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Corte europea dei diritti dell’uomo, 9 dicembre 1994

(requête n. 13427/87)

 

 

AFFAIRE RAFFINERIES GRECQUES STRAN ET STRATIS ANDREADIS c. GRÈCE

 

 

En l’affaire Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce*,

La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement A**, en une chambre composée des juges dont le nom suit:

MM.  R. Ryssdal, président,

B. Walsh,

R. Macdonald,

C. Russo,

N. Valticos,

S.K. Martens,

R. Pekkanen,

F. Bigi,

L. Wildhaber,

ainsi que de M. H. Petzold, greffier f.f.,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 22 avril et 21 novembre 1994,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date:

PROCEDURE

1.   L’affaire a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") le 12 juillet 1993, dans le délai de trois mois qu’ouvrent les articles 32 par. 1 et 47 (art. 32-1, art. 47) de la Convention. A son origine se trouve une requête (no 13427/87) dirigée contre la République hellénique et dont une société anonyme grecque, les Raffineries grecques Stran, ainsi que l’unique actionnaire de celle-ci, M. Stratis Andreadis, avaient saisi la Commission le 20 novembre 1987 en vertu de l’article 25 (art. 25). Le second requérant étant décédé en 1989, son fils et héritier, M. Petros Andreadis, avait exprimé le souhait de maintenir la requête.

La demande de la Commission renvoie aux articles 44 et 48 (art. 44, art. 48) ainsi qu’à la déclaration grecque reconnaissant la juridiction obligatoire de la Cour (article 46) (art. 46). Elle a pour objet d’obtenir une décision sur le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l’Etat défendeur aux exigences de l’article 6 (art. 6) de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1).

2.   En réponse à l’invitation prévue à l’article 33 par. 3 d) du règlement A, les requérants ont manifesté le désir de participer à l’instance et désigné leur conseil (article 30).

3.   La chambre à constituer comprenait de plein droit M. N. Valticos, juge élu de nationalité grecque (article 43 de la Convention) (art. 43), et M. R. Ryssdal, président de la Cour (article 21 par. 3 b) du règlement A). Le 25 août 1993, celui-ci a tiré au sort le nom des sept autres membres, à savoir MM. B. Walsh, R. Macdonald, C. Russo, S.K. Martens, R. Pekkanen, F. Bigi et L. Wildhaber, en présence du greffier (articles 43 in fine de la Convention et 21 par. 4 du règlement A) (art. 43).

4.   En sa qualité de président de la chambre (article 21 par. 5 du règlement A), M. Ryssdal a consulté, par l’intermédiaire du greffier, l’agent du gouvernement grec ("le Gouvernement"), le conseil des requérants et le délégué de la Commission au sujet de l’organisation de la procédure (articles 37 par. 1 et 38). Conformément à l’ordonnance rendue en conséquence, le greffier a reçu le mémoire du Gouvernement le 13 janvier 1994 et celui des requérants le 19 janvier. Le 21 février, le secrétaire de la Commission l’a informé que le délégué s’exprimerait en plaidoirie.

5.   Ainsi qu’en avait décidé le président, l’audience s’est déroulée en public le 19 avril 1994, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg. La chambre avait tenu auparavant une réunion préparatoire.

Ont comparu:

- pour le Gouvernement

M. P. Georgakopoulos, assesseur

au Conseil juridique de l’Etat,  délégué de l’agent,

Mme K. Grigoriou, auditeur

au Conseil juridique de l’Etat,  conseil;

- pour la Commission

M. C.L. Rozakis,  délégué;

- pour les requérants

M. M. Beloff, QC,  conseil,

M. P. Martyr, solicitor,

Mme T. Foster, solicitor,

M. K.D. Kerameus, professeur de droit

à l’université d’Athènes,  conseillers.

La Cour a entendu en leur déclarations, ainsi qu’en leurs réponses à ses questions, MM. Georgakopoulos, Rozakis et Beloff.

EN FAIT

I.   LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6.   Les Raffineries grecques Stran ("Stran") sont une société actuellement en liquidation de biens et dont le siège se trouve à Athènes. M. Stratis Andreadis était son unique actionnaire.

A. La genèse de l’affaire

7.   Aux termes d’un contrat passé le 22 juillet 1972 avec l’Etat grec alors sous régime militaire, M. Andreadis assuma l’obligation de monter une raffinerie de pétrole brut dans la région de Megara, près d’Athènes. La construction, dont le coût s’élèverait à 76 000 000 dollars américains, incomberait à une société à créer, les Raffineries grecques Stran, dont le requérant serait l’unique propriétaire. Tous les droits et obligations de ce dernier seraient automatiquement transférés à la société dès sa constitution.

Le gouvernement ratifia le contrat par le décret-loi no 1211/1972, publié au Journal officiel du 26 juillet 1972; l’article 21 du contrat stipulait que l’Etat s’engageait à acquérir à Megara, jusqu’au 31 décembre 1972 au plus tard, un terrain propice à la construction de la raffinerie. Le 27 juillet 1972, l’Etat autorisa M. Andreadis, par un décret royal (no 450) adopté en vertu du décret-loi no 2687/1953 concernant "les investissements et la protection des capitaux étrangers", à importer 58 millions de dollars américains pour financer l’investissement.

8.   Toutefois, le projet stagna car l’Etat ne s’acquitta pas de son obligation: le 28 novembre 1973, les ministres de l’Industrie et de l’Agriculture annoncèrent, lors d’une conférence de presse à Megara, la décision du gouvernement de rendre à leurs propriétaires les terrains qui étaient déjà expropriés en exécution de l’article 21 du contrat; le lendemain la police de Megara interdit la continuation des travaux.

En décembre 1973, Stran protesta auprès des autorités compétentes et sollicita la permission de continuer les travaux. Le 27 février 1974, elle assigna même l’Etat pour qu’il approuve l’acquisition des terrains litigieux mais ce dernier refusa de révoquer l’interdiction.

9.   Après le rétablissement de la démocratie, le gouvernement estima le contrat et le décret no 450 préjudiciables à l’économie nationale; il se prévalait de l’article 2 par. 5 de la loi no 141/1975 sur la résiliation des contrats de faveur (kharistikes symvasseis) passés pendant le régime militaire (1967-1974). Promulguée en vertu d’une autorisation spéciale de la Constitution de 1975 (article 107 - paragraphe 24 ci-dessous), cette loi avait une valeur supralégislative.

Les intéressés ne donnèrent aucune suite à une proposition tendant à négocier la révision ou la résiliation du contrat, que le ministre de la Coordination leur avait adressée le 19 novembre 1975. Partant, un comité ministériel de l’Economie résilia ledit contrat le 14 octobre 1977. Les requérants n’engagèrent aucune action en justice contre cette décision.

B. La procédure devant le tribunal de grande instance d’Athènes

10.  Avant la rupture du contrat, Stran avait engagé des dépenses relatives à la réalisation du projet; elle avait en particulier passé des contrats de fournitures et de prestations de services avec des entreprises grecques et étrangères et souscrit des emprunts.

Un litige s’éleva alors entre elle et l’Etat; le 10 novembre 1978, elle introduisit devant le tribunal de grande instance d’Athènes une action en déclaration (anagnoristiki agogi) visant à faire reconnaître que l’Etat devait lui rembourser à titre de dommage les sommes de 251 113 978 drachmes, 22 799 782 dollars américains et 877 466 francs français. Elle soutenait que l’Etat avait manqué à ses obligations pendant la durée du contrat, notamment en ayant interdit depuis le 27 novembre 1973 la poursuite des travaux d’installation de la raffinerie à Megara et en n’ayant pas procédé depuis le 9 février 1974 à l’expropriation des terrains dans ce but; elle réclamait en outre la restitution d’un chèque de cautionnement de 240 millions de drachmes qu’elle avait déposé au ministère de l’Economie nationale pour garantir la bonne exécution du contrat, ainsi que le remboursement de la commission et du timbre fiscal versés à la Banque du commerce.

De son côté, l’Etat contesta la compétence du tribunal. Il alléguait que le litige devait être soumis à l’arbitrage conformément à l’article 27 du contrat, dont les paragraphes pertinents se lisaient ainsi:

"1. Tout différend, litige ou désaccord entre l’Etat et le concessionnaire résultant de l’application du présent contrat et concernant l’exécution ou l’interprétation des dispositions de celui-ci, ainsi que sur la portée des droits et obligations qui en découlent sera résolu exclusivement par l’arbitrage de trois arbitres conformément à la procédure suivante; aucune autre convention d’arbitrage n’est requise.

(...)

9. La sentence arbitrale est définitive et irrévocable. Elle constitue un acte exécutoire ne nécessitant aucune autre mesure supplémentaire d’exécution ni aucune autre formalité. Elle n’est susceptible d’aucun recours judiciaire ordinaire ou extraordinaire, ni d’un recours en annulation devant les juridictions ordinaires ni d’opposition. La partie qui ne respectera pas les dispositions de la sentence sera tenue de réparer tout damnum emergens ou lucrum cessans causé à l’autre partie."

11.  Par un jugement avant dire droit (no 13910/1979) du 29 septembre 1979, le tribunal de grande instance d’Athènes réfuta la thèse principale de l’Etat: la clause d’arbitrage visait uniquement le règlement des litiges nés de l’exécution du contrat et non de l’inexécution par l’une des parties des obligations qui en découlaient; d’autre part, le comité ministériel de l’Economie avait résilié le contrat litigieux dans sa totalité (paragraphe 9 ci-dessus) et la clause d’arbitrage, faute d’existence autonome, se trouvait par conséquent annulée. Il repoussa ensuite l’argument de l’Etat selon lequel deux des conditions résolutoires contenues dans le contrat - le défaut du dépôt d’un chèque de cautionnement et du versement de la seconde partie du capital social - se trouvaient remplies. Enfin, il ordonna un complément d’instruction, en particulier l’examen de cinq témoins, afin de se prononcer sur l’existence et l’ampleur du préjudice allégué par Stran.

C. La procédure devant le tribunal arbitral

12.  Le 12 juin 1980 l’Etat déposa une requête d’arbitrage et désigna son arbitre. Il invitait le tribunal arbitral à déclarer non fondées toutes les demandes en indemnisation introduites par Stran contre l’Etat devant le tribunal de grande instance d’Athènes (paragraphe 10 ci-dessus).

Dans son mémoire du 28 juin 1980, Stran - qui nomma comme arbitre un professeur de droit de l’université d’Athènes - alléguait à titre principal l’incompétence du tribunal arbitral et invitait ce dernier à surseoir à statuer jusqu’à ce que la procédure engagée le 10 novembre 1978 fût terminée; à titre subsidiaire et afin de réfuter les arguments de l’Etat quant au fond, elle renvoyait à ses observations devant le tribunal de grande instance d’Athènes.

13.  Le tribunal arbitral se constitua le 3 juillet 1980; son président fut choisi d’un commun accord par les deux autres arbitres (article 27 par. 3 du contrat). Il rendit sa sentence le 27 février 1984.

Pour affirmer sa compétence, il estima que se trouvaient soumis à l’arbitrage les litiges survenant aussi en raison de la non-exécution complète du contrat, et pas seulement en raison de celle de dispositions isolées comme le soutenait l’Etat; la clause d’arbitrage de l’article 27 (paragraphe 10 ci-dessus) était formulée en des termes généraux et limpides, ce qui excluait de pareilles distinctions.

Quant au fond, le tribunal arbitral s’appuya sur le dossier soumis par les parties au tribunal de grande instance d’Athènes le 10 novembre 1978 (paragraphe 10 ci-dessus). Il admit un partage de responsabilité dans le dommage subi par la société, à concurrence de 70 % pour l’Etat et 30 % pour Stran; celle-ci avait en réalité commencé les travaux sur un terrain ayant fait l’objet d’une expropriation contestée et sans obtenir au préalable le permis de construire nécessaire. Il déclara donc fondées les réclamations de Stran pour un montant ne dépassant pas 116 273 442 drachmes, 16 054 165 dollars américains et 614 627 francs français, auquel il faudrait ajouter des intérêts moratoires au taux de 6 % à compter du 10 novembre 1978; toutefois, cette référence à l’attribution d’intérêts ne figurait pas dans le dispositif de la sentence. Enfin, le tribunal releva que l’Etat retenait illégalement le chèque de cautionnement (paragraphe 10 ci-dessus).

14.  Le 24 juillet 1984, la société requérante demanda au tribunal de grande instance d’Athènes d’enjoindre à l’Etat de restituer le chèque en question, mais le tribunal décida de surseoir à statuer jusqu’à la fin de la procédure engagée le 10 novembre 1978 (paragraphe 10 ci-dessus).

D. Les recours contre la sentence arbitrale du 27 février 1984

1. Devant le tribunal de grande instance d’Athènes

15.  Le 2 mai 1984, l’Etat avait saisi le tribunal de grande instance d’Athènes en demandant l’annulation de la sentence arbitrale du 27 février 1984.

Il soutenait que le tribunal arbitral manquait de la compétence pour connaître des litiges découlant du contrat litigieux ainsi que des prétentions financières de Stran à l’encontre de l’Etat. A titre subsidiaire, il alléguait que les contractants avaient entendu limiter la compétence du tribunal arbitral aux différends portant sur l’exécution ou l’interprétation des clauses du contrat, ainsi que sur l’étendue des droits et obligations qui en découleraient, écartant ainsi ceux concernant sa non-exécution totale; par conséquent, le litige incriminé devait relever des juridictions civiles ordinaires, comme l’avait d’ailleurs reconnu le jugement no 13910/1979 du tribunal de grande instance d’Athènes. A titre plus subsidiaire encore, l’Etat déclarait que l’incompétence du tribunal arbitral se trouvait confirmée par le fait que les prétentions de Stran contre l’Etat avaient été prescrites après la résiliation du contrat. Enfin, il soulignait le caractère déclaratoire de l’action intentée par Stran le 10 novembre 1978 (paragraphe 10 ci-dessus).

16.  Par un jugement (no 5526/1985) du 21 avril 1985, le tribunal débouta l’Etat au motif que la décision résiliant le contrat n’avait pas rendu caduque la clause d’arbitrage; celle-ci continuait à produire ses effets à l’égard des contestations nées pendant la période de validité du contrat.

17.  Le 19 décembre 1986, la société requérante se désista de sa première action devant le tribunal de grande instance d’Athènes (paragraphe 9 ci-dessus), mais sollicita la poursuite de celle relative à la restitution du chèque de cautionnement (paragraphe 14 ci-dessus).

Lors de l’examen de cette dernière devant le tribunal de grande instance d’Athènes, le 6 février 1987, l’Etat s’opposa, en vertu de l’article 294 du code de procédure civile, à l’abandon de la première: il estimait en fait que celle-ci se terminerait de manière défavorable pour Stran et qu’il avait donc un intérêt légitime à l’obtention d’un jugement définitif.

Toutefois, le tribunal ajourna de nouveau l’examen de l’affaire (jugement no 2877/1987) en raison du pourvoi pendant (paragraphe 19 ci-dessous).

2. Devant la cour d’appel d’Athènes

18.  Par un arrêt (no 9336/1986) du 4 novembre 1986, la cour d’appel d’Athènes confirma par les mêmes motifs le jugement du 21 avril 1985.

Elle estima notamment:

"Dans la législation grecque moderne prédomine le principe de l’autonomie de la clause compromissoire au regard du contrat. La résiliation de celui-ci, pour quelque raison que ce soit, ne met pas fin au pouvoir des arbitres appelés à juger les différends créés pendant la période de validité du contrat (...). La décision du comité ministériel de l’Economie n’a pas annulé la clause compromissoire de l’article 27 du contrat et, par conséquent, elle n’empêche pas les arbitres d’examiner le fond du litige."

3. Devant la Cour de cassation

19.  Le 15 décembre 1986, l’Etat se pourvut devant la Cour de cassation.

Initialement fixée au 4 mai 1987, l’audience fut ce jour-là reportée au 1er juin 1987 à la demande de l’Etat, au motif qu’un projet de loi concernant l’affaire litigieuse se trouvait devant le Parlement.

En réponse à une question de la Cour européenne lors de l’audience du 19 avril 1994, le conseil des requérants a affirmé, sans être contredit par le Gouvernement, que le juge rapporteur de la Cour de cassation avait envoyé son avis, favorable à la thèse des intéressés, aux parties avant le 4 mai.

20.  Le 22 mai 1987, le Parlement adopta la loi no 1701/1987 relative "à la participation obligatoire de l’Etat aux entreprises privées (...) et au rachat de parts", entrée en vigueur dès sa publication au Journal officiel du 25 mai 1987. Cette loi portait à titre principal sur la renégociation d’un contrat de concession pour la prospection et l’exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux dans un secteur de la mer de Thrace. Toutefois, son article 12 se lisait ainsi:

"1. Le sens authentique des dispositions de l’article 2 par. 1 de la loi no 141/1975 relative à la résiliation des contrats passés entre le 21 avril 1967 et le 24 juillet 1974 est le suivant: la résiliation de ces contrats entraîne l’annulation de plein droit de toutes leurs conditions et clauses, y compris de la clause d’arbitrage pour la solution de tout litige; toute compétence de tribunaux d’arbitrage cesse d’exister.

2. Les sentences arbitrales visées au paragraphe 1 ne sont plus valides ni exécutoires.

3. Toute prétention principale ou accessoire à l’encontre de l’Etat, formulée en monnaie étrangère ou nationale, qui découle des contrats passés entre le 21 avril 1967 et le 24 juillet 1974, ratifiés par une loi et résiliés en application de la loi no 141/1975, est prescrite.

4. Toute procédure judiciaire pendante devant une juridiction de quelque degré que ce soit au moment de l’adoption de la présente loi et se rapportant aux prétentions mentionnées au paragraphe précédent est annulée."

21.  Le 10 juillet 1987, après avoir entendu le juge rapporteur qui se prononça pour le rejet du pourvoi, la première chambre de la Cour de cassation rendit son arrêt (no 1387/1987); elle concluait à l’inconstitutionnalité de l’article 12 en ces termes:

"(...)

[L’article 107] de la Constitution attribue non seulement une valeur supralégislative à la loi no 141/1975, mais interdit aussi au législateur ordinaire d’y apporter une modification ou un ajout ultérieurs ou même une interprétation authentique, car tant cette valeur supralégislative que l’incitation constitutionnelle de promulguer une loi unique dans les trois mois de l’entrée en vigueur de la Constitution visent à instaurer une stabilité législative et une confiance internationale pour les investissements en Grèce. Cette opinion se fonde sur le seul sens possible de l’expression ‘une loi unique’ et sur la facilité avec laquelle cette disposition serait violée si on autorisait des modifications, ajouts ou interprétation authentique de la loi ainsi adoptée (...)

Par conséquent (...), les dispositions de l’article 12 de la loi no 1701/1987 qui donnent une interprétation authentique, modifient et complètent l’article 2 par. 1 de la loi no 141/1975 et qui ont été adoptées après l’expiration du délai prévu par l’article 107 par. 2 de la Constitution sont contraires à celle-ci, ce qui oblige le tribunal à ne pas les appliquer en vertu de l’article 93 par. 4 de la Constitution. La chambre refusant d’appliquer des dispositions inconstitutionnelles, elle s’estime contrainte, en vertu de l’article 563 par. 2 du code de procédure civile, de renvoyer l’affaire à la formation plénière de la Cour de cassation (...)"

22.  Les débats s’ouvrirent devant la Cour de cassation siégeant en formation plénière le 19 novembre 1987, mais, en raison du décès d’un de ses membres, Stran demanda une nouvelle audience qui se tint le 25 février 1988.

La Cour de cassation rendit son arrêt (no 4/1989) le 16 mars 1989; elle relevait notamment:

"(...) [La Constitution] a prévu la promulgation ‘d’une loi unique’ qui possède, de par sa nature, une valeur supralégislative, en ce sens qu’elle ne peut être ni complétée ni modifiée par une loi ordinaire (...). Toutefois, l’interdiction de compléter ou de modifier le contenu de [pareilles] lois ne signifie pas que leur interprétation soit exclue. Leur nature sui generis, qui leur confère la primauté sur les lois ordinaires, (...) n’exclut pas leur interprétation lorsque les circonstances l’exigent. En effet, le but de l’interprétation consiste non pas en la modification du contenu de la loi interprétée, mais en la révélation de son sens originel et dans le règlement de différends qui ont surgi dans le cadre de son application ou qui risquent de se présenter à l’avenir; [le besoin d’une telle interprétation] sera déterminé en dernier lieu par le tribunal qui sera obligé de vérifier si le sens de la loi interprétée avait en effet suscité des doutes justifiant l’intervention du législateur (...). Par conséquent, n’est pas contraire à la Constitution l’interprétation de la loi no 141/1975 du seul fait que celle-ci possède une valeur supralégislative. Il faudrait cependant se demander, d’une part, si l’interprétation s’imposait dans le cas concret et, d’autre part, si les dispositions non interprétatives de cette loi, qui pèsent pour la solution du cas d’espèce, sont contraires à la Constitution.(...) La formulation [de l’article 2 par. 5 de la loi no 141/1975] manque de clarté et crée un doute quant à la survie, après la résiliation du contrat, de la clause d’arbitrage (...) et quant à la compétence du tribunal arbitral. En l’espèce, le doute avait d’abord surgi à l’occasion de la procédure engagée par les intéressés devant le tribunal civil et ensuite - après le jugement avant dire droit du tribunal de grande instance - avec l’abandon de celle-ci et le recours à l’arbitrage où des arguments diamétralement opposés furent développés (...). Indépendamment des doutes qui avaient surgi, la question principale a trait à l’acceptation ou au rejet du principe de l’autonomie de la clause d’arbitrage et de sa portée. Cette question a suscité depuis longtemps de graves divergences au sein de la jurisprudence et de la doctrine internationales; dans certains pays le principe de la survie de la clause pour le dénouement des différends surgissant jusqu’à la fin de contrats (...) prévaut; dans d’autres pays, l’opinion prédominante est que la résiliation du contrat entraîne la suppression de la clause et, partant, le renvoi de tous les litiges devant les juridictions ordinaires; enfin, dans d’autres pays, le principe selon lequel l’autonomie de la clause d’arbitrage vaut uniquement pour des litiges d’un certain type l’emporte. Dès lors, il était nécessaire de procéder à l’interprétation de la loi no 141/1975, qui régla le problème dans l’Etat grec en faveur de la suppression de la clause d’arbitrage (...) et de l’incompétence du tribunal arbitral. Le fait que l’intervention législative a eu lieu (...) cinq jours avant les débats devant la première chambre de cette Cour et à la suite d’un report d’audience n’exclut pas sa nécessité et ne la rend pas contraire aux articles 26 paras. 1 et 3, 77 et 87 de la Constitution; l’affaire litigieuse a donné l’occasion de régler un problème qui se posait déjà. Par conséquent, on ne peut considérer que le législateur, en procédant à une telle interprétation en l’espèce, se soit immiscé dans la compétence des juridictions ordinaires et qu’il l’ait usurpée. Il en résulte que l’article 12 par. 1 de la loi no 1701/1987 n’enfreint pas le cadre constitutionnel comme l’avait admis la première chambre (...)"

Quant au paragraphe 2 de l’article 12, la Cour de cassation estima qu’il n’était pas inconstitutionnel car il complétait pour l’essentiel le paragraphe 1 et visait à priver d’effet les sentences arbitrales rendues, le cas échéant, après la résiliation des contrats, et qui ne l’auraient pas été si le sens de la loi no 141/1975 avait été clarifié à temps. En outre, elle refusa d’examiner la constitutionnalité du paragraphe 3 au motif que celui-ci n’avait aucune incidence en l’espèce. Enfin, elle jugea que l’adoption du paragraphe 4 juste avant l’audience tendait à enlever aux cours et tribunaux la possibilité d’examiner la validité de la sentence contestée; cette disposition violait donc le principe de la séparation des pouvoirs.

23.  La Cour de cassation renvoya l’affaire devant la première chambre qui, le 11 avril 1990, cassa l’arrêt de la cour d’appel du 4 novembre 1986 (paragraphe 18 ci-dessus) et déclara nulle et non avenue la sentence arbitrale du 27 février 1984 (paragraphe 13 ci-dessus).

II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT

A. La Constitution

24.  Entrent ici en ligne de compte les dispositions suivantes de la Constitution de 1975:

Article 77

"1. L’interprétation de lois par voie d’autorité incombe au pouvoir législatif.

2. Une loi qui en réalité n’est pas interprétative ne produit ses effets qu’à partir de sa publication."

Article 93 par. 4

"Les tribunaux sont tenus de ne pas appliquer une loi dont le contenu est contraire à la Constitution."

Article 107

"1. La législation d’avant le 21 avril 1967 portant sur les capitaux étrangers et ayant une valeur supralégislative, maintient cette valeur et s’applique aussi dorénavant aux capitaux importés.

2. Une loi unique, promulguée dans les trois mois à partir de l’entrée en vigueur de la présente Constitution, détermine les conditions et la procédure de résiliation ou de révision des contrats ou des actes administratifs de faveur de toute forme conclus ou édictés entre le 21 avril 1967 et le 23 juillet 1974 en application du décret-loi no 2687/1953, pour autant que ces contrats ou actes portent sur les investissements de capitaux étrangers (...)"

Selon la doctrine, la référence de l’article 107 de la Constitution au décret-loi no 2687/1953 - lequel prévoit entre autres que l’arbitrage constitue l’unique moyen de règlement de différends relatifs aux investissements étrangers - confère à l’arbitrage un statut constitutionnel (Introduction to Greek Law, édité par K.D. Kerameus et P.J. Kozyris, Deventer/Athènes, Kluwer/Sakkoulas, 1988, p. 263).

B. Le code de procédure civile

25.  De son côté, le code de procédure civile dispose:

Article 294

"Le demandeur peut renoncer à l’action sans le consentement du défendeur avant que celui-ci n’ait plaidé sur le fond de l’affaire. La renonciation ultérieure est irrecevable, si le défendeur s’y oppose, estimant qu’il a un intérêt légitime à la conclusion du procès par un jugement définitif."

Article 295 par. 1

"La renonciation à l’action a pour effet que celle-ci est réputée n’avoir jamais été intentée (...)"

La VIIe partie du code de procédure civile (articles 867-903) traite de l’arbitrage; ses articles pertinents se lisent ainsi:

Article 893 par. 2

"L’arbitre (...) est tenu, sauf disposition contraire dans la clause d’arbitrage, de déposer l’original de la sentence arbitrale au greffe du tribunal de grande instance dans le ressort duquel elle a été prononcée (...)"

Article 895

"1. La sentence arbitrale échappe aux voies de recours ordinaires.

2. La convention d’arbitrage peut stipuler un recours contre la sentence arbitrale devant des arbitres différents (...), mais elle doit en définir en même temps les conditions, le délai et la procédure à suivre pour son exercice et son jugement."

Article 896

"Si la convention d’arbitrage ne stipule pas le recours prévu à l’article 895 par. 2 ou si le délai pour exercer ce recours est écoulé, la sentence arbitrale acquiert force de chose jugée (...)"

Article 897

"La sentence arbitrale peut être annulée, en tout ou en partie, seulement par décision judiciaire et pour les motifs suivants

1) si la convention d’arbitrage est nulle;

2) si elle a été rendue après que la convention d’arbitrage a cessé d’être valide;

3) si les arbitres ont été désignés en méconnaissance des termes de la convention d’arbitrage ou des dispositions de la loi (...);

4) si les arbitres ont excédé le pouvoir que leur attribuait la convention d’arbitrage ou la loi;

5) si les dispositions des articles 886 par. 2, 891 et 892 ont été violées;

6) si elle est contraire à l’ordre public ou aux bonnes moeurs;

7) si elle est incompréhensible ou si elle contient des dispositions contradictoires;

(...)"

Article 904

"1. L’exécution forcée peut avoir lieu uniquement sur la base d’un titre exécutoire.

2. Les titres exécutoires sont:

(...)

b) les sentences arbitrales;

(...)"

Article 918

"1. L’exécution forcée peut avoir lieu uniquement sur la base de la copie du titre exécutoire qui porte la grosse (...)

2. La grosse est apposée:

(...)

d) sur les sentences arbitrales par le juge du tribunal de grande instance (...)

(...)"

C. La loi no 141/1975 "relative à (...) la révision ou la résiliation des contrats (...) conclus pendant la période dictatoriale"

26.  Promulguée en application de l’article 107 par. 2 de la Constitution, la loi no 141/1975 exposait à révision ou résiliation tout acte administratif d’approbation, édicté entre le 21 avril 1967 et le 23 juillet 1974, ainsi que tout contrat conclu par l’Etat durant cette période avec une personne physique ou morale et portant sur les investissements régis par le décret-loi no 2687/1953. Révision ou résiliation seraient prononcées si de tels actes ou contrats étaient incompatibles avec la Constitution, les lois ou les bonnes moeurs, et préjudiciables aux intérêts de l’Etat, des consommateurs et de l’économie nationale.

La résiliation de contrats intervenait lorsqu’il s’avérait impossible de réviser ces derniers dans leur totalité; elle pouvait avoir lieu soit sur demande écrite de la personne intéressée, soit par décision unilatérale du comité ministériel de l’Economie.

L’article 2 par. 5 de la loi décrivait en ces termes les conséquences de la résiliation:

"A la suite de la résiliation d’un contrat (...), les privilèges et accords spéciaux prennent fin et l’entreprise ou l’investissement seront soumis aux lois ordinaires relatives aux entreprises et aux investissements ordinaires (...)"

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

27.  Les Raffineries grecques Stran et M. Stratis Andreadis ont saisi la Commission le 20 novembre 1987. S’appuyant sur l’article 6 (art. 6) de la Convention, ils prétendaient n’avoir pas bénéficié d’un procès équitable dans un délai raisonnable. Ils affirmaient en outre qu’en raison de la durée et du caractère dilatoire de la procédure, ainsi que des dispositions de l’article 12 de la loi no 1701/1987, ils avaient subi une atteinte à leur droit de propriété garanti par l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1).

28.   La Commission a retenu la requête (no 13427/87) le 4 juillet 1991. Dans son rapport du 12 mai 1993 (article 31) (art. 31), elle conclut:

- qu’il y a eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention en ce qui concerne le droit à un procès équitable (unanimité), mais non quant à la durée de la procédure (douze voix contre deux);

- qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1) (unanimité).

Le texte intégral de son avis et des deux opinions séparées dont il s’accompagne figure en annexe au présent arrêt*.

CONCLUSIONS PRESENTEES A LA COUR

29.  Dans son mémoire, le Gouvernement invite la Cour à

"déclarer la requête des Raffineries grecques Stran irrecevable, d’une part, et non fondée, d’autre part, en l’absence de violation des droits des requérants tels que les garantissent l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention (...) et l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1)".

30.  De leur côté, les requérants prient la Cour de dire

"- qu’il y a eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) en ce qui concerne le droit des requérants à un procès équitable devant un tribunal;

- qu’il y a eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) en ce qui concerne le respect de l’exigence du délai raisonnable;

- qu’il y a eu et qu’il y a toujours violation de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1);

- que l’Etat défendeur doit payer aux requérants (...) le montant réclamé à titre de satisfaction équitable".

EN DROIT

I.   SUR L’EXCEPTION PRELIMINAIRE DU GOUVERNEMENT

31.  D’après le Gouvernement, les requérants n’ont pas épuisé les voies de recours internes. Au cas où le tribunal de grande instance d’Athènes rejetterait la demande de désistement introduite par les intéressés le 19 décembre 1986 (paragraphe 17 ci-dessus), l’examen de l’action que ceux-ci ont engagée le 10 novembre 1978 se poursuivrait, et ils seraient alors en mesure de se prévaloir de l’incompatibilité de l’article 12 par. 3 de la loi no 1701/1987 - dont la constitutionnalité n’aurait pas été tranchée par l’assemblée plénière de la Cour de cassation (paragraphe 22 ci-dessus) - avec la Constitution et la Convention. Si, en revanche, le tribunal de grande instance accueillait ladite demande, rien n’empêcherait les requérants d’intenter une nouvelle action fondée sur les mêmes griefs; le droit interne, notamment les articles 4, 5, 20 par. 2, 28 et 93 par. 4 de la Constitution, leur accorderait une protection juridique suffisante.

32.  La Cour rappelle qu’elle connaît des exceptions préliminaires pour autant que l’Etat en cause les ait déjà présentées à la Commission au moins en substance et avec suffisamment de clarté, en principe au stade de l’examen initial de la recevabilité.

33.  Devant la Commission, le Gouvernement a pour l’essentiel soutenu que les intéressés auraient dû engager en 1977 une procédure administrative contre la décision du comité ministériel de l’Economie du 14 octobre 1977 résiliant le contrat litigieux. La Commission a rejeté l’exception au motif que le Gouvernement n’avait pas démontré comment un tel recours aurait réparé de quelque façon que ce soit l’entrée en vigueur de la loi no 1701/1987, son application aux requérants, ainsi que la durée de la procédure devant les juridictions nationales.

34.  Dans son mémoire à la Cour, le Gouvernement tire argument du passage suivant de ses observations complémentaires sur la recevabilité du 6 mai 1991: les intéressés "ont choisi, pour obtenir satisfaction de leurs réclamations, un recours (...) qui ne serait pas prévu par l’ordre juridique grec - l’arbitrage - et dès lors la requête est irrecevable car ils n’ont pas épuisé les recours légaux qui leur sont ouverts dans des cas semblables".

35.  Pareille affirmation ne saurait suffire, d’après la Cour, à étayer l’exception présentée par le Gouvernement à cette étape de la procédure. Quand un Etat invoque la règle de l’épuisement, il lui incombe d’indiquer avec une clarté suffisante quels recours utiles les intéressés n’ont pas introduits; en la matière, les organes de la Convention n’ont pas à suppléer d’office à l’imprécision ou aux lacunes des thèses des Etats défendeurs (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Barberà, Messegué et Jabardo c. Espagne du 6 décembre 1988, série A no 146, p. 27, par. 56).

Au demeurant, la Cour note que c’est le Gouvernement qui a contesté initialement la compétence des juridictions ordinaires et opté pour l’arbitrage afin de régler le litige (paragraphes 10 et 12 ci-dessus).

36.  L’exception préliminaire se heurte donc à la forclusion.

II.  SUR LES VIOLATIONS ALLEGUÉES DE L’ARTICLE 6 PAR. 1 (art. 6-1) DE LA CONVENTION

37.  Les requérants allèguent deux violations de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, ainsi libellé:

"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) et dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...)"

D’abord, l’adoption de l’article 12 de la loi no 1701/1987 et son application dans leur cas par la Cour de cassation les auraient privés d’un procès équitable. Ensuite, la durée de la procédure visant à déterminer la validité de la sentence arbitrale du 27 février 1984 aurait dépassé le "délai raisonnable".

A. Sur l’applicabilité de l’article 6 par. 1 (art. 6-1)

38.  A l’audience, le Gouvernement a nié l’applicabilité de l’article 6 (art. 6) en l’espèce. Selon lui, la "contestation" devant les juridictions nationales portait sur la validité de la clause d’arbitrage et, par conséquent, sur celle de la sentence arbitrale elle-même; elle n’avait donc pas trait à un "droit de caractère civil" au sens de l’article 6 (art. 6). Ladite clause constituait un privilège accordé dans un cadre législatif bien particulier et concernait exclusivement les relations contractuelles entre le régime militaire et les requérants.

Pour produire des effets juridiques, de telles relations nécessiteraient leur ratification par une loi ad hoc, en l’occurrence le décret-loi no 1211/1972 (paragraphe 7 ci-dessus). D’autre part, toute la législation sur les investissements étrangers en Grèce (paragraphe 7 ci-dessus) viserait à réaliser un objectif d’intérêt public: la promotion du développement économique du pays.

39.  D’après la jurisprudence de la Cour, la notion de "droits et obligations de caractère civil" ne doit pas s’interpréter par simple référence au droit interne de l’Etat défendeur. L’article 6 par. 1 (art. 6-1) s’applique indépendamment de la qualité des parties comme de la nature de la loi régissant la contestation et de l’autorité compétente pour trancher; il suffit que l’issue de la procédure soit déterminante pour des droits et obligations de caractère privé (voir, parmi beaucoup d’autres, l’arrêt Allan Jacobsson c. Suède du 25 octobre 1989, série A no 163, p. 20, par. 72).

40.  La Cour rappelle qu’à la suite de la rupture du contrat conclu entre les intéressés et l’Etat grec, les premiers ont introduit devant le tribunal de grande instance d’Athènes une action tendant à faire reconnaître que le second devrait leur rembourser les frais qu’ils avaient engagés jusqu’alors pour l’exécution du contrat (paragraphe 10 ci-dessus). Leur demande, principalement en indemnisation, se fondait surtout sur l’allégation selon laquelle l’Etat avait déjà failli à ses engagements aux termes du contrat avant la résiliation de celui-ci. Leur grief devant le tribunal arbitral reposait sur une base identique. Le tribunal arbitral accueillit en partie leurs prétentions (paragraphe 13 ci-dessus) par une sentence définitive, irrévocable et exécutoire tant en vertu du contrat lui-même (article 27 par. 9 du contrat - paragraphe 10 ci-dessus) que du droit grec (article 904 du code de procédure civile - paragraphe 25 ci-dessus).

La Cour note que le droit reconnu aux requérants ainsi que la demande en indemnisation acceptée aux termes de la sentence arbitrale sont de nature patrimoniale. Leur droit à toucher les sommes accordées par le tribunal arbitral revêt donc un "caractère civil" au sens de l’article 6 (art. 6), quelle que soit la nature du contrat conclu entre les requérants et l’Etat grec au regard de la loi grecque (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Editions Périscope c. France du 26 mars 1992, série A no 234-B, p. 66, par. 40). Il s’ensuit que l’issue de la procédure engagée par l’Etat devant les juridictions civiles afin d’annuler la sentence arbitrale était déterminante pour un droit de "caractère civil".

41.  Partant, l’article 6 par. 1 (art. 6-1) entre en jeu.

B. Sur l’observation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1)

1. Procès équitable

42.  Les intéressés se prétendent privés d’un procès équitable, et même de leur droit d’accès à un tribunal. Ils s’appuient notamment sur l’arrêt Golder c. Royaume-Uni du 21 février 1975 (série A no 18).

En adoptant et en appliquant à l’encontre des intéressés l’article 12 de la loi no 1701/1987, l’Etat aurait en réalité écarté la compétence des tribunaux appelés à déterminer la validité de la sentence arbitrale et empêché tout examen judiciaire effectif de l’objet de la contestation. Pareille ingérence serait, selon les termes mêmes de l’arrêt Golder c. Royaume-Uni, "inséparable d’un risque d’arbitraire" et incompatible avec les principes généraux du droit international et la notion de prééminence du droit inhérents à la Convention. L’Etat aurait jugé par voie législative une affaire dans laquelle il était partie. Par le biais d’une "prestidigitation législative", la procédure incriminée se caractériserait par une complète inégalité des armes.

43.  Le Gouvernement combat cette thèse. Le Parlement, source de tout pouvoir, aurait de bonnes raisons d’interpréter d’une manière faisant autorité les lois qu’il édicte lorsque celles-ci sont ambiguës; ce pouvoir lui appartiendrait du reste expressément en vertu de l’article 77 de la Constitution. A l’évidence une telle interprétation vaudrait pour toutes les situations existantes, pendantes ou non devant les tribunaux, car elle n’introduirait pas une nouvelle réglementation et ne modifierait pas la disposition litigieuse, mais se bornerait à en éclaircir le véritable sens.

Pareille intervention du législateur ne saurait passer pour une ingérence illicite dans l’exercice du pouvoir judiciaire surtout quand celui-ci dispose des moyens nécessaires pour s’assurer de l’absence d’arbitraire. Or tel serait le cas dans l’ordre juridique grec: l’article 93 de la Constitution défend aux tribunaux d’appliquer les lois dont le contenu enfreint celle-ci. En l’espèce, lorsque l’article 12 de la loi no 1701/1987 entra en vigueur, le litige relatif à la validité de la sentence arbitrale était encore pendant devant la Cour de cassation; celle-ci pouvait donc vérifier si les conditions justifiant l’interprétation authentique par le législateur de la loi no 141/1975 se trouvaient réunies et si cette interprétation empiétait sur le principe de la séparation des pouvoirs.

44.  D’après la Cour, un élément décisif, aux fins de son examen, réside dans la procédure postérieure à l’entrée en vigueur de la loi no 1701/1987 alors que l’affaire se trouvait devant la Cour de cassation. Toutefois, pour rechercher si les requérants ont bénéficié d’un procès équitable devant celle-ci, il échet de prendre en considération la procédure antérieure, son enjeu, ainsi que l’attitude des parties.

Soumis le 10 novembre 1978 au tribunal de grande instance d’Athènes par les intéressés (paragraphe 10 ci-dessus), le litige portait sur leur revendication d’un droit à dédommagement au motif que l’Etat avait failli à ses engagements aux termes du contrat avant la résiliation de celui-ci. Le litige se poursuivit devant le tribunal arbitral à l’initiative de l’Etat, lequel avait affirmé que la clause compromissoire demeurait valable et avait donc contesté la compétence des juridictions civiles (paragraphe 10 ci-dessus).

Les requérants se rallièrent à cette ligne de conduite, quoiqu’à titre subsidiaire, et montrèrent clairement leur intention de respecter le jugement du tribunal arbitral accueillant en partie leur demande (paragraphe 17 ci-dessus). L’Etat changea alors de tactique et porta le litige devant les juridictions civiles en contestant la validité de la clause compromissoire et, partant, de la sentence arbitrale (paragraphes 15 et 18 ci-dessus).

L’adoption par le Parlement de la loi no 1701/1987 marqua sans nul doute un tournant de cette procédure qui jusqu’alors s’était révélée défavorable à l’Etat.

45.  Le Gouvernement souligne que l’adoption de cette loi s’imposait en raison des opinions opposées d’éminents professeurs de droit, des décisions judiciaires contradictoires, de l’expression d’opinions dissidentes parmi les magistrats, ainsi que de l’attitude des parties qui auraient alternativement soutenu l’un ou l’autre point de vue relatif à la validité de la clause d’arbitrage. L’ampleur croissante du débat et des motifs d’ordre public auraient alors exigé la clarification de la volonté du législateur à ce sujet par l’interprétation authentique - même douze ans plus tard - de la loi no 141/1975. Le législateur démocratique aurait été tenu d’éliminer de la vie publique les résidus des actes du régime militaire. Or M. Andreadis avait été un géant de l’économie et le projet qu’il avait envisagé était d’une grande envergure à l’époque pour un pays de la dimension de la Grèce; de plus, l’annonce du projet avait provoqué, avant la chute du régime militaire, une des plus importantes manifestations antidictatoriales.

46.  La Cour ne met pas en doute les intentions du Gouvernement de répondre au souci du peuple grec de rétablir la légalité démocratique.

En redevenant membre du Conseil de l’Europe, le 28 novembre 1974 et en ratifiant la Convention, la Grèce s’est cependant engagée à respecter le principe de la prééminence du droit. Consacré par l’article 3 du Statut du Conseil de l’Europe, ce principe trouve son expression entre autres dans l’article 6 (art. 6) de la Convention. Protégeant notamment le droit à un procès équitable, cette disposition expose de manière détaillée les impératifs inhérents à cette notion pour les affaires concernant des accusations en matière pénale. Pour ce qui est des litiges relatifs à des droits et obligations de caractère civil, la Cour a précisé par sa jurisprudence l’exigence de l’égalité des armes au sens d’un juste équilibre entre les parties. Dans les différends opposant des intérêts de caractère privé, ladite égalité implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (arrêt Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas du 27 octobre 1993, série A no 274, p. 19, par. 33).

47.  A cet égard, la Cour ne peut perdre de vue ni le calendrier ni les modalités de l’adoption de l’article 12 de la loi no 1701/1987. Juste avant la tenue de l’audience devant la Cour de cassation, initialement prévue pour le 4 mai 1987, et après que les parties eurent reçu l’avis du juge rapporteur suggérant le rejet du pourvoi formé par l’Etat, celui-ci demanda le report des débats au motif qu’un projet de loi concernant l’affaire litigieuse se trouvait en cours d’examen devant le Parlement (paragraphe 19 ci-dessus).

Ledit projet fut adopté le 22 mai 1987 et entra en vigueur le 25 mai avec sa publication au Journal officiel (paragraphe 20 ci-dessus). L’audience eut lieu le 1er juin (paragraphe 19 ci-dessus). De surcroît, si la loi no 1701/1987 portait à titre principal sur la renégociation des termes d’un contrat de prospection et d’exploitation d’hydrocarbures - conclu aussi pendant la dictature entre l’Etat et des sociétés autres que Stran -, son article 12 se présentait comme une clause additionnelle à cette loi et concernait en réalité - sans la mentionner - l’entreprise requérante (paragraphe 20 ci-dessus).

La Cour n’ignore pas qu’afin de répondre aux besoins pressants de réglementation du moment et d’éviter les lenteurs des rouages législatifs, les législateurs contemporains traitent souvent des questions similaires dans un même texte de loi.

Force est cependant de constater que l’intervention du législateur en l’espèce eut lieu à un moment où une instance judiciaire à laquelle l’Etat était partie se trouvait pendante.

48.  Le Gouvernement tente de minimiser l’impact de cette intervention: d’abord, les requérants auraient pu demander l’ajournement de la nouvelle audience afin de mieux préparer leur défense; ensuite, le paragraphe 2 de l’article 12 n’aurait pas d’existence autonome et ne déclarerait pas nulle par lui-même la sentence arbitrale car il présupposerait un examen judiciaire préalable de la nullité énoncée au paragraphe 1; enfin, les intéressés auraient eu la faculté de formuler leurs arguments devant la première chambre de la Cour de cassation qui examina le fond de l’affaire à la lumière de la décision de l’assemblée plénière.

49.  La Cour ne souscrit pas à ce raisonnement. L’exigence d’équité s’applique à l’ensemble de la procédure et ne se limite pas aux audiences contradictoires. A n’en pas douter, les apparences de la justice demeurèrent sauves en l’espèce, et du reste les requérants ne se plaignent pas d’avoir été privés des facilités nécessaires pour préparer leur défense.

Le principe de la prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l’article 6 (art. 6) s’opposent à toute ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice dans le but d’influer sur le dénouement judiciaire d’un litige. Or le libellé des paragraphes 1 et 2 de l’article 12 pris conjointement excluait en réalité tout examen effectif de l’affaire par la première chambre de la Cour de cassation; une fois la constitutionnalité de ces paragraphes affirmée par l’assemblée plénière, la conclusion de la première chambre devenait inévitable.

50.  En conclusion, l’Etat a porté atteinte aux droits des requérants garantis par l’article 6 par. 1 (art. 6-1) en intervenant d’une manière décisive pour orienter en sa faveur l’issue - imminente - de l’instance à laquelle il était partie. Il y a donc eu violation dudit article (art. 6-1).

2. Durée de la procédure

51.  Reste à savoir s’il y a eu dépassement du "délai raisonnable" comme le prétendent les requérants.

Gouvernement et Commission répondent par la négative.

a) Période à prendre en considération

52.  La période à considérer a débuté avec la prise d’effet, le 20 novembre 1985, de la déclaration grecque d’acceptation du droit de recours individuel. Pour vérifier le caractère raisonnable du laps de temps écoulé à partir de cette date, il faut cependant tenir compte de l’état où l’affaire se trouvait alors (voir, en dernier lieu, l’arrêt Billi c. Italie du 26 février 1993, série A no 257-G, p. 89, par. 16). Seule entre donc en ligne de compte la procédure relative à la validité de la sentence arbitrale, qui a commencé le 2 mai 1985.

53.  Dans son mémoire, le Gouvernement soutient que le "délai" ne devrait couvrir que le total des périodes écoulées entre chaque audience et chaque jugement ou arrêt - deux ans et deux mois et demi environ - car, en raison de la nature des questions litigieuses, chaque juridiction qui rendait une décision ne serait plus compétente pour poursuivre l’examen de l’affaire. A l’audience, le délégué de l’agent a prétendu que le délai s’était achevé le 20 novembre 1987, date à laquelle les requérants avaient saisi la Commission européenne: la partie contestée de la procédure devant la Cour de cassation se serait déroulée postérieurement à cette date.

54.  La Cour estime, avec la Commission et les requérants, qu’il faut tenir compte de la période litigieuse dans son ensemble. Or celle-ci a pris fin le 11 avril 1990, avec le prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation déclarant la sentence arbitrale nulle et non avenue (paragraphe 23 ci-dessus). Elle s’étend donc sur quatre ans, quatre mois et vingt jours.

b) Caractère raisonnable de la durée de la procédure

55.  Le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie à l’aide des critères qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour et suivant les circonstances de la cause, lesquelles commandent en l’occurrence une évaluation globale.

La procédure devant le tribunal de grande instance et la cour d’appel d’Athènes a duré dix-huit mois, dont six environ avant la déclaration de la Grèce au titre de l’article 25 (art. 25) de la Convention; elle ne prête pas à critiques. Quant à l’instance devant la Cour de cassation, elle s’est étalée sur plus de trois ans; une telle durée se justifie par la nécessité de tenir compte de la loi no 1701/1987, et surtout par l’obligation faite par l’article 563 par. 2 du code de procédure civile à une chambre de la Cour de cassation de renvoyer l’affaire à l’assemblée plénière si elle refuse d’appliquer une loi qu’elle juge inconstitutionnelle (paragraphe 21 ci-dessus in fine).

56.  Par conséquent, il n’y a pas eu sur ce point violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1).

III.  SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 (P1-1)

57.  Les requérants se prétendent aussi victimes d’une violation de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1), ainsi libellé:

"Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes."

L’adoption et l’application de l’article 12 de la loi no 1701/1987 auraient eu pour effet de les priver de leur droit de propriété, en particulier de la créance que leur auraient reconnue le jugement no 13910/79 du tribunal de grande instance d’Athènes et surtout la sentence arbitrale du 27 février 1984 (paragraphes 11 et 13 ci-dessus).

1. Sur l’existence d’un "bien" au sens de l’article 1 (P1-1)

58.  Le Gouvernement consacre l’essentiel de son argumentation à tenter de prouver que les intéressés ne disposaient d’aucun "bien" au sens de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1), qui se trouverait atteint par le jeu de la loi no 1701/1987.

Selon lui, ni le jugement no 13910/79 ni la sentence arbitrale ne suffisaient à établir l’existence d’une créance à l’encontre de l’Etat; on ne saurait assimiler une décision judiciaire non encore revêtue de l’autorité de la chose jugée, ou une sentence arbitrale, au droit que celles-ci pourraient reconnaître.

S’agissant surtout de la sentence arbitrale, un acte de procédure non valide ne produirait pas des effets valides. Or les requérants savaient parfaitement que ladite sentence constituait une base légale précaire de leurs réclamations financières jusqu’à ce que la question de sa validité fût irrévocablement tranchée. Le jugement no 5526/85 du tribunal de grande instance d’Athènes (paragraphe 16 ci-dessus) et l’arrêt no 9336/86 de la cour d’appel d’Athènes (paragraphe 18 ci-dessus), qui donnaient initialement gain de cause aux intéressés, relevaient du contrôle de la Cour de cassation et ne pouvaient avant la décision définitive de celle-ci fonder des attentes raisonnables relatives au droit de propriété. De plus, les requérants auraient eux-mêmes choisi de saisir les juridictions ordinaires et auraient contesté avec virulence la compétence du tribunal arbitral.

Enfin, les organes de Strasbourg ne devraient pas procéder eux-mêmes à une évaluation des griefs des intéressés sans prendre en considération l’ensemble des arguments des parties ainsi que leur attitude devant le tribunal arbitral. Or l’Etat ne reconnaîtrait aucun fondement à la prétendue créance de Stran dont il n’a cessé de combattre le bien-fondé, d’abord devant le tribunal de grande instance d’Athènes puis devant le tribunal arbitral; même la procédure en annulation de la sentence contiendrait, de par sa nature, une réprobation indirecte mais implicite du bien-fondé de la sentence.

59.  Pour déterminer si les requérants disposaient d’un "bien" aux fins de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1), la Cour doit rechercher si le jugement no 13910/79 du tribunal de grande instance d’Athènes et la sentence arbitrale avaient fait naître dans le chef de ceux-ci une créance suffisamment établie pour être exigible.

60.  Par sa nature même, un jugement interlocutoire préjuge le fond d’un litige en ordonnant une mesure d’instruction. Si le tribunal de grande instance d’Athènes semble avoir admis le principe d’une dette de l’Etat envers les intéressés - comme le relève aussi la Commission -, il ordonna néanmoins une audition de témoins (paragraphe 11 ci-dessus) avant de se prononcer sur l’existence et l’ampleur du préjudice allégué. Pareille décision se bornait à procurer aux requérants l’espoir d’obtenir la reconnaissance de la créance réclamée; celle-ci ne serait exigible qu’à la suite d’un contrôle éventuel par deux juridictions supérieures.

61.  Il n’en va pas de même de la sentence arbitrale qui reconnut clairement l’obligation de l’Etat à concurrence des montants définis de façon détaillée en trois monnaies différentes (paragraphe 13 ci-dessus).

La Cour convient avec le Gouvernement qu’il ne lui appartient pas de confirmer ou d’infirmer le contenu de cette sentence. Elle ne peut cependant se dispenser de constater la situation juridique établie par elle entre les parties.

Or, selon son libellé, la sentence était définitive et obligatoire; elle n’exigeait aucune autre mesure d’exécution et ne se prêtait à aucun recours ordinaire ou extraordinaire (paragraphe 10 ci-dessus). De son côté, la législation grecque accorde aux sentences arbitrales l’autorité de la chose jugée et les considère comme un titre exécutoire; elle prévoit à leur encontre des recours pour des motifs limitativement énumérés dans l’article 897 du code de procédure civile (paragraphe 25 ci-dessus) et non pour en contester le bien-fondé.

62.  Au moment de la promulgation de la loi no 1701/1987, la sentence arbitrale du 27 février 1984 conférait donc aux requérants un droit aux sommes accordées. Ce droit était certes révocable, puisque la sentence pouvait se voir annuler mais les juridictions civiles avaient déjà jugé à deux reprises - en première instance et en appel - qu’il n’y avait pas lieu de procéder à une annulation. C’est pourquoi la Cour considère que ce droit constitue un "bien" au sens de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1).

2. Sur l’existence d’une ingérence

63.  Selon les requérants, bien qu’aucun transfert de propriété n’ait eu lieu au profit de l’Etat, l’effet combiné des paragraphes 2 et 3 de l’article 12 a entraîné une privation de fait de leurs biens car il a littéralement écarté la créance née d’une sentence arbitrale définitive et obligatoire.

64.  Pour la Commission, il s’agit d’une atteinte au respect de biens au sens de la première phrase du premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1).

65.  Le Gouvernement ne souscrit à aucune de ces deux appréciations. Il affirme que le paragraphe 2 de l’article 12 se contente de décrire une conséquence évidente du paragraphe 1 et n’a aucune signification autonome; il renvoie sur ce point à son argumentation sur l’article 6 (art. 6) de la Convention (paragraphe 48 ci-dessus) en déclarant plus précisément que le paragraphe 2 de l’article 12 n’a pas d’existence autonome car il présuppose un examen judiciaire de la nullité mentionnée dans le paragraphe 1 et ne fait que préciser les conséquences évidentes de cette nullité. Il ajoute que le paragraphe 3 introduit une mesure dont la constitutionnalité n’a pas été évaluée par les juridictions internes devant lesquelles une action des requérants se trouve encore pendante, et qu’une nouvelle action est toujours possible si la renonciation des intéressés à la première entraînait son abandon (paragraphe 17 ci-dessus); toutefois, dans cette seconde hypothèse, les requérants se heurteraient au non-épuisement des voies de recours internes.

66.  La Cour estime qu’il y a eu ingérence dans le droit de propriété des requérants tel que l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1) le garantit: le paragraphe 2 de l’article 12 de la loi no 1701/1987 déclarait la sentence arbitrale non valide et dépourvue d’effet exécutoire; le paragraphe 3 disposait que toute prétention à l’encontre de l’Etat qui découlerait des contrats comme ceux conclus par les intéressés serait prescrite. Certes, la Cour de cassation laissa en suspens la question de la constitutionnalité du paragraphe 3, et les requérants ont théoriquement la possibilité, comme le soutient le Gouvernement, de poursuivre leur action de 1978 ou d’en intenter une nouvelle. Toutefois, les chances de succès de pareille démarche apparaissent bien réduites; on peut en effet se demander si un tribunal de première instance irait jusqu’à juger ce paragraphe inconstitutionnel en se fondant sur des dispositions générales et abstraites de la Constitution (paragraphe 31 in fine ci-dessus), eu égard surtout à la décision du 16 mars 1989 de l’assemblée plénière de la Cour de cassation quant aux paragraphes 1 et 2 de l’article 12 (paragraphe 22 ci-dessus). Tant cette décision que l’arrêt de la Cour de cassation du 11 avril 1990 (paragraphe 23 ci-dessus) eurent pour effet de clore une fois pour toutes la procédure litigieuse, ce qui correspondait en réalité à l’objectif du législateur lorsque celui-ci adopta l’article 12; en témoignent la formulation même du paragraphe 4, qui visait à mettre un terme au seul litige d’une telle nature pendant devant les tribunaux à cette époque - celui des requérants contre l’Etat -, ainsi que celle du paragraphe 3 destinée à empêcher toute action future.

67.  Par conséquent, les intéressés se trouvent dans l’impossibilité d’obtenir l’exécution d’une sentence arbitrale définitive enjoignant à l’Etat de leur verser certains montants pour les frais qu’ils avaient engagés afin d’honorer leur contrat ou au moins de revendiquer à nouveau ces montants par la voie judiciaire.

En conclusion, il y a eu ingérence dans le droit de propriété des requérants.

3. Sur la justification de l’ingérence

68.  L’ingérence en question ne constitue ni une expropriation ni une réglementation de l’usage des biens, mais relève de la première phrase du premier alinéa de l’article 1 (P1-1).

69.  La Cour doit dès lors rechercher si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l’intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu (arrêt Sporrong et Lönnroth c. Suède du 23 septembre 1982, série A no 52, p. 26, par. 69).

70.  Selon le Gouvernement, les lois no 141/1975 et no 1701/1987 visaient à servir l’intérêt général qui revêtirait en l’occurrence une portée plus vaste que le seul effacement des conséquences économiques de la dictature; elles faisaient plutôt partie d’un ensemble de dispositions visant à purifier la vie publique de l’opprobre lié au régime militaire ainsi qu’à affirmer le pouvoir et la volonté du peuple grec de défendre les institutions démocratiques. Les griefs des requérants tireraient leur origine d’un contrat de faveur, préjudiciable à l’économie nationale, qui tendait à soutenir le régime dictatorial et à donner l’impression sur les plans national et international que celui-ci bénéficiait du soutien de personnalités éminentes du monde grec des affaires. Le laps de temps écoulé entre la restauration de la démocratie et l’adoption de la loi no 1701/1987, le renvoi à l’initiative de l’Etat du litige à l’arbitrage - acte à caractère purement technique - et le fait que les réclamations de Stran portaient uniquement sur le remboursement de ses frais ne sauraient tirer à conséquence.

71.  Les requérants ne critiquent pas l’allégation du Gouvernement selon laquelle les pratiques brutales du régime militaire pèseraient plus lourd dans la balance de l’intérêt public que des griefs fondés sur des transactions conclues avec ce régime. Toutefois, il ne s’agirait pas là de l’intérêt public que la Cour devrait évaluer en l’espèce. Il ne serait pas équitable que toute relation juridique nouée avec un régime dictatorial pût passer pour non valable à la fin de celui-ci. De plus, le contrat litigieux avait trait à la construction d’une raffinerie de pétrole, ce qui serait bénéfique pour l’infrastructure économique du pays.

72.  La Cour ne doute pas de la nécessité pour l’Etat démocratique grec de mettre fin à un contrat qu’il jugerait préjudiciable à ses intérêts économiques. La jurisprudence internationale, juridictionnelle ou arbitrale, reconnaît d’ailleurs à tout Etat un pouvoir souverain pour modifier, voire résilier, moyennant compensation, un contrat conclu avec des particuliers (sentence arbitrale Shufeldt du 24 juillet 1930, Recueil des sentences arbitrales, Société des Nations, vol. II, p. 1095); ainsi le veulent la prééminence des intérêts supérieurs de l’Etat sur les obligations contractuelles et la nécessité de sauvegarder l’équilibre du contrat. Toutefois, la résiliation unilatérale d’un contrat reste sans effet à l’égard de certaines clauses essentielles de celui-ci, telle la clause d’arbitrage: modifier le mécanisme mis en place par un changement apporté d’autorité à une telle clause permettrait à l’une des parties d’échapper à la juridiction dans un différend pour lequel l’arbitrage a précisément été prévu (arrêt Losinger du 11 octobre 1935, Cour permanente de justice internationale, série C no 78, p. 110, et sentences arbitrales Lena Goldfields Company Ltd c. gouvernement soviétique, Annual Digest and Reports of Public International Law Cases, vol. 5 (1929-1930) (affaire no 258) et Texaco Overseas Petroleum Company et California Asiatic Oil Company c. gouvernement de la République arabe de Libye, décision préliminaire du 27 novembre 1975, International Law Reports, vol. 53, 1979, p. 393).

73.  A cet égard, la Cour relève que le système juridique grec admet le principe de l’autonomie de la clause d’arbitrage (paragraphe 18 ci-dessus) et que le tribunal de grande instance d’Athènes (paragraphe 16 ci-dessus), la cour d’appel d’Athènes (paragraphe 18 ci-dessus) et, semble-t-il, le rapporteur de la Cour de cassation (paragraphe 19 ci-dessus) ont appliqué en l’espèce ce principe. Les deux juridictions avaient d’autre part estimé que les prétentions des intéressés nées avant la résiliation du contrat ne se trouvaient pas annulées de ce fait.

L’Etat était donc tenu de verser aux requérants les montants auxquels il avait été condamné à l’issue de la procédure d’arbitrage, une procédure qu’il avait lui-même voulue et dont la validité avait été admise jusqu’au jour de l’audience devant la Cour de cassation.

74.  En choisissant d’intervenir à cette étape de la procédure devant la Cour de cassation par une loi qui se prévalait de la résiliation du contrat litigieux pour déclarer caduque la clause compromissoire et nulle la sentence arbitrale du 27 février 1984, le législateur a rompu, au détriment des requérants, l’équilibre devant régner entre la sauvegarde du droit de propriété et les exigences de l’intérêt général.

75.  Partant, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1).

IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 50 (art. 50) DE LA CONVENTION

76.  D’après l’article 50 (art. 50) de la Convention,

"Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la (...) Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable."

Les requérants sollicitent la réparation d’un dommage matériel et le remboursement de frais et dépens.

A. Dommage matériel

77.  Les intéressés soutiennent que seul le paiement intégral du montant reconnu par la sentence arbitrale constituerait la restitutio in integrum voulue par l’article 50 (art. 50).

Ils réclament ainsi pour dommage matériel ce "montant principal" majoré de 6 % d’intérêts - alloués selon eux par la sentence elle-même - et courant du 10 novembre 1978 jusqu’au jour de la violation: 175 869 155,78 drachmes, 24 282 694,28 dollars américains et 929 652,81 francs français. Ils demandent aussi des intérêts sur la somme octroyée pour dommage matériel, de la date de la violation à celle du prononcé de l’arrêt de la Cour.

A titre subsidiaire, ils sollicitent pour dommage matériel le montant principal majoré de 6 % d’intérêts pour la période allant du 10 novembre 1978 à la date du prononcé de l’arrêt de la Cour, qui s’élèveraient au jour de l’audience devant celle-ci à environ 106 898 000 drachmes, 14 790 000 dollars américains et 567 000 francs français.

78.  D’après le Gouvernement, les intéressés n’ont droit à aucun dédommagement au titre de l’article 50 (art. 50) puisqu’il existe des recours internes leur permettant d’obtenir satisfaction. A supposer même que l’application de l’article 12 de la loi no 1701/1987 eût violé le droit des requérants à un procès équitable, elle n’affecterait en rien leurs prétentions financières; l’annulation de la sentence ne les empêcherait ni de poursuivre leur action de 1978 ni d’en intenter une nouvelle.

De toute manière, ladite sentence ne fournirait aucun fondement satisfaisant pour l’estimation de la réparation réclamée car elle aurait traité de façon erronée le fond du litige; la procédure en annulation intentée par l’Etat traduirait un reproche explicite envers l’équité de la sentence.

Si en revanche la Cour concluait à la méconnaissance de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1), son constat constituerait une satisfaction équitable suffisante; celle-ci ne devrait cependant en aucun cas excéder un million de drachmes pour préjudice moral.

Enfin, le Gouvernement combat les allégations des requérants relatives aux intérêts. En s’appuyant sur la législation grecque et une jurisprudence constante en ce sens, il affirme que ni le jugement no 13910/1987 ni la sentence arbitrale ne peuvent donner lieu au paiement d’intérêts car ils revêtent un caractère déclaratoire. Plus particulièrement, la mention de l’intérêt de 6 % figurerait uniquement dans les motifs de la sentence (paragraphe 13 ci-dessus) et serait un simple obiter dictum totalement erroné. Le tribunal arbitral ne l’aurait pas reprise dans le dispositif de sa sentence et pour cause: il n’aurait pas été saisi d’une telle demande et, la procédure ayant été engagée à l’initiative de l’Etat, n’aurait pu condamner ce dernier à l’attribution d’intérêts.

79.  Le délégué de la Commission insiste sur le fait, d’une part, que l’article 50 (art. 50) exige une satisfaction équitable et pas nécessairement intégrale et, d’autre part, que les montants mentionnés dans la sentence n’ont subi aucun examen par les tribunaux internes. Il invite la Cour à vérifier minutieusement les sommes réclamées.

80.  La Cour rappelle qu’elle n’accorde une "satisfaction équitable" que "s’il y a lieu", sans être liée en la matière par une norme juridique nationale (arrêt Sunday Times c. Royaume-Uni (no 1) du 6 novembre 1980, série A no 38, p. 9, par. 15).

81.  Elle relève que le dispositif de la sentence arbitrale déclarait non fondées les prétentions de Stran contre l’Etat dans la mesure où celles-ci dépassaient 116 273 442 drachmes, 16 054 165 dollars américains et 614 627 francs français. Eu égard au constat figurant au paragraphe 75, elle conclut que les requérants ont droit au remboursement de ces sommes.

82.  Quant à l’octroi d’intérêts, la Cour considère que le tribunal arbitral ne l’a pas jugé nécessaire à la solution du litige (paragraphe 13 ci-dessus); il ne faisait donc pas partie du droit à indemnisation reconnu par le dispositif.

Cependant, le caractère adéquat du dédommagement diminuerait si le paiement de celui-ci faisait abstraction d’éléments susceptibles d’en réduire la valeur, tel l’écoulement de dix ans depuis le prononcé de la sentence arbitrale.

83.  Il y a donc lieu d’accueillir en partie la demande des requérants et de leur accorder un intérêt non capitalisable de 6 % sur les sommes susmentionnées (paragraphe 81 ci-dessus), pour la période allant du 27 février 1984 à la date du prononcé du présent arrêt.

B. Frais et dépens

84.  Les requérants renoncent à réclamer le remboursement des frais pour les procédures qui se sont déroulées devant la Cour de cassation après l’entrée en vigueur de la loi no 1701/1987.

Ils sollicitent en revanche celui des frais et dépens exposés devant les organes de la Convention, qui s’élèveraient à 171 041 livres sterling, montant à majorer d’intérêts pour la période écoulée entre la date de l’arrêt de la Cour et celle du paiement effectif.

Une semaine après l’audience du 19 avril 1994, les conseils des requérants ont présenté à la Cour une demande visant à obtenir de surcroît 34 709,05 livres sterling, correspondant à des frais supplémentaires engagés entre la date du dépôt de leur mémoire et celle de l’audience.

85.  Le Gouvernement conteste le caractère nécessaire et raisonnable des frais demandés; il se déclare prêt à verser 2 800 000 drachmes.

86.  Pour sa part, le délégué de la Commission ne se prononce pas à ce sujet.

87.  La Cour relève qu’aux termes de l’article 50 de son règlement A les demandes doivent lui parvenir un mois au moins avant la date d’ouverture de la procédure orale. Dans les affaires récentes, elle s’est résolue à appliquer cette règle de manière stricte (arrêt Vendittelli c. Italie du 18 juillet 1994, série A no 293-A, p. 13, paras. 42-43).

En l’espèce, elle ne décèle dans le mémoire des requérants et dans le compte rendu de l’audience aucune trace de la demande additionnelle ni même de l’intention d’en exprimer une après les débats. Partant, elle la rejette pour tardiveté.

Statuant en équité et à l’aide des critères qu’elle applique en la matière, elle estime indiqué d’opérer un abattement sur la demande initiale des requérants. Elle leur alloue 125 000 livres sterling, sans qu’il faille assortir d’intérêts cette somme.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, A L’UNANIMITE,

1.   Rejette l’exception préliminaire du Gouvernement;

2.   Dit que l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention s’applique en l’espèce;

3.   Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention en ce qui concerne le droit à un procès équitable;

4.   Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention quant à la durée de la procédure;

5.   Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 (P1-1);

6.   Dit que l’Etat défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois,

a) pour dommage matériel, 116 273 442 (cent seize millions deux cent soixante-treize mille quatre cent quarante-deux) drachmes, 16 054 165 (seize millions cinquante-quatre mille cent soixante-cinq) dollars américains et 614 627 (six cent quatorze mille six cent vingt-sept) francs français, montants à majorer d’un intérêt non capitalisable de 6 % pour la période allant du 27 février 1984 à la date du prononcé du présent arrêt (paragraphe 83 des motifs);

b) pour frais et dépens à Strasbourg, 125 000 (cent vingt-cinq mille) livres sterling;

7.   Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français et en anglais, puis prononcé en audience publique au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 9 décembre 1994.

Rolv RYSSDAL

Président

Herbert PETZOLD

Greffier f.f.

L'affaire porte le n° 22/1993/417/496.  Les deux premiers chiffres en indiquent le rang dans l'année d'introduction, les deux derniers la place sur la liste des saisines de la Cour depuis l'origine et sur celle des requêtes initiales (à la Commission) correspondantes.

 

Le règlement A s'applique à toutes les affaires déférées à la Cour avant l'entrée en vigueur du Protocole n° 9 (P9) et, depuis celle-ci, aux seules affaires concernant les Etats non liés par ledit Protocole (P9).  Il correspond au règlement entré en vigueur le 1er janvier 1983 et amendé à plusieurs reprises depuis lors.

 

Note du greffier: pour des raisons d'ordre pratique il n'y figurera que dans l'édition imprimée (volume 301-B de la série A des publications de la Cour), mais on peut se le procurer auprès du greffe.