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Corte europea dei diritti dell’uomo

(Seconda Sezione)

 

26 giugno 2012

 

Requête n. 73575/01

 

 

 

 

AFFAIRE DI PIETRO c. ITALIE

 

 

 

 

ARRÊT

(Satisfaction équitable)

 

 

STRASBOURG

 

 

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

 

 


En l’affaire di Pietro c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant une chambre composée de :

          Françoise Tulkens, présidente,
          Danutė Jočienė,
          Dragoljub Popović,
          Işıl Karakaş,
          Guido Raimondi,
          Paulo Pinto de Albuquerque,
          Helen Keller, juges,
et de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 juin 2012,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 73575/01) dirigée contre la République italienne et dont une ressortissante de cet Etat, Mme Paola di Pietro (« la requérante »), a saisi la Cour le 1er février 2001 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2.  Par un arrêt du 2 novembre 2006 (« l’arrêt au principal »), la Cour a jugé que la perte de toute disponibilité du terrain, combinée avec l’impossibilité de remédier à la situation incriminée, avait engendré des conséquences assez graves pour que la requérante ait subi une expropriation de fait, incompatible avec son droit au respect de ses biens (Di Pietro c. Italie, no 73575/01, § 67, 2 novembre 2006).

3.  En s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, la requérante réclamait une satisfaction équitable de 5 000 000 EUR à titre de préjudice matériel, plus la somme de 1 300 658,25 EUR correspondant à la différence entre l’indemnité qu’elle aurait perçue au sens de la loi no 2359 de 1865, à savoir la valeur marchande du terrain, et celle qui lui a été accordée conformément à l’article 5 bis de la loi no 359 de 1992, majorée d’intérêts et réévaluée. En outre, elle demandait le remboursement du dommage moral et des frais encourus devant la Cour.

4.  La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée et a invité le Gouvernement et la requérante à lui soumettre par écrit, dans les trois mois, leurs observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (point 6 b) du dispositif).

5.  Le 8 mars 2007, le président de la chambre a décidé de demander aux parties de nommer chacune un expert chargé d’évaluer le préjudice matériel et de déposer un rapport d’expertise avant le 1erjuin 2007.

6.  Lesdits rapports d’expertise ont été déposés dans le délai imparti.

7.  A la suite de la modification de la composition des sections de la Cour, la présente requête a été attribuée à la deuxième section ainsi remaniée.

EN FAIT

8.  Les faits survenus après l’arrêt au principal peuvent se résumer comme suit.

9.  Par un arrêt du 31 mai 2006, la cour d’appel de Catane confirma le jugement du tribunal de Catane.

10.  Il ressort du dossier que l’administration paya à la requérante la somme reconnue par les juridictions internes.

EN DROIT

11.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A.  Dommage matériel

12.  La requérante réclame une satisfaction équitable de 1 187 770,82 EUR à titre de préjudice matériel, plus la somme de 7 145,61 pour le manque à gagner.

13.  Le Gouvernement conteste les prétentions de la requérante.

14.  La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’État défendeur l’obligation de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).

15.  Elle rappelle que dans l’affaire Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 58858/00, 22 décembre 2009), la Grande Chambre a modifié la jurisprudence de la Cour concernant les critères d’indemnisation dans les affaires d’expropriation indirecte. En particulier, la Grande Chambre a décidé d’écarter les prétentions des requérants dans la mesure où elles sont fondées sur la valeur des terrains à la date de l’arrêt de la Cour et de ne plus tenir compte, pour évaluer le dommage matériel, du coût de construction des immeubles bâtis par l’Etat sur les terrains.

16.  Selon les nouveaux critères fixés par la Grande Chambre, l’indemnisation doit correspondre à la valeur pleine et entière du terrain au moment de la perte de la propriété, telle qu’établie par l’expertise ordonnée par la juridiction compétente au cours de la procédure interne. Ensuite, une fois que l’on aura déduit la somme éventuellement octroyée au niveau national, ce montant doit être actualisé pour compenser les effets de l’inflation. Il convient aussi de l’assortir d’intérêts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long laps de temps qui s’est écoulé depuis la dépossession des terrains. Ces intérêts doivent correspondre à l’intérêt légal simple appliqué au capital progressivement réévalué.

17.  En l’espèce, la requérante a perdu la propriété de son terrain en 1982. Il ressort de l’expertise ordonnée par les juridictions internes que la valeur du terrain en 1982 était de 225 000 000 ITL (116 203 EUR) (§ 14 de l’arrêt au principal).

18.  Compte tenu de ces éléments, la Cour estime raisonnable d’accorder à la requérante 355 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme.

19.  Reste à évaluer la perte de chances subie à la suite de l’expropriation litigieuse (Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction équitable) [GC] précité, § 107). La Cour juge qu’il y a lieu de prendre en considération le préjudice découlant de l’indisponibilité du terrain pendant la période allant du début de l’occupation légitime jusqu’au moment de la perte de propriété. Statuant en équité, la Cour alloue à la requérante 7 000 EUR.

B.  Dommage moral

20.  La requérante demande un dédommagement de 400 000 EUR, plus intérêts et réévaluation, pour le préjudice moral.

21.  Le Gouvernement s’y oppose et estime qu’aucune somme n’est due au titre du préjudice moral, puisque ce type de préjudice ne saurait découler de la violation de l’article 1 du Protocole no 1 mais uniquement de la violation du « délai raisonnable ».

22.  La Cour estime que le sentiment d’impuissance et de frustration face à la dépossession illégale de son bien a causé à la requérante un préjudice moral important, qu’il y a lieu de réparer de manière adéquate.

23.  Statuant en équité, la Cour accorde à la requérante 10 000 EUR au titre du préjudice moral.

C.  Frais et dépens

24.  Justificatifs à l’appui, la requérante demande le remboursement des frais encourus devant la Cour, soit 86 750 EUR, plus taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et contributions à la caisse de prévoyance des avocats (CPA).

25.  Le Gouvernement s’y oppose et observe que les prétentions de la requérante sont exorbitantes.

26.  La Cour rappelle que l’allocation des frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (voir, par exemple, Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 33202/96, § 27, 28 mai 2002 ; Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 105, CEDH 2003-VIII).

27.  La Cour ne doute pas de la nécessité d’engager des frais, mais elle trouve excessifs les honoraires totaux revendiqués à ce titre. Elle considère dès lors qu’il y a lieu de les rembourser en partie seulement. Compte tenu des circonstances de la cause, la Cour juge raisonnable d’allouer un montant de 15 000 EUR pour l’ensemble des frais exposés.

D.  Intérêts moratoires

28.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Dit

a)  que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i.  362 000 EUR (trois cent soixante deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel ;

ii.  10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

iii.  15 000 EUR (quinze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt à la requérante, pour frais et dépens ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

 

2.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 26 juin 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Françoise Elens-Passos                                                         Françoise Tulkens
    Greffière adjointe                                                                     Présidente