERIZ

14/05/1976 – Espagnole

Saragosse (Allemagne)

 

 

29. Steffen SIBLER

31/01/1978 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

30. Jose Luis SICILIA

17/11/1959 – Argentine

Saragosse (Espagne)

 

31. Jonas SZABO

24/09/1980 – Allemande

Berlin (Allemagne)

 

32. Dolores HERRERO VILLAMOR

31/01/1937 – Espagnole

Bremen (Allemagne)

 

33. Guillermina GARCIA ZAPATERO

09/03/1974 – Espagnole

Madrid (Espagne)

 

34. Sebastian ZEHATSCHEK

23/01/1981 – Allemande

Neu-Ulm (Allemagne)

 

35. Lena ZUHLKE

14/02/1977 – Allemande

Hambourg (Allemagne)

 

 

 

 

 

 

 


Annexe II

 

Avocats représentants

 

Requérants représentés

Montant total à payer[2]

 

Me V. ONIDA

Me B. RANDAZZO

 

 

Tous les requérants de la requête no 43390/13

 

 

12 100 EUR

 

Mes A. GALASSO

Me P. PALMIERI

Me L. D’AMICO

 

 

Lorenzo GUADAGNUCCI PANCIOLI

Vito PERRONE

 

 

5 830 EUR

 

Me F. TADDEI

 

Michal CHMIELEWSKI

Benjamin COELLE

Christian MIRRA

Rafael POLLOK

Steffen SIBLER

 

 

5 500 EUR

 

Me C. NOVARO

 

Laura JAEGER

 

 

0 EUR

 

Me L. TARTARINI

 

Daniel Thomas ALBRECHT

Jens HERMANN

Niels MARTENSEN

Katrin OTTOVAY

Jonas SZABO

Guillermina GARCIA ZAPATERO

 

10 150 EUR

 

Me E. TAMBUSCIO

 

Rosana ALLUEVA FORTEA

Aitor Ruiz BALBAS

Valeria BRUSCHI

Simona DIGENTI

Francisco Javier MADRAZO SANZ

Felix Pablo MARQUELLO

Guillermo PAZ MASSÓ

David MORET FERNANDEZ

Francho Chavier NOGUERAS CORRAL

Federico PRIMOSIG

Benito Francisco Javier SAMPERIZ

José Luis SICILIA

 

 

12 000 EUR

 

Me M. PASTORE

 

Michael GIESER

Yasar Suna GOL

 

 

2 530 EUR

 

Me F. GUIGLIA

 

Holger KRESS

Dolores HERRERO VILLAMOR

Sebastian ZEHATSCHEK

Lena ZUHLKE

 

 

7 610 EUR

Me R. PASSEGGI

Anna Julia KUTSCHKAU

 

1 500 EUR

 

Me P. ANTIMIANI

Me A. MARINI

Me M. MAZZALI

 

 

Matteo BERTOLA

 

 

2 530 EUR

 

 

 

 



1.  Arrêt Giuliani et Gaggio c. Italie [GC], no 23458/02, CEDH 2011 ; arrêt Cestaro c. Italie, no 6884/11, 7 avril 2015 ; voir également « Rapport final de l’enquête parlementaire d’information sur les faits survenus lors du G8 de Gênes » du 20 septembre 2001 ; jugement no 4252/08 du tribunal de Gênes, rendu le 13 novembre 2008 et déposé le 11 février 2009 ; arrêt no 1530/10 de la cour d’appel de Gênes, rendu le 18 mai 2010 et déposé le 31 juillet 2010, ; arrêt no 38085/12 de la Cour de cassation, rendu le 5 juillet 2012 et déposé le 2 octobre 2012.

[2] Certains requérants ont accepté la proposition de règlement amiable ou se sont désistés en renonçant à toute prétention relative aux frais et dépens engagés (paragraphe 131 ci-dessus).