Décision n° 2004-505
DC du 19 novembre 2004
Traité établissant
une Constitution pour l'Europe
Le Conseil constitutionnel a été saisi par
le Président de
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958
modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le traité instituant
Vu le traité sur l'Union européenne ;
Vu les autres engagements souscrits par
Vu
Vu les décisions du Conseil constitutionnel
nos 2004-496 DC du 10 juin 2004, 2004-497 DC du 1er juillet
2004, 2004-498 DC et 2004-499 DC du 29 juillet 2004 ;
Vu l'arrêt de
Le rapporteur ayant été entendu ;
- SUR LES NORMES DE RÉFÉRENCE APPLICABLES :
1. Considérant que, par le préambule
de
2. Considérant que, dans son article
3,
3. Considérant que le préambule de
4. Considérant que, dans son article
53,
5. Considérant que
6. Considérant que ces textes de valeur
constitutionnelle permettent à
7. Considérant, toutefois, que, lorsque
des engagements souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à
8. Considérant que c'est au regard de
ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du
traité « établissant une Constitution pour l'Europe » signé à Rome le
29 octobre 2004, ainsi que de ses protocoles et annexes ; que sont toutefois
soustraites au contrôle de conformité à
- SUR LE PRINCIPE DE PRIMAUTÉ
DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE :
9. Considérant, en premier lieu, qu'il
résulte des stipulations du traité soumis au Conseil constitutionnel, intitulé « Traité
établissant une Constitution pour l'Europe », et notamment de celles relatives
à son entrée en vigueur, à sa révision et à la possibilité de le dénoncer, qu'il
conserve le caractère d'un traité international souscrit par les Etats signataires
du traité instituant
10. Considérant, en particulier, que n'appelle
pas de remarque de constitutionnalité la dénomination de ce nouveau traité ;
qu'en effet, il résulte notamment de son article I-5, relatif aux relations entre
l'Union et les Etats membres, que cette dénomination est sans incidence sur l'existence
de
11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes
de l'article 88-1 de
12. Considérant qu'aux termes de l'article
I-1 du traité : « Inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d'Europe
de bâtir leur avenir commun, la présente Constitution établit l'Union européenne,
à laquelle les Etats membres attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs
communs. L'Union coordonne les politiques des Etats membres visant à atteindre ces
objectifs et exerce sur le mode communautaire les compétences qu'ils lui attribuent » ;
qu'en vertu de l'article I-
13. Considérant que, si l'article I-1 du traité
substitue aux organisations établies par les traités antérieurs une organisation
unique, l'Union européenne, dotée en vertu de l'article I-7 de la personnalité juridique, il
ressort de l'ensemble des stipulations de ce traité, et notamment du rapprochement
de ses articles I-5 et I-6, qu'il ne modifie ni la nature de l'Union européenne,
ni la portée du principe de primauté du droit de l'Union telle qu'elle résulte,
ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel par ses décisions susvisées, de l'article
88-1 de
- SUR
14. Considérant qu'il y a lieu d'apprécier
la conformité à
15. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu
de l'article II-111 du traité et à l'exception de ses articles II-101 à II-104,
lesquels ne concernent que les « institutions, organes et organismes de l'Union »,
16. Considérant, en deuxième lieu, que, conformément
au paragraphe 4 de l'article II-112 du traité, dans la mesure où
17. Considérant, en troisième lieu, qu'aux
termes de son préambule, «
18. Considérant, en particulier, que, si le
premier paragraphe de l'article II-70 reconnaît le droit à chacun, individuellement
ou collectivement, de manifester, par ses pratiques, sa conviction religieuse en
public, les explications du præsidium précisent que le droit garanti par cet article
a le même sens et la même portée que celui garanti par l'article 9 de
19. Considérant, par ailleurs, que le champ
d'application de l'article II-107 du traité, relatif au droit au recours effectif
et à un tribunal impartial, est plus large que celui de l'article 6 de
20. Considérant, en outre, que si, en vertu
de l'article II-110, « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison
d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l'Union par
un jugement pénal définitif », il résulte des termes mêmes de cet article,
comme le confirment les explications du præsidium, que cette disposition concerne
exclusivement le droit pénal et non les procédures administratives ou disciplinaires ;
que, de plus, la référence à la notion d'identité d'infractions, et non à celle
d'identité de faits, préserve la possibilité pour les juridictions françaises, dans
le respect du principe de proportionnalité des peines, de réprimer les crimes et
délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus au titre premier
du livre IV du code pénal, compte tenu des éléments constitutifs propres à ces infractions
et des intérêts spécifiques en cause ;
21. Considérant, en quatrième lieu, que la
clause générale de limitation énoncée au premier paragraphe de l'article II-112
prévoit : « Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations
ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement
à des objectifs d'intérêt général reconnus par l'Union ou au besoin de protection
des droits et libertés d'autrui » ; que les explications du præsidium
précisent que les « intérêts généraux reconnus par l'Union » s'entendent
notamment des intérêts protégés par le premier paragraphe de l'article I-5, aux
termes duquel l'Union respecte « les fonctions essentielles de l'Etat, notamment
celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre
public et de sauvegarder la sécurité nationale » ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui
précède que ni par le contenu de ses articles, ni par ses effets sur les conditions
essentielles d'exercice de la souveraineté nationale,
- SUR LES DISPOSITIONS DU TRAITÉ RELATIVES
AUX POLITIQUES ET AU FONCTIONNEMENT DE L'UNION :
23. Considérant qu'en vertu de l'article 88-2
de
24. Considérant qu'appellent une révision constitutionnelle
les clauses du traité qui transfèrent à l'Union européenne des compétences affectant
les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale dans des domaines
ou selon des modalités autres que ceux prévus par les traités mentionnés à l'article
88-2 ;
25. Considérant que le « principe de subsidiarité »,
énoncé par l'article I-11 du traité, implique que, dans les domaines ne relevant
pas de la compétence exclusive de l'Union, celle-ci n'intervienne que « si,
et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints
de manière suffisante par les Etats membres, tant au niveau central qu'au niveau
régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets
de l'action envisagée, au niveau de l'Union » ; que, toutefois, la mise
en oeuvre de ce principe pourrait ne pas suffire à empêcher que les transferts de
compétence autorisés par le traité revêtent une ampleur ou interviennent selon des
modalités telles que puissent être affectées les conditions essentielles d'exercice
de la souveraineté nationale ;
26. Considérant que, conformément à l'article
I-34 du traité, sauf disposition contraire, la « loi européenne » et la
« loi-cadre européenne », qui se substituent au « règlement communautaire »
et à la « directive communautaire », seront adoptées, sur proposition
de la seule Commission, conjointement par le Conseil des ministres, statuant à la
majorité qualifiée prévue à l'article I-25, et par le Parlement européen, selon
la « procédure législative ordinaire » prévue à l'article III-396 ;
que, sauf exception, relèveront désormais de cette procédure toutes les matières
de la compétence de l'Union, notamment celles qui intéressent l'« espace de
liberté, de sécurité et de justice » faisant l'objet du chapitre IV du titre
III de la troisième partie du traité ;
. En ce qui concerne les transferts
de compétence intervenant dans des matières nouvelles :
27. Considérant qu'appellent une révision de
28. Considérant qu'appelle également une révision
de
. En ce qui concerne les modalités
nouvelles d'exercice de compétences déjà transférées, applicables dès l'entrée en
vigueur du traité :
29. Considérant qu'appelle une révision de
30. Considérant, en conséquence, qu'appellent
une révision de
31. Considérant qu'il en va de même, en tant
qu'ils confèrent une fonction décisionnelle au Parlement européen, notamment de
l'article III-191, qui prévoit que la loi ou la loi-cadre européenne établit les
mesures nécessaires à l'usage de l'euro, et du premier paragraphe de l'article III-419
qui, dans les matières intéressant l'espace de liberté, de sécurité et de justice,
soumet désormais à l'approbation du Parlement européen l'instauration de toute « coopération
renforcée » au sein de l'Union ;
32. Considérant qu'il en va également de même
de l'article III-264, en ce qu'il substitue au pouvoir propre d'initiative dont
dispose chaque Etat membre en vertu des traités antérieurs l'initiative conjointe
d'un quart des Etats membres en vue de présenter un projet d'acte européen dans
des matières relevant de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, comme celles
mentionnées à l'article III-273 concernant Eurojust, et
aux articles III-275 à III-277 relatifs à la coopération policière ;
. En ce qui concerne le passage à la majorité
qualifiée en vertu d'une décision européenne ultérieure :
33. Considérant qu'appelle une révision de
34. Considérant que tel est le cas en particulier
des mesures relatives au droit de la famille ayant une incidence transfrontière
prévues par le paragraphe 3 de l'article III-269, des règles minimales relatives
à la procédure pénale prévues par le d) du paragraphe 2 de l'article III-270, ainsi
que des règles minimales relatives à la définition et à la répression des infractions
dans des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière
prévues par le troisième alinéa du premier paragraphe de l'article III-271 ;
qu'il en va de même du paragraphe 7 de l'article I-40 et du paragraphe 3 de l'article
III-300, qui permettent que des décisions relatives à la politique étrangère et
de sécurité commune, dont la portée n'est pas limitée par le traité, soient désormais
prises par le Conseil statuant à la majorité qualifiée, s'il en est décidé ainsi
par le Conseil européen se prononçant à l'unanimité, mais sans ratification nationale ;
. En ce qui concerne les procédures
de révision simplifiée prévues par les articles IV-444 et IV-445 du traité :
35. Considérant, d'une part, que, pour les
raisons exposées ci-dessus, doit être également examinée la « clause passerelle »
générale figurant à l'article IV-444, qui institue une procédure de « révision
simplifiée » du traité ; que cet article permet au Conseil européen, par
son premier paragraphe, d'autoriser le Conseil, sauf en matière de défense, à se
prononcer à la majorité qualifiée dans un domaine ou dans un cas pour lesquels le
traité requiert l'unanimité et, par son deuxième paragraphe, d'autoriser l'adoption
de lois ou lois-cadres conformément à la procédure législative ordinaire chaque
fois que la partie III prévoit une procédure législative spéciale ; qu'en l'absence
de procédure nationale de ratification de nature à permettre un contrôle de constitutionnalité,
ces dispositions appellent une révision de
36. Considérant, d'autre part, que l'article
IV-445 institue une procédure de révision simplifiée concernant les politiques et
actions internes de l'Union ; qu'il prévoit que, sur proposition d'un Etat
membre, du Parlement européen ou de
- SUR LES NOUVELLES PRÉROGATIVES
RECONNUES AUX PARLEMENTS NATIONAUX DANS LE CADRE DE L'UNION :
37. Considérant que le traité soumis au Conseil
constitutionnel accroît la participation des parlements nationaux aux activités
de l'Union européenne ; qu'il leur reconnaît, à cet effet, de nouvelles prérogatives ;
qu'il y a lieu d'apprécier si ces prérogatives peuvent être exercées dans le cadre
des dispositions actuelles de
38. Considérant, en premier lieu, que l'article
IV-444 instaure, comme il a été dit, une procédure de révision simplifiée du traité ;
qu'il prévoit la transmission aux parlements nationaux de toute initiative prise
en ce sens et ajoute que : « En cas d'opposition d'un parlement national
notifiée dans un délai de six mois après cette transmission, la décision européenne...
n'est pas adoptée » ;
39. Considérant, en deuxième lieu, que le second
alinéa du paragraphe 3 de l'article I-11 prévoit que les parlements nationaux veillent
au respect du principe de subsidiarité par les institutions de l'Union conformément
au protocole n° 2 ; qu'il résulte des articles 6 et 7 de celui-ci, combinés
avec l'article 3 du protocole n° 1, qu'un parlement national ou, le cas échéant,
chacune de ses chambres, pourra désormais, dans un délai de six semaines à compter
de la date à laquelle lui est transmis un projet d'acte législatif européen, adresser
aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de
40. Considérant, en troisième lieu, que l'article 8
du protocole n° 2 prévoit que
41. Considérant que le droit reconnu au Parlement
français de s'opposer à une modification du traité selon le mode simplifié prévu
par l'article IV-444 rend nécessaire une révision de
- SUR LES AUTRES DISPOSITIONS DU TRAITÉ :
42. Considérant qu'aucune des autres dispositions
du traité soumis au Conseil constitutionnel au titre de l'article 54 de
- SUR L'ENSEMBLE DU TRAITÉ :
43. Considérant que, pour les motifs ci-dessus
énoncés, l'autorisation de ratifier le traité établissant une Constitution pour
l'Europe exige une révision de
D É C I D E :
Article premier.- L'autorisation de ratifier le
traité établissant une Constitution pour l'Europe ne peut intervenir qu'après révision
de
Article 2.- La présente décision sera notifiée au Président
de
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans
sa séance du 19 novembre 2004, où siégeaient : M. Pierre MAZEAUD,
Président, MM. Jean-Claude COLLIARD, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE, Mme Jacqueline
de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER,
M. Pierre STEINMETZ et Mme Simone VEIL.