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Cour européenne des droits de l’homme

 

 

 

 

CINQUIÈME SECTION

DÉCISION

 

Requête no 41994/21
Guillaume ZAMBRANO
contre la France

 

La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant le 21 septembre 2021 en une Chambre composée de :

 Síofra O’Leary, présidente,
 Mārtiņš Mits,
 Ganna Yudkivska,
 Stéphanie Mourou-Vikström,
 Ivana Jelić,
 Arnfinn Bårdsen,
 Mattias Guyomar, juges,

et de Martina Keller, greffière adjointe de section,

 

Vu la requête susmentionnée introduite le 17 août 2021,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

 

EN FAIT

1.  Le requérant, M. Guillaume Zambrano, est un ressortissant français né en 1981 et résidant à Montpellier.

  1. Les circonstances de l’espèce

2.  Dans son formulaire de requête, le requérant présente un exposé sur le contenu de la loi no 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, du décret no 2021-724 du 7 juin 2021 modifiant le décret no 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, les annonces du Président de la République du 12 juillet 2021, l’adoption de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, les peines encourues par certaines personnes (article l. 3136-1 du code de la santé publique), la décision du Conseil constitutionnel no 2021-824 du 5 août 2021 concernant la présentation d’un passe sanitaire et, enfin, le décret no 2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret no 2021-699 du 1er juin 2021.

3.  Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé déclara que le monde se trouvait confronté à une pandémie causée par un nouveau coronavirus nommé SARS-CoV-2, responsable d’une maladie infectieuse surtout respiratoire appelée covid-19. La Cour observe que la propagation de ce nouveau coronavirus sur le territoire français et au-delà, ont conduit les autorités françaises à prendre des mesures pour prévenir et réduire les conséquences des menaces sanitaires sur la santé de la population depuis le mois de mars 2020. Les dispositions pertinentes de ce cadre législatif, adopté entre les mois de mai et août 2021, sont exposés plus en détail ci-dessous (paragraphes 12 à 15). En résumé, la loi no 2021-689 du 31 mai 2021 a mis en place un régime transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 30 septembre 2021, qui autorise le Premier ministre notamment à limiter les déplacements et l’utilisation des transports collectifs (en imposant par exemple le port du masque) ou à imposer des mesures barrières dans les commerces. Elle a également instauré un dispositif de passe sanitaire jusqu’au 30 septembre 2021 pour les voyageurs en provenance ou à destination de la France et pour l’accès à de grands rassemblements occasionnés par des activités de loisirs (salles de cinémas, théâtres, musées, etc.) ou des foires et salons. La loi no 2021-1040 du 5 août 2021, d’une part, prolonge le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 15 novembre 2021 et, d’autre part, étend le périmètre du passe sanitaire à d’autres activités de la vie quotidienne jusqu’au 15 novembre (bars et restaurants, y compris en terrasse, à l’exception des restaurants d’entreprise ; grands magasins et centres commerciauxsur décision du préfet du département, en cas de risques de contamination ; séminaires ; transports publics dans les trains, bus et les avions pour les longs trajets ; les hôpitaux, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et les maisons de retraite pour les accompagnants, les visiteurs et les malades accueillis pour des soins programmés, à l’exception des cas d’urgence médicale). Le passe sanitaire est exigible pour les personnes majeures qui souhaitent pratiquer les activités dans les lieux concernés et, pour les personnels qui y travaillent, depuis le 30 août 2021. Des sanctions sont encourues tant par le public en cas de non-présentation ou d’utilisation frauduleuse d’un passe sanitaire et que par les commerçants et professionnels chargés de le vérifier en cas de défaillance dans le contrôle. La loi no 2021-1040 du 5 août 2021 a par ailleurs rendu la vaccination contre la covid-19 obligatoire, sauf contre-indication médicale, pour les personnes travaillant dans les secteurs sanitaire et médico‑social. Un délai au 15 septembre 2021 a été fixé à cette fin, voire jusqu’au 15 octobre 2021 pour les personnels ayant déjà reçu une première dose de vaccin (voir l’affaire Thevenon c. France, no 46061/21, communiquée le 7 octobre 2021).

4.  Le requérant invoque les articles 3, 8 et 14 de la Convention, ainsi que l’article 1er du Protocole No 12.

5.  Afin de replacer la présente requête dans son contexte, la Cour observe également que, sur un site Internet crée par le requérant (intitulé « NO PASS !!! », ayant pour adresse « nopass.fr ») pour lutter contre le passe sanitaire institué en France, celui-ci propose à ses visiteurs de copier son recours, afin de former une sorte de recours collectif devant la Cour. Un tutoriel explique comment procéder : il suffit de remplir un formulaire sur le site, en indiquant ses nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance, ainsi que ses coordonnées, ce qui permet de recevoir un document électronique en format « pdf. » automatiquement prérempli et standardisé, qu’il suffit ensuite d’imprimer et de signer. Le requérant précise en outre, dans la partie « questions / réponses » de son site, sous la mention « Puis-je mettre des raisons personnelles dans l’encadré du recours ? » :

« Cela n’est pas nécessaire. Le recours est collectif, il est identique pour toutes les personnes faisant partie du groupe. Nous vous demandons de communiquer vos raisons personnelles dans le formulaire d’inscription, afin de traiter et organiser ces informations. Elles seront transmises à la Cour si elles sont utiles et fournissent des arguments. Si vous souhaitez ajouter des détails personnels, vous êtes libre de le faire, mais cela rendra ma mission de correspondant de la Cour plus difficile. »

6.  Le requérant propose également de visionner plusieurs vidéos, également disponible sur le site YouTube, pour expliquer le sens de sa démarche.

7.  Dans une première vidéo intitulée « NOPASS.FR #1 RECOURS COLLECTIF CEDH - 21 JUILLET 2021 », il précise notamment ce qui suit :

« Je vous propose qu’on s’unisse, qu’on mène ce recours ensemble parce que notre force sera dans le nombre et voilà donc j’ai préparé sur ce site Internet nopass.fr la requête, voilà, c’est ma requête, c’est ce que j’ai envoyé à la Cour européenne des droits de l’homme et vous pouvez simplement mettre votre nom et envoyer à votre tour cette requête ».

8.  Au cours d’une troisième vidéo, intitulée « UN PETIT PEU DE PLOMBERIE JUDICIAIRE: SAISIR LA CEDH ÇA SERT À QUOI ? – 22 JUILLET 2021 », évoquant l’arrêt Vavřička et autres c. République tchèque ([GC], nos 47621/13 et 5 autres, 8 avril 2021), relatif à la possibilité d’infliger une amende pour non-respect de l’obligation légale de vaccination des enfants en République tchèque, le requérant tient notamment les propos suivants :

« (...) Pas de problème, circulez, y’a rien à voir (...) cet arrêt est quand même un message politique. Est-ce qu’il s’agit d’un heureux hasard que la Cour rende un arrêt sur la vaccination obligatoire en avril 2021 ? Pas du tout. (...) Cette affaire a servi à la Cour européenne des droits de l’homme pour envoyer un message ; elle a servi aux divers gouvernements européens pour faire des observations pour venir argumenter en faveur de la vaccination obligatoire et la Cour européenne des droits de l’homme a renvoyé un message, un message très clair qu’on peut résumer de la manière suivante : allez-y les mecs, on est de votre côté, c’est open bar, vaccinez, vaccinez, vaccinez et punissez, on ne vous fera rien, on approuve. C’est pas très juridique comme résumé mais je pense que vous comprenez l’idée ».

9.  Poursuivant son propos en abordant l’objectif du recours collectif dont il a pris l’initiative, le requérant s’exprime ainsi :

« Alors à quoi ça sert de saisir la Cour européenne des droits de l’homme (...) ? Notre objectif n’est pas de gagner le procès, notre objectif consiste à envoyer le plus grand nombre de requêtes possible devant la Cour. Pourquoi ? Parce que la Cour européenne des droits de l’homme est obligée de répondre à chacune de ces requêtes, ça prend du temps ; même si ça prend un tout petit peu de temps, multiplié par des dizaines de milliers, ça finit par prendre beaucoup de temps (...) »

10.  Évaluant la capacité maximale de la Cour au traitement de 40 000 requêtes, il poursuit son propos :

« Au-delà de 40 000 requêtes par an, c’est l’embouteillage, l’engorgement, l’inondation, la Cour européenne des droits de l’homme déborde. Pourquoi faire ça ? Eh bien pour créer un rapport de force (...). Rien qu’ouvrir un courrier, même si ça prend cinq secondes, ça prend du temps. Très rapidement donc les recours contre le passe sanitaire vont s’accumuler, s’accumuler jusqu’à provoquer l’inondation. Et c’est là qu’on peut négocier. Ils vont négocier pour qu’on leur foute la paix, pour qu’on arrête de leur envoyer des recours. Soit donc ils acceptent de juger et on coupe le robinet. Soit ils continuent, ils s’obstinent, ils continuent de refuser de juger et les requêtes vont continuer d’arriver. Inexorablement et petit à petit, ce qui était au départ un modeste dégât des eaux va se transformer en inondation très sérieuse. Voilà ma stratégie judiciaire. On ne peut pas perdre quand l’objectif n’a jamais été de gagner mais de faire dérailler le système. »

11.  Dans une vidéo intitulée « SATURER LES JUGES POUR FAIRE DÉRAILLER LE PASSE SANITAIRE - 7 AOÛT 2021 », le requérant précise l’objectif du recours collectif qu’il a initié :

« Continuer à saisir la Cour européenne des droits de l’homme inlassablement, tant que le passe sanitaire n’a pas été retiré. Pourquoi faire ? Ben tout simplement pour forcer la porte d’entrée de la Cour européenne des droits de l’homme (...). Ce que nous attendons de ce recours collectif, ce n’est pas une décision favorable de la Cour européenne des droits de l’homme. Si nous sommes des dizaines de milliers, le simple temps administratif de traitement de chaque courrier (...) rend rapidement la situation intenable pour la Cour européenne des droits de l’homme (...). Voilà la stratégie en deux mots. Il ne s’agit pas du tout d’une question d’arguments juridiques (...), mais là d’abord nous faisons face à un système, nous faisons face à un système qui est en passe de nous broyer, qui met en place des lois, qui contrôle les juges, qui contrôle les médias et c’est ce système que nous devons faire dérailler. La méthode que je vous propose consiste simplement à faire ça, à faire dérailler le système, ou plus exactement un des maillons du système, la Cour européenne des droits de l’homme (...). Peu importe la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (...). Le fait de paralyser le fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’homme va envoyer un message fort et clair, non seulement au gouvernement français mais à tous les gouvernements européens ».

  1. Le cadre juridique pertinent

12.  Les dispositions pertinentes de la loi no 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire étaient rédigées comme suit :

« Article 1

I. - A compter du 2 juin 2021 et jusqu’au 30 septembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 :

1o  Réglementer ou, dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus, interdire la circulation des personnes et des véhicules ainsi que l’accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage et, pour les seuls transports aériens et maritimes, interdire ou restreindre les déplacements de personnes et la circulation des moyens de transport, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé ;

2o  Réglementer l’ouverture au public, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des locaux à usage d’habitation, en garantissant l’accès des personnes aux biens et aux services de première nécessité.

(...)

3o  Sans préjudice des articles L. 211-2 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public.

II.  - A. - A compter du 2 juin 2021 et jusqu’au 30 septembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 :

1o  Imposer aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 ;

2o  Subordonner l’accès des personnes à certains lieux, établissements ou événements impliquant de grands rassemblements de personnes pour des activités de loisirs ou des foires ou salons professionnels à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19. Cette réglementation est appliquée en prenant en compte une densité adaptée aux caractéristiques des lieux, établissements ou événements concernés, y compris à l’extérieur, pour permettre de garantir la mise en œuvre de mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus.

(...)

B.  - La présentation du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 dans les cas prévus au A du présent II peut se faire sur papier ou sous format numérique.

La présentation, sur papier ou sous format numérique, des documents mentionnés au premier alinéa du présent B est réalisée sous une forme ne permettant pas aux personnes habilitées ou aux services autorisés à en assurer le contrôle de connaître la nature du document ni les données qu’il contient.

C.  - Les personnes habilitées et nommément désignées et les services autorisés à contrôler les documents mentionnés aux 1o et 2o du A pour les sociétés de transport et les lieux, établissements ou événements concernés ne peuvent exiger leur présentation que sous les formes prévues au second alinéa du B et ne sont pas autorisés à les conserver ou à les réutiliser à d’autres fins.

Le fait de conserver les documents mentionnés aux 1o et 2o du A dans le cadre du processus de vérification ou de les réutiliser à d’autres fins est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.

D.  - Hors les cas prévus aux 1o et 2o du A, nul ne peut exiger d’une personne la présentation d’un résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19.

Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait d’exiger la présentation des documents mentionnés au premier alinéa du présent D pour l’accès à d’autres lieux, établissements ou événements que ceux mentionnés au 2o du A.

(...)

IV.  - Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Les mesures individuelles font l’objet d’une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent.

V. - Les mesures prises en application du présent article peuvent faire l’objet, devant le juge administratif, des recours présentés, instruits et jugés selon les procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative.

(...). »

13.  La loi no 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a notamment modifié l’article 1er de la loi no 021-689 du 31 mai 2021, qui se lit désormais ainsi :

« Article 1

I.  - A compter du 2 juin 2021 et jusqu’au 15 novembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 :

1o  Réglementer ou, dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus, interdire la circulation des personnes et des véhicules ainsi que l’accès aux moyens de transport collectif et les conditions de leur usage et, pour les seuls transports aériens et maritimes, interdire ou restreindre les déplacements de personnes et la circulation des moyens de transport, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé ;

2o  Réglementer l’ouverture au public, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou de plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des locaux à usage d’habitation, en garantissant l’accès des personnes aux biens et aux services de première nécessité.

(...)

3o  Sans préjudice des articles L. 211-2 et L. 211-4 du code de la sécurité intérieure, réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public.

II.  - A.- A compter du 2 juin 2021 et jusqu’au 15 novembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 :

1o  Imposer aux personnes âgées d’au moins douze ans souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution, ainsi qu’aux personnels intervenant dans les services de transport concernés, de présenter le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 ;

2o  Subordonner à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 l’accès à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées les activités suivantes :

a)  Les activités de loisirs ;

b)  Les activités de restauration commerciale ou de débit de boissons, à l’exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire ;

c)  Les foires, séminaires et salons professionnels ;

d)  Sauf en cas d’urgence, les services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, pour les seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements ainsi que pour celles qui y sont accueillies pour des soins programmés. La personne qui justifie remplir les conditions prévues au présent 2o ne peut se voir imposer d’autres restrictions d’accès liées à l’épidémie de covid-19 pour rendre visite à une personne accueillie et ne peut se voir refuser l’accès à ces services et établissements que pour des motifs tirés des règles de fonctionnement et de sécurité de l’établissement ou du service, y compris de sécurité sanitaire ;

e)  Les déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux au sein de l’un des territoires mentionnés au 1o du présent A, sauf en cas d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif requis ;

f)  Sur décision motivée du représentant de l’État dans le département, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les grands magasins et centres commerciaux, au-delà d’un seuil défini par décret, et dans des conditions garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi, le cas échéant, qu’aux moyens de transport.

Cette réglementation est rendue applicable au public et, à compter du 30 août 2021, aux personnes qui interviennent dans ces lieux, établissements, services ou évènements lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue.

Cette réglementation est applicable aux mineurs de plus de douze ans à compter du 30 septembre 2021.

L’application de cette réglementation ne dispense pas de la mise en œuvre de mesures de nature à prévenir les risques de propagation du virus si la nature des activités réalisées le permet.

B.  - La présentation du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 dans les cas prévus au A du présent II peut se faire sous format papier ou numérique.

La présentation des documents prévus au premier alinéa du présent B par les personnes mentionnées au 1o du A du présent II est réalisée sous une forme permettant seulement aux personnes ou aux services autorisés à en assurer le contrôle de connaître les données strictement nécessaires à l’exercice de leur contrôle.

La présentation des documents prévus au premier alinéa du présent B par les personnes mentionnées au 2o du A du présent II est réalisée sous une forme ne permettant pas aux personnes ou aux services autorisés à en assurer le contrôle d’en connaître la nature et ne s’accompagne d’une présentation de documents officiels d’identité que lorsque ceux-ci sont exigés par des agents des forces de l’ordre.

(...)

D.  - La méconnaissance des obligations instituées en application des 1o et 2o du A du présent II est sanctionnée dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article L. 3136-1 du code de la santé publique réprimant le fait, pour toute personne, de se rendre dans un établissement recevant du public en méconnaissance d’une mesure édictée sur le fondement du 5o du I de l’article L. 3131-15 du même code.

Le fait, pour un exploitant de service de transport, de ne pas contrôler la détention des documents mentionnés au 1o du A du présent II par les personnes qui souhaitent y accéder est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. Cette contravention peut faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale. Si une telle infraction est verbalisée à plus de trois reprises au cours d’une période de trente jours, les peines sont portées à un an d’emprisonnement et à 9 000 € d’amende.

Lorsque l’exploitant d’un lieu ou d’un établissement ou le professionnel responsable d’un évènement ne contrôle pas la détention, par les personnes qui souhaitent y accéder, des documents mentionnés au 2o du A du présent II, il est mis en demeure par l’autorité administrative, sauf en cas d’urgence ou d’évènement ponctuel, de se conformer aux obligations qui sont applicables à l’accès au lieu, établissement ou évènement concerné. (...) Si la mise en demeure est infructueuse, l’autorité administrative peut ordonner la fermeture administrative du lieu, établissement ou évènement concerné pour une durée maximale de sept jours. (...) Si un manquement mentionné au présent alinéa est constaté à plus de trois reprises au cours d’une période de quarante-cinq jours, il est puni d’un an d’emprisonnement et de 9 000 € d’amende.

(...)

Le fait de présenter un document attestant du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 appartenant à autrui ou de proposer à un tiers, de manière onéreuse ou non, y compris par des moyens de communication au public en ligne, l’utilisation frauduleuse d’un tel document est sanctionné dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 3136-1 du code de la santé publique pour les interdictions ou obligations édictées en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 du même code.

(...

F.  - Hors les cas prévus aux 1o et 2o du A du présent II, nul ne peut exiger d’une personne la présentation d’un résultat d’examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19.

Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait d’exiger la présentation des documents mentionnés au premier alinéa du présent F pour l’accès à des lieux, établissements, services ou évènements autres que ceux mentionnés au 2o du A du présent II.

(...)

J.  - Un décret, pris après avis de la Haute Autorité de santé, détermine les cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination et permettant la délivrance d’un document pouvant être présenté dans les cas prévus au 2o du A du présent II.

(...)

IV.  - Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. Les mesures individuelles font l’objet d’une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent.

V.  - Les mesures prises en application du présent article peuvent faire l’objet, devant le juge administratif, des recours présentés, instruits et jugés selon les procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative.

(...) »

14.  Ces lois ont fait l’objet de décrets d’application, à savoir les décrets no 2021-724 du 7 juin 2021 et no 2021-1059 du 7 août 2021 qui ont successivement modifié le décret no 2021-699 du 1er juin 2021 définissant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

15.  Par ailleurs, dans une décision no 2021-824 du 5 août 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions concernant le « passe sanitaire » conformes à la Constitution, à l’exception des dispositions de la loi organisant la rupture anticipée de certains contrats de travail et le placement « automatique » à l’isolement, jugées contraires à la Constitution. S’agissant du passe sanitaire, il s’est prononcé comme suit :

 « (...) En ce qui concerne les dispositions subordonnant l’accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d’un « passe sanitaire » :

36.  Les dispositions contestées prévoient que le Premier ministre peut subordonner l’accès du public à certains lieux, établissements, services ou événements où se déroulent certaines activités, à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19. Elles prévoient également que, à compter du 30 août 2021, une telle mesure peut être rendue applicable aux personnes qui interviennent dans ces lieux, établissements, services ou événements.

37.  Ces dispositions, qui sont susceptibles de limiter l’accès à certains lieux, portent atteinte à la liberté d’aller et de venir et, en ce qu’elles sont de nature à restreindre la liberté de se réunir, au droit d’expression collective des idées et des opinions.

38.  Toutefois, en premier lieu, le législateur a estimé que, en l’état des connaissances scientifiques dont il disposait, les risques de circulation du virus de la covid-19 sont fortement réduits entre des personnes vaccinées, rétablies ou venant de réaliser un test de dépistage dont le résultat est négatif. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à limiter la propagation de l’épidémie de covid-19. Il a ainsi poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.

39.  En deuxième lieu, ces mesures ne peuvent être prononcées que pour la période, allant de l’entrée en vigueur de la loi déférée au 15 novembre 2021, période durant laquelle le législateur a estimé qu’un risque important de propagation de l’épidémie existait en raison de l’apparition de nouveaux variants du virus plus contagieux. Pour les motifs mentionnés au paragraphe 29, cette appréciation n’est pas, en l’état des connaissances, manifestement inadéquate au regard de la situation présente.

40.  En troisième lieu, les mesures contestées peuvent s’appliquer dans certains lieux, établissements, services ou événements où sont exercées des activités de loisirs, de restauration commerciale ou de débit de boissons. Elles peuvent également s’appliquer à des foires, séminaires et salons professionnels, à des services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux ainsi qu’à certains grands magasins et centres commerciaux.

41.  D’une part, en prévoyant l’application de ces mesures aux foires, séminaires et salons professionnels, aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux ainsi qu’aux grands magasins et centres commerciaux, le législateur a réservé leur application à des activités qui mettent en présence simultanément un nombre important de personnes en un même lieu et présentent ainsi un risque accru de transmission du virus. De même, en prévoyant l’application de ces mêmes mesures aux services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux ainsi qu’aux activités de loisirs, de restauration ou de débit de boissons à l’exception de la restauration collective, de la vente à emporter de plats préparés et de la restauration professionnelle routière et ferroviaire, le législateur a circonscrit leur application à des lieux dans lesquels l’activité exercée présente, par sa nature même, un risque particulier de diffusion du virus.

42.  D’autre part, le législateur a entouré de plusieurs garanties l’application de ces mesures. S’agissant de leur application aux services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, le législateur a réservé l’exigence de présentation d’un « passe sanitaire » aux seules personnes accompagnant ou rendant visite aux personnes accueillies dans ces services et établissements, ainsi qu’à celles qui y sont accueillies pour des soins programmés. Ainsi, cette mesure, qui s’applique sous réserve des cas d’urgence, n’a pas pour effet de limiter l’accès aux soins. S’agissant de leur application aux grands magasins et centres commerciaux, il a prévu qu’elles devaient garantir l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi qu’aux moyens de transport accessibles dans l’enceinte de ces magasins et centres. Il a prévu également qu’elles ne pouvaient être décidées qu’au-delà d’un certain seuil défini par décret et par une décision motivée du représentant de l’État dans le département lorsque les caractéristiques de ces lieux et la gravité des risques de contamination le justifient. S’agissant des déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux, le législateur a exclu que ces mesures s’appliquent « en cas d’urgence faisant obstacle à l’obtention du justificatif requis ». En outre, comme le Conseil constitutionnel l’a jugé dans sa décision du 31 mai 2021 mentionnée ci-dessus, la notion « d’activité de loisirs » exclut notamment une activité politique, syndicale ou cultuelle.

43.  Enfin, ainsi qu’il a été dit précédemment, les mesures réglementaires prises sur le fondement des dispositions contestées ne peuvent, sous le contrôle du juge, l’être que dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19. Elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.

44.  En quatrième lieu, les dispositions contestées prévoient que les obligations imposées au public peuvent être satisfaites par la présentation aussi bien d’un justificatif de statut vaccinal, du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination ou d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination. Ainsi, ces dispositions n’instaurent, en tout état de cause, ni obligation de soin ni obligation de vaccination. En outre, le législateur a prévu la détermination par un décret, pris après avis de la Haute autorité de santé, des cas de contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination et la délivrance aux personnes concernées d’un document pouvant être présenté dans les lieux, services ou établissements où sera exigée la présentation d’un « passe sanitaire ».

45.  En cinquième lieu, le contrôle de la détention d’un des documents nécessaires pour accéder à un lieu, établissement, service ou événements ne peut être réalisé que par les forces de l’ordre ou par les exploitants de ces lieux, établissements, services ou événements. En outre, la présentation de ces documents est réalisée sous une forme ne permettant pas « d’en connaître la nature » et ne s’accompagne d’une présentation de documents d’identité que lorsque ceux-ci sont exigés par des agents des forces de l’ordre.

46.  En dernier lieu, d’une part, ces mesures ne sont rendues applicables au public et, à compter du 30 août 2021, aux personnes qui interviennent dans les lieux, établissements, services ou événements que lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue.

47.  D’autre part, le législateur a pu estimer, en l’état des connaissances scientifiques dont il disposait, que les mineurs de plus de douze ans sont, comme les majeurs, vecteurs de la diffusion du virus et prévoir ainsi que l’obligation de présentation d’un « passe sanitaire » leur serait applicable à compter du 30 septembre 2021.

48.  Il résulte de tout ce qui précède que les dispositions contestées opèrent une conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées.

S’agissant du grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité :

(...)

50.  En premier lieu, les grands magasins et centres commerciaux mettent en présence simultanément un nombre important de personnes en un même lieu et pour une durée prolongée. Ils présentent ainsi un risque important de propagation du virus. Les commerces situés au sein de ces établissements sont donc dans une situation différente de ceux situés en dehors de ces établissements. Dès lors, en prévoyant que les mesures contestées peuvent s’appliquer aux seuls grands magasins et centres commerciaux, ces dispositions instaurent une différence de traitement qui repose sur une différence de situation et est en rapport direct avec l’objet de la loi.

51.  En deuxième lieu, en prévoyant que le Premier ministre peut subordonner à la présentation de l’un des trois documents sanitaires énumérés par les dispositions contestées l’accès à des grands magasins et centres commerciaux, au-delà d’un seuil défini par décret, et sur décision motivée prise par le représentant de l’État dans le département, sous le contrôle du juge, lorsque leurs caractéristiques et la gravité des risques de contamination le justifient, les dispositions contestées ne créent en elles-mêmes aucune différence de traitement entre ces établissements.

52.  En troisième lieu, les dispositions contestées, qui n’obligent pas à la présentation d’un justificatif de statut vaccinal mais prévoient que le « passe sanitaire » peut également consister en un certificat de rétablissement ou un résultat d’examen de dépistage négatif, n’instaurent aucune différence de traitement à l’égard des personnes qui n’auraient pas pu bénéficier de l’administration d’un vaccin avant l’entrée en vigueur de la loi ou auraient reçu un vaccin non homologué par l’Agence européenne du médicament.

53.  En quatrième lieu, les dispositions contestées ne sont relatives ni aux conditions d’obtention des documents permettant l’accès aux lieux, établissements ou événements ni au caractère payant ou non des actes donnant lieu à délivrance de ces documents.

54.  En dernier lieu, le contrôle de la détention d’un des documents nécessaires pour accéder aux lieux, établissements, services ou événements ne peut être réalisé que par les forces de l’ordre ou les exploitants de ces lieux, établissements, services ou événements. Sa mise en œuvre ne saurait s’opérer qu’en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes.

55.  Il résulte de ce qui précède que, sous la réserve énoncée au paragraphe précédent, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité doit être écarté.

56.  Il résulte de tout ce qui précède que, sous la même réserve, les dispositions du 2 o du A et le B du paragraphe II de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. (...) »

GRIEFS

16.  Invoquant l’article 3 de la Convention, le requérant se plaint des lois nos 2021-689 et 2021-1040 qui, selon lui, visent essentiellement à contraindre le consentement à la vaccination. Il dénonce notamment ce qu’il qualifie de mesures de rétorsion prévues, alléguant une intensité des souffrances physiques et un risque grave d’atteinte à l’intégrité physique, selon lui sans nécessité médicale et alors que les vaccins disponibles seraient en phase d’essai clinique.

17.  Il allègue en outre, sur le fondement des articles 8 et 14 de la Convention, ainsi que de l’article 1er du Protocole No 12, que ces lois, en créant et en imposant un système de passe sanitaire, constitueraient une ingérence discriminatoire dans le droit au respect de la vie privée, laquelle ne serait pas « prévue par la loi », faute de prévisibilité, ne poursuivrait pas un motif légitime d’ordre public et, enfin, alors que la marge d’appréciation des États serait stricte, ne serait pas nécessaire dans une société démocratique.

EN DROIT

  1. Observations préliminaires

18.  La Cour observe tout d’abord que l’opposition aux mesures précitées a donné lieu à des manifestations publiques en France. Toutefois, il convient de souligner que la présente requête ne concerne ni le droit à la liberté d’expression prévu à l’article 10 de la Convention ni celui à la liberté d’association au sens de l’article 11.

19.  La Cour note ensuite que le requérant a introduit une requête individuelle en son nom propre. Il annonce également, dans son formulaire de requête (partie intitulée « Autres remarques - Avez-vous d’autres remarques à formuler au sujet de votre requête ? ») : « Recours au nom de 7 934 requérants. Liste ci-jointe. Pouvoirs envoyés par requêtes individuelles ».

20.  La Cour constate que le nombre annoncé de 7 934 requêtes se révèle en réalité inférieur au volume des recours dont la Cour a depuis été saisie, près de dix-huit mille requêtes lui ayant d’ores et déjà été adressées dans le cadre de la démarche initiée par le requérant. La Cour relève, en outre, que ces milliers de requêtes ne remplissaient pas toutes les conditions posées par l’article 47 § 1 de son règlement. Le Président de la Cour a décidé de faire application temporairement de l’exception prévue à l’article 47 § 5.1 c) du règlement en ce qui concerne l’absence de signature originale du représentant des requérants, M Zambrano. Concernant le non-respect d’autres exigences du paragraphe 1 de cette disposition, par une lettre et un courrier électronique du 17 août 2021, le requérant, dès lors qu’il a été désigné automatiquement comme représentant dans toutes ces requêtes standardisées, a été invité, en vertu de l’article 47 § 5.2 du règlement, à compléter les dossiers et averti qu’à défaut, lesdites requêtes risquaient de ne pas être examinées. Les correspondances du greffe sont demeurées sans réponse.

21.  Il s’ensuit que la présente requête ne saurait être considérée comme ayant été dument introduite par Monsieur Zambrano au nom d’autres requérants que lui-même, comme il le prétend, et ce quand bien même les éventuelles conclusions de la Cour sur la recevabilité de sa requête sont susceptibles de s’appliquer aux milliers d’autres requêtes standardisées qui en découlent.

  1. Sur la recevabilité

22.  La Cour doit examiner la question de savoir si le recours du requérant remplit les conditions pour être considéré recevable, compte tenu des exigences de la Convention et de sa jurisprudence bien établie.

  1. L’épuisement des voies de recours internes

23.  La Cour relève en premier lieu que le requérant n’a pas saisi les juridictions administratives de recours au fond dirigés contre les actes réglementaires que sont les décrets d’application des lois litigieuses (paragraphe 14 ci-dessus). Certes, il soutient dans sa requête que, dans la mesure où il met en cause la conventionnalité en elles-mêmes des lois nos 2021-689 et 2021-1040 et où ces textes ont été déclarés conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel (paragraphe 15 ci-dessus), il n’existerait pas de recours disponible et effectif qui aurait dû être préalablement exercé.

24.  La Cour rappelle toutefois que le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention revêt, et c’est primordial, un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme. La Cour a la charge de surveiller le respect par les États contractants de leurs obligations découlant de la Convention. Elle ne doit pas se substituer aux États contractants, auxquels il incombe de veiller [en premier lieu] à ce que les droits et libertés fondamentaux consacrés par la Convention soient respectés et protégés au niveau interne (voir, parmi beaucoup d’autres, Vučković et autres c. Serbie (exception préliminaire) [GC], nos 17153/11 et 29 autres, §§ 69-77, 25 mars 2014). Dans le contexte de l’épuisement des voies de recours internes et à l’égard du caractère subsidiaire du mécanisme de contrôle institué par la Convention, la Cour a toujours reconnu que les autorités nationales jouissent d’une légitimité démocratique directe en ce qui concerne la protection des droits de l’homme et que grâce à leurs contacts directs et constants avec les forces vives de leur pays, les autorités de l’État se trouvent en principe mieux placées que le juge international pour évaluer les besoins et le contexte locaux (voir, par exemple, Dubská et Krejzová c. République tchèque [GC], nos 28859/11 et 28473/12, § 175, CEDH 2016, et Maurice c. France [GC], no 11810/03, § 117, CEDH 2005‑IX, avec d’autres références).

25.  La règle de l’épuisement des recours internes se fonde sur l’hypothèse, reflétée dans l’article 13 de la Convention, avec lequel elle présente d’étroites affinités, que l’ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée. Elle est donc une partie indispensable du fonctionnement de ce mécanisme de protection. Les personnes désireuses de se prévaloir de la compétence de contrôle de la Cour relativement à des griefs dirigés contre un État ont donc l’obligation d’utiliser auparavant les recours effectifs qu’offre le système juridique de celui-ci.

26.  L’obligation d’épuiser préalablement les voies de recours internes revêt en particulier une importance particulière s’agissant de griefs tirés de l’article 8, que cet article soit pris isolément ou combiné avec l’article 14. Il est en effet primordial, lorsque la Cour aborde la question complexe et délicate de la balance à opérer entre les droits et intérêts en jeu dans le cadre de l’application de ces dispositions, que cette balance ait préalablement été faite par les juridictions internes, celles-ci étant en principe mieux placées pour le faire (voir Charron et Merle-Montet c. France (déc.), no 22612/15, § 30, 16 janvier 2018), tout en étant soumises à la supervision externe prévue par la Convention.

27.  Ainsi, en droit français, le recours pour excès de pouvoir, dans le cadre duquel il est possible de développer, à l’appui des conclusions d’annulation, des moyens fondés sur une violation de la Convention, est une voie de recours interne à épuiser (voir, en dernier lieu, Graner c. France (déc.), no 84536/17, § 44, 5 mai 2020). Elle rappelle également que le pourvoi en cassation figure parmi les procédures dont il doit ordinairement être fait usage pour se conformer à l’article 35 de la Convention (voir, par exemple, Renard et autres c. France (déc.), nos 3569/129145/129161/12 et 37791/13, 25 août 2015, et Graner, précitée, § 61). Pour pleinement épuiser les voies de recours internes, il faut donc en principe mener la procédure interne, le cas échéant, jusqu’au juge de cassation et le saisir des griefs tirés de la Convention susceptibles d’être ensuite soumis à la Cour. Or, une telle exigence vaut indépendamment de l’intervention d’une décision du Conseil constitutionnel, qui ne se prononce pas au regard des dispositions de la Convention (Zielinski et Pradal et Gonzalez et autres c. France [GC], nos 24846/94 et 34165/96 à 34173/96, § 59, CEDH 1999‑VII). En effet, le contrôle du respect de la Convention effectué par le « juge ordinaire » est distinct du contrôle de conformité de la loi à la Constitution effectué par le Conseil constitutionnel : une mesure prise en application d’une loi (acte réglementaire ou décision individuelle) dont la conformité aux dispositions constitutionnelles protectrices des droits fondamentaux a été déclarée par le Conseil constitutionnel peut être jugée incompatible avec ces mêmes droits tels qu’ils se trouvent garantis par la Convention à raison, par exemple, de son caractère disproportionné dans les circonstances de la cause (Charron et Merle-Montet, précité, § 28, et Graner, précitée, § 53). Par ailleurs, il est loisible à un requérant qui saisit le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un décret d’application d’une loi ou une décision refusant d’abroger un tel décret d’invoquer, par la voie de l’exception, l’inconventionnalité de cette loi à l’appui de ses conclusions d’annulation. Un recours effectif était donc ouvert en droit interne qui aurait permis au requérant de contester devant le Conseil d’État le respect par la loi du 5 août 2021 des articles de la Convention invoqués devant la Cour.

28.  De plus, lorsqu’un doute existe quant à l’efficacité d’un recours interne, c’est là un point qui doit être soumis aux tribunaux nationaux (Roseiro Bento c. Portugal (déc.), no 29288/02, CEDH 2004-XII (extraits), Lienhardt c. France (déc.), no 12139/10, 13 septembre 2011, et Vučković et autres, précité, § 74).

29.  Dès lors, à supposer même que le requérant puisse prétendre avoir le statut de victime (voir ci-dessous), la requête est en tout état de cause irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

30.  Si cette conclusion peut justifier à elle seule un constat d’irrecevabilité d’une requête, la Cour estime néanmoins utile, voire essentiel dans les circonstances spécifiques de l’espèce, d’examiner la question de savoir si la présente requête est susceptible de se heurter à d’autres conditions de recevabilité.

  1. L’abus du droit de recours

31.  La Cour rappelle qu’elle a pour seule tâche, aux termes de l’article 19 de la Convention, d’assurer le respect des engagements résultant pour les États contractants de la Convention.

32.  Par ailleurs, elle est pleinement consciente des difficultés soulevées par la pandémie de covid-19 et du fait que certaines mesures prises par les autorités nationales sont susceptibles de soulever des interrogations au regard des exigences de la Convention. Elle souligne à ce titre qu’un certain nombre de requêtes ont d’ores et déjà fait l’objet d’une communication aux gouvernements de plusieurs Hautes parties contractantes (voir, par exemple, Communauté genevoise d’action syndicale (CGAS) c. Suisse, no 21881/20, communiquée le 11 septembre 2020, Spînu c. Roumanie, no 29443/20, communiquée le 1er octobre 2020, Toromag, s.r.o. c. Slovaquie et quatre autres requêtes, nos 41217/2041253/2041263/2041271/20 et 49716/20, communiquées le 5 décembre 2020, Association d’obédience ecclésiastique orthodoxe c. Grèce, no 52104/20, communiquée le 25 février 2021, et Magdić c. Croatie, no 17578/20, communiquée le 31 mai 2021).

33.  Il reste qu’une requête peut être déclarée abusive, au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La mise en œuvre de cette disposition est une « mesure procédurale exceptionnelle », et la notion d’« abus », au sens de l’article 35 § 3 de la Convention, doit être comprise dans son sens ordinaire retenu par la théorie générale du droit – à savoir le fait, par le titulaire d’un droit, de le mettre en œuvre en dehors de sa finalité d’une manière préjudiciable (Miroļubovs et autres c. Lettonie, no 798/05, § 62, 15 septembre 2009, et S.A.S., précité, § 66). La responsabilité directe de l’intéressé doit toujours être établie avec suffisamment de certitude, une simple suspicion ne suffisant pas pour déclarer la requête abusive au sens de l’article 35 § 3 de la Convention (Miroļubovs et autres, précité, §§ 63-66).

34.  Sur ce dernier point, la Cour a précisé que le « comportement abusif » du requérant qu’elle exige doit non seulement être manifestement contraire à la vocation du droit de recours, mais aussi entraver le bon fonctionnement de la Cour ou le bon déroulement de la procédure devant elle (Miroļubovs et autres, précité, § 65, et Zhdanov et autres c. Russie, nos 12200/0835949/11 et 58282/12, § 81, 16 juillet 2019).

35. En l’espèce, la Cour constate que le requérant a pris l’initiative, s’appuyant sur son site Internet « nopass.fr », de lutter contre le passe sanitaire institué en France en invitant ses visiteurs à se joindre à lui pour exercer un recours collectif devant la Cour. Comme la Cour l’a déjà souligné, la présente requête ne concerne ni le droit à la liberté d’expression prévu à l’article 10 de la Convention ni celui à la liberté d’association au sens de l’article 11 (paragraphe 18 ci-dessus).

36.  Toutefois, dans les vidéos publiées sur son site Internet et sur YouTube, on peut constater les appels répétés du requérant à la multiplication des saisines par l’emploi d’un formulaire standardisé, généré automatiquement, en exhortant ses visiteurs à s’engager dans cette voie afin de dépasser les dizaines de milliers de saisine, répétant en des termes exempts d’ambiguïté que l’objectif poursuivi n’est pas d’obtenir gain de cause dans le cadre de l’exercice normal du droit de recours individuel prévu par la Convention, mais au contraire de provoquer « l’embouteillage, l’engorgement, l’inondation »  de la Cour (paragraphe 10 ci-dessus), de « paralyser son fonctionnement » (paragraphe 11 ci-dessus), de « créer un rapport de force » pour « négocier » avec la Cour en la menaçant dans son fonctionnement (paragraphe 10 ci-dessus), « de forcer la porte d’entrée de la Cour » (paragraphe 11 ci-dessus) et « de faire dérailler le système » dont la Cour serait un « maillon » (paragraphes 10 et 11 ci-dessus).

37.  Or, la Cour rappelle qu’elle fait face depuis près de vingt ans à un contentieux de masse découlant de différents problèmes structurels ou systémiques dans les États contractants et que ces déficiences en matière de droits de l’homme au sein des États membres engendrent un nombre sans cesse croissant de requêtes auprès de la Cour. Elle veille malgré cela à l’efficacité à long terme du système de protection des droits de l’homme créé par la Convention, tout en préservant le droit à un recours individuel, la clé de voûte dudit système, et l’accès à la justice. Il est évident qu’un afflux massif de requêtes telles que celles promouvant l’objectif recherché par le requérant risque de peser sur la capacité de la Cour à remplir la mission que lui assigne l’article 19 relativement à d’autres requêtes, introduites par d’autres requérants, qui remplissent les conditions pour être attribuées à des formations judiciaires et, prima facie, les conditions de recevabilité prévues par la Convention, entre autres celle mentionnée ci-dessus. La protection du mécanisme de la Convention est d’ailleurs une préoccupation à laquelle renvoient également les dispositions de l’article 17 de la Convention qui, « pour autant qu’il vise des groupements ou des individus, a pour but de les mettre dans l’impossibilité de tirer de la Convention un droit qui leur permette de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés reconnus dans la Convention ; qu’ainsi personne ne doit pouvoir se prévaloir des dispositions de la Convention pour se livrer à des actes visant à la destruction des droits et libertés visés (...) » (cf., parmi beaucoup d’autres, Lawless c. Irlande, 1er juillet 1961, § 7, série A no 3).

38.  Compte tenu de ce qui précède et notamment des objectifs ouvertement poursuivis par le requérant, la démarche de ce dernier est manifestement contraire à la vocation du droit de recours individuel. En l’espèce, il vise délibérément à nuire au mécanisme de la Convention et au fonctionnement de la Cour, dans le cadre de ce qu’il qualifie de « stratégie judiciaire » et qui s’avère en réalité contraire à l’esprit de la Convention et aux objectifs qu’elle poursuit.

  1. La qualité de victime

39.  Enfin, et dans un souci d’exhaustivité, la Cour observe qu’une requête telle que celle en cause en l’espèce pourrait soulever des questions s’agissant de sa compatibilité ratione personae avec les dispositions de la Convention.

40.  La Cour rappelle en effet que pour se prévaloir de l’article 34 de la Convention, un requérant doit pouvoir se prétendre victime d’une violation de la Convention ; la notion de « victime », selon la jurisprudence constante de la Cour, doit être interprétée de façon autonome et indépendante des notions internes telles que celles concernant l’intérêt ou la qualité pour agir. L’intéressé doit pouvoir démontrer qu’il a « subi directement les effets » de la mesure litigieuse (Lambert et autres c. France [GC], no 46043/14, § 89, CEDH 2015 (extraits), S.A.S. c. France [GC], no 43835/11, § 57, CEDH 2014 (extraits), et Le Mailloux c. France (déc.) [comité], no 18108/20, § 10, 5 novembre 2020).

41.  Par ailleurs, l’article 34 de la Convention n’autorise pas à se plaindre in abstracto de violations de la Convention. Celle-ci ne reconnaît pas l’actio popularis, ce qui signifie qu’un requérant ne peut se plaindre d’une disposition de droit interne, d’une pratique nationale ou d’un acte public simplement parce qu’ils lui paraissent enfreindre la Convention (voir, parmi beaucoup d’autres, Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie [GC], no 47848/08, § 101, CEDH 2014, et Garib c. Pays-Bas [GC], no 43494/09, § 136, 6 novembre 2017).

42.  Pour qu’un requérant puisse se prétendre victime, il faut qu’il produise des indices raisonnables et convaincants de la probabilité de réalisation d’une violation en ce qui le concerne personnellement ; de simples suspicions ou conjectures sont insuffisantes à cet égard (Centre de ressources juridiques au nom de Valentin Câmpeanu c. Roumanie [GC], no 47848/08, § 101, CEDH 2014 et les références citées, et Le Mailloux, précitée, § 11).

43.  La Cour relève tout d’abord que le requérant se plaint in abstracto de l’insuffisance et de l’inadéquation des mesures prises par l’État français pour lutter contre la propagation du virus covid 19. En effet, il ne fournit pas d’informations sur sa situation personnelle et n’explique pas concrètement en quoi les manquements allégués des autorités nationales seraient susceptibles de l’affecter directement et de le viser en raison d’éventuelles caractéristiques individuelles.

44.  Le caractère abstrait du recours du requérant ressort en outre des autres requêtes susmentionnées introduites à son initiative. Ces requêtes correspondent en réalité à un document identique, rempli automatiquement dans le cadre d’un formulaire mis à disposition du public sur son site Internet, toute personne souhaitant répondre à son appel n’ayant qu’à saisir ses nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance, ainsi que ses coordonnées de contact. De plus, les informations mises à leur disposition par le requérant précisent expressément, dans le cadre de « questions / réponses », qu’il n’est pas nécessaire d’indiquer des raisons personnelles, l’ajout de tels détails étant même déconseillé pour ne pas rendre la « mission de correspondant de la Cour plus difficile » (paragraphe 5 ci-dessus).

45.  S’agissant plus particulièrement du grief tiré de l’article 3 de la Convention, la Cour note que, contrairement à ce que soutient le requérant, les lois litigieuses ne prévoient aucune obligation générale de se faire vacciner. À cet égard, elle souligne le fait que le requérant ne justifie pas exercer l’une des professions spécifiques dont les membres sont soumis à l’obligation vaccinale par application de la loi no 2021-1040 du 5 août 2021, question étrangère aux circonstances de l’espèce et qu’elle n’estime dès lors pas devoir trancher dans le cadre de la présente affaire. La loi no 2021-689 prévoyait de subordonner certains déplacements et l’accès à certains lieux, pour des activités limitativement énumérées, « à la présentation soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19 » (paragraphe 12 ci-dessus). Partant, elle ne contenait aucune référence à la vaccination, contrairement à la loi no 2021-1040 du 5 août 2021 qui la vise expressément concernant des salariés qui exercent dans les établissements soumis à l’obligation vaccinale ou dont la profession spécifique est soumise à l’obligation vaccinale en application de la loi. La Cour constate cependant que cette dernière n’impose pas davantage la vaccination aux personnes souhaitant effectuer certains déplacements ou accéder à certains lieux, établissements, services ou évènements où sont exercées les activités qu’elle énumère. Cette loi prévoit au contraire expressément la possibilité de présenter le document de son choix parmi trois possibilités : le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19. La Cour relève enfin que la loi no 2021-1040 du 5 août 2021 envisage également la possibilité de se faire délivrer un document attestant d’une contre-indication médicale faisant obstacle à la vaccination (paragraphe 13 ci-dessus).

46.  Dès lors, la Cour estime que le requérant ne démontre pas l’existence d’une contrainte exercée à son égard en tant que personne ne souhaitant pas se faire vacciner et susceptible de rentrer dans le champ d’application de l’article 3 de la Convention.

47.  En ce qui concerne sa qualité de victime au regard de l’article 8 de la Convention, le requérant invoque, entre autres, l’arrêt S.A.S. (précité). La Cour rappelle que dans cette dernière affaire, qui concernait le port du voile intégral, il ne faisait pas de doute que la législation contestée renvoyait directement à une manière de vivre la religion pour certaines musulmanes (ibid., § 145) et que l’on pouvait y voir une « pratique » au sens de l’article 9 de la Convention (ibid., § 57). La requérante dans ladite affaire, à l’instar de certaines musulmanes, se trouvait donc devant un dilemme : soit elle se pliait à l’interdiction de porter le voile intégral et renonçait à se vêtir conformément au choix que lui dictait son approche de sa religion ; soit elle ne s’y pliait pas et s’exposait à des sanction pénales. La Cour a d’ailleurs qualifié ce dilemme de comparable mutatis mutandis à celui qu’elle avait identifié dans les affaires Dudgeon c. Royaume-Uni (22 octobre 1981, série A no 45, § 41) et Norris c. Irlande (26 octobre 1988, série A no 142, §§ 30-34), dans lesquelles elle avait reconnu la qualité de victimes à des homosexuels en raison de l’existence même de lois prévoyant des sanctions pénales pour des actes sexuels consentis entre personnes de même sexe, au motif que le choix qui s’offrait à eux était soit de s’abstenir du comportement interdit, soit de s’exposer à des poursuites, alors même que ces lois n’étaient presque jamais appliquées (ibidem). Or, comme cela a déjà été relevé, le requérant ne fournit ni des informations sur sa situation personnelle ni des détails pour expliquer en quoi les législations litigieuses seraient susceptibles d’affecter directement son droit individuel au respect de sa vie privée (paragraphe 43 ci-dessus). De plus, tout en exposant la façon dont elles s’appliquent aux personnes non-vaccinées, il souligne que les personnes vaccinées sont également concernées. Aux yeux de la Cour, cette absence de précisions dans la requête peut s’expliquer entres autres par le non-respect de l’obligation d’épuiser les voies de recours internes (paragraphes 23-30 ci-dessus), condition de recevabilité intimement liée à la question de la qualité de victime, en particulier s’agissant d’une mesure générale telle qu’une loi (S.A.S., précité, §§ 57 et 61). Il reste, en tout état de cause, que la requête est irrecevable pour les raisons exposées ci-dessus et que, dans les circonstances de l’espèce, la Cour n’estime pas nécessaire de trancher définitivement la question de savoir si le requérant peut prétendre avoir la qualité de victime.

48.  Quant à l’article 1er du Protocole No 12 invoqué par le requérant, la Cour rappelle que la France n’a pas ratifié ce protocole et que cette partie de la requête est incompatible ratione personae (De Saedeleer c. Belgique, no 27535/04, § 68-69, 24 juillet 2007).

49.  Eu égard à ce qui précède, la requête introduite par le requérant est irrecevable pour plusieurs raisons, à savoir notamment le non-épuisement des voies de recours internes et le caractère abusif de celle-ci au sens des dispositions de l’article 35 §§ 1 et 3 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Fait en français puis communiqué par écrit le 7 octobre 2021.

 

Martina Keller                                                 Síofra O’Leary
Greffière                                                 adjointe Présidente