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Corte europea dei diritti dell’uomo

(Prima Sezione)

 

2 marzo 2017

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE TALPIS c. ITALIA

 

(Requête n. 41237/14)

 

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

 

 

 

En l’affaire Talpis c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,

Guido Raimondi,

Kristina Pardalos,

Linos-Alexandre Sicilianos,

Robert Spano,

Armen Harutyunyan,

Tim Eicke, juges,

et de Abel Campos, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 24 et 31 janvier 2017,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

 

PROCÉDURE

 

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 41237/14) dirigée contre la République italienne et dont une ressortissante roumaine et moldave, Mme Elisaveta Talpis (« la requérante »), a saisi la Cour le 23 mai 2014 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. La requérante a été représentée par Me S. Menichetti, avocat à Rome. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E. Spatafora.

3. La requérante se plaignait notamment d’un manquement des autorités italiennes à leur devoir de protection contre les violences domestiques qu’elle aurait subies et qui auraient conduit à la tentative de meurtre sur sa personne et à la mort de son fils.

4. Le 26 août 2015, la requête a été communiquée au Gouvernement. Les gouvernements roumain et moldave n’ont pas usé de leur droit d’intervenir dans la procédure (article 36 § 1 de la Convention).

5. Le Gouvernement objecte que les observations soumises par la requérante sont arrivées à la Cour le 15 mars 2016, soit, selon lui, après l’échéance du délai fixé au 9 mars 2016. La Cour constate toutefois que les observations ont été envoyées le 9 mars 2016 conformément à l’article 38 § 2 du règlement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

6. La requérante est née en 1965 et réside à Remanzacco.

7. La requérante se maria avec A.T., un ressortissant moldave, et eut deux enfants de cette union : une fille, née en 1992, et un fils, né en 1998.

8. Après leur mariage, le mari de la requérante commença, selon elle, à la frapper. Cependant, en 2011, la requérante suivit son mari en Italie afin de donner à ses enfants la chance d’un avenir plus serein.

1. La première agression commise par A.T. sur la requérante et sa fille

9. La requérante soutient que son mari, alcoolique, la maltraitait physiquement depuis longtemps lorsque, le 2 juin 2012, elle demanda l’intervention des gendarmes à la suite des coups que A.T. leur aurait infligés, à elle-même et à sa fille.

10. À l’arrivée des gendarmes, A.T. était parti du domicile familial. Il fut retrouvé dans la rue en état d’ébriété, avec des griffures sur le côté gauche du visage. Les gendarmes rédigèrent un rapport de l’incident. Il ressort de ce rapport que la requérante avait été frappée et mordue au visage et à la jambe gauche et qu’elle avait plusieurs hématomes. Toujours selon le rapport, la fille de la requérante était intervenue pour défendre sa mère et avait été frappée à son tour. Elle aurait présenté une plaie causée par un ongle sur le cou et des blessures sur les deux bras. La requérante et sa fille furent informées de leurs droits et elles manifestèrent l’intention de se rendre aux urgences.

11. La requérante allègue qu’elle n’a, en revanche, pas été informée de la possibilité de déposer une plainte ou de prendre contact avec un centre pour les femmes victimes de violences. Elle soutient également qu’elle s’est rendue aux urgences afin de faire constater ses blessures, mais que, après trois heures d’attente, elle avait décidé de rentrer à la maison.

12. Le Gouvernement, se référant au procès-verbal rédigé par les gendarmes, estime qu’il n’y a aucune preuve que la requérante se soit rendue aux urgences.

2. La deuxième agression commise par A.T. sur la requérante

a) La version de la requérante

13. Après l’agression du 2 juin 2012, la requérante soutient qu’elle avait trouvé refuge dans la cave de son appartement et qu’elle y dormait.

14. Elle relate ainsi les événements suivants. Le 19 août 2012, après un appel téléphonique menaçant de son mari, craignant une agression de sa part, elle décida de sortir de la maison. Lorsqu’elle rentra chez elle, elle découvrit que la porte de la cave avait été cassée. Elle essaya de joindre une amie pour être hébergée pour la nuit, mais personne ne répondit à son appel. Elle décida alors de retourner dans la cave. A.T. l’y agressa avec un couteau et la contraignit à le suivre afin d’avoir des relations sexuelles avec ses amis. Espérant pouvoir demander de l’aide une fois dehors, elle se résigna à le suivre. Dans la rue, elle appela à l’aide des policiers qui patrouillaient en voiture.

15. Les policiers se bornèrent à contrôler ses papiers d’identité et ceux de A.T. et, nonobstant ses affirmations selon lesquelles elle avait été menacée et frappée par son mari, ils l’invitèrent à rentrer chez elle sans lui proposer d’aide et demandèrent à A.T. de s’éloigner d’elle. Le requérant fut verbalisé pour port d’arme prohibé.

16. Peu de temps après être rentrée chez elle, la requérante appela les urgences et fut transportée à l’hôpital. Les médecins constatèrent, entre autres, qu’elle souffrait d’un traumatisme crânien, d’une blessure à la tête, de multiples excoriations sur le corps et d’un hématome sur la poitrine. Ses blessures furent jugées soignables en sept jours.

b) La version du Gouvernement

17. Le Gouvernement indique que, selon le rapport d’intervention rédigé par les policiers, ceux-ci sont arrivés rue Leopardi peu après minuit. La requérante les aurait informés qu’elle avait été frappée au visage. A.T. aurait donné un couteau aux policiers. La requérante aurait dit aux policiers qu’elle voulait aller à l’hôpital pour faire constater ses blessures. Elle s’y serait rendue et A.T. serait rentré chez lui. Le couteau aurait été saisi et le requérant verbalisé pour port d’arme prohibé.

3. La plainte de la requérante

18. À l’hôpital, la requérante fut entendue par une assistante sociale. Lors de cet entretien, elle déclara qu’elle refusait de revenir chez elle et d’y retrouver son mari. Elle fut alors hébergée par une association de protection des femmes victimes de violences, IOTUNOIVOI (« l’association »).

19. Le président du centre d’hébergement et des policiers se rendirent dans la cave de l’appartement où résidait la requérante afin d’y récupérer ses vêtements et objets personnels.

20. À partir du 20 août, A.T. harcela la requérante en l’appelant et en lui envoyant plusieurs messages insultants.

21. Le 5 septembre 2012, la requérante déposa plainte à l’encontre de son mari pour lésions corporelles, maltraitance et menaces. Elle demanda aux autorités de prendre des mesures urgentes afin de les protéger, elle et ses enfants, et d’empêcher A.T. de s’approcher d’eux. Elle indiqua qu’elle s’était réfugiée dans un centre d’hébergement et que A.T. la harcelait par téléphone.

22. Une information judiciaire fut ouverte à l’encontre de A.T. pour délits de maltraitance familiale, lésions corporelles aggravées et menaces. La police transmit la plainte au parquet le 9 octobre 2012.

23. Le 15 octobre 2012, le parquet, eu égard à la demande de mesures de protection formulée par la requérante, ordonna que des mesures d’investigation fussent prises de manière urgente. Il demanda en particulier à la police de rechercher d’éventuels témoins, y compris la fille de la requérante.

24. La requérante fut hébergée pendant trois mois par l’association.

25. Par une lettre du 27 août 2012, le responsable des services sociaux de Udine informa l’association qu’il n’y avait pas de fonds disponibles pour prendre en charge la requérante et pour lui fournir une autre solution d’hébergement.

26. Le Gouvernement donne une lecture différente de cette lettre : il indique que, étant donné que la requérante n’avait pas été d’abord prise en charge par les services sociaux de la mairie de Udine, qui s’occupait des victimes de violences dans le cadre d’un autre projet, appelé « Zero tolerance », ces derniers ne pouvaient pas assumer les frais de l’association. Selon lui, les femmes victimes de violences pouvaient prendre contact avec les services sociaux pour demander de l’aide, ce que la requérante n’aurait pas fait.

27. Le 4 décembre 2012, la requérante quitta le centre d’hébergement afin de chercher un travail.

28. Elle dit avoir dormi dans la rue dans un premier temps, avant d’être hébergée par une amie. Elle indique qu’elle a ensuite trouvé un travail d’aide-soignante auprès de personnes âgées et que, lorsque cela a été possible, elle a loué un appartement. Selon la requérante, A.T. avait continué à exercer des pressions psychologiques sur elle pour l’inciter à retirer sa plainte.

29. Le 18 mars 2013, le procureur, constatant qu’aucun acte d’enquête n’avait été accompli, redemanda à la police d’enquêter à bref délai sur les allégations de la requérante.

30. Le 4 avril 2013, sept mois après le dépôt de sa plainte, la requérante fut entendue pour la première fois par la police. Elle modifia ses déclarations en atténuant la gravité des faits dont elle s’était plainte. Concernant l’épisode de juin 2012, elle déclara que A.T. avait essayé de la frapper mais qu’il n’y était pas arrivé et que sa fille n’avait pas non plus reçu de coups. Concernant l’incident du mois d’août 2012, elle dit que A.T. l’avait frappée mais qu’il ne l’avait pas menacée avec un couteau. En revanche, A.T. aurait fait semblant de retourner le couteau contre lui.

La requérante indiqua encore que, à l’époque, elle ne parlait pas bien l’italien et qu’elle n’avait pas pu s’exprimer correctement. Elle déclara en outre que A.T. ne l’avait pas contrainte à avoir des rapports sexuels avec d’autres personnes et qu’elle était retournée vivre au domicile familial. Elle dit que, lorsqu’elle était hébergée par l’association, elle ne parlait pas par téléphone avec son mari parce qu’on lui aurait dit d’agir ainsi. Elle assura que, exception faite de l’alcoolisme de son mari, la situation à la maison était calme. Elle conclut que son mari était un bon père et un bon mari et qu’il n’y avait plus eu aucun épisode de violences.

31. La requérante soutient qu’elle a modifié ses déclarations initiales en raison des pressions psychologiques qu’elle aurait subies de la part de son mari.

32. Le 30 mai 2013, le parquet de Udine, après avoir relevé, d’une part, que la requérante, entendue en avril, avait atténué la gravité des accusations qu’elle avait portées contre son mari en indiquant qu’il ne l’avait pas menacée avec un couteau et qu’elle avait été mal comprise par l’employée du centre où elle s’était réfugiée et, d’autre part, qu’aucun autre épisode de violences n’avait eu lieu, demanda au juge des investigations préliminaires (« le GIP ») de classer la plainte déposée à l’encontre de A.T. pour maltraitance familiale. Quant au délit de lésions corporelles aggravées, le parquet indiqua qu’il souhaitait continuer les investigations.

33. Par une décision du 1er août 2013, le GIP classa la plainte pour la partie qui concernait les allégations de maltraitance familiale et de menaces. Il considéra que le déroulement des faits était incertain et que, s’agissant de la maltraitance alléguée, un tel délit ne pouvait être qualifié au motif que, la requérante ayant dénoncé seulement l’incident du mois d’août 2012, le critère de la répétition des épisodes de violences n’était pas rempli.

34. Concernant le grief de menaces aggravées par l’utilisation d’une arme, le GIP releva que les déclarations de la requérante étaient contradictoires et que, dans le rapport établi par l’hôpital, il n’y avait aucune référence à des blessures causées par un couteau.

35. Quant au délit de lésions corporelles, la procédure se poursuivit devant le juge de paix. A.T. fut renvoyé en jugement le 28 octobre 2013. La première audience eut lieu le 13 février 2014 et A.T. fut condamné à payer une amende de 2 000 euros (EUR) le 1er octobre 2015.

4. La troisième agression commise par A.T. sur la requérante et son fils et le meurtre commis par A.T. sur la personne de son fils

36. Il ressort du dossier que, le 18 novembre 2013, A.T. a reçu la notification de son renvoi en jugement devant le juge de paix le 19 mai 2014 pour le délit de lésions corporelles concernant l’agression contre la requérante du mois d’août 2012.

37. Dans la nuit du 25 novembre 2013, la requérante demanda l’intervention des gendarmes en raison d’une dispute avec son mari.

38. Dans leur compte rendu, les gendarmes faisaient les constatations suivantes : à leur arrivée, ils avaient trouvé la porte de la chambre à coucher cassée et le sol jonché de bouteilles d’alcool ; la requérante avait affirmé que son mari était sous l’emprise de l’alcool et qu’elle avait décidé d’appeler de l’aide parce qu’elle estimait qu’il avait besoin d’un médecin ; elle leur avait dit qu’elle avait déposé une plainte contre son mari par le passé, mais qu’elle avait ensuite modifié ses accusations ; le fils de la requérante avait déclaré que son père n’était pas violent à son égard ; ni la requérante ni son fils ne présentaient de signes de violences.

39. A.T. fut transporté à l’hôpital en état d’ivresse. Dans la nuit, il sortit de l’hôpital et se rendit dans une salle de jeux.

40. Alors qu’il marchait dans la rue, il fut arrêté par la police pour un contrôle d’identité à 2 h 25.

41. Il ressort du procès-verbal du contrôle de police que A.T. était en état d’ivresse, qu’il avait du mal à se tenir en équilibre et que la police l’a laissé partir après l’avoir verbalisé.

42. À 5 heures, A.T. entra dans l’appartement familial armé d’un couteau de cuisine de 12 centimètres avec l’intention d’agresser la requérante. Le fils de la requérante tenta de l’arrêter et fut poignardé trois fois. Il décéda de ses blessures. La requérante essaya de s’échapper, mais A.T. réussit à la rejoindre dans la rue et lui porta plusieurs coups de couteau à la poitrine.

5. La procédure pénale engagée à l’encontre de A.T. pour lésions corporelles aggravées

43. Le 1er octobre 2015, A.T. fut déclaré coupable par le juge de paix de lésions corporelles aggravées sur la personne de la requérante en raison des blessures qu’il lui avait infligées lors de l’incident du mois d’août 2012, et condamné à payer une amende de 2 000 EUR.

6. La procédure pénale engagée à l’encontre de A.T. pour le meurtre de son fils, pour la tentative de meurtre sur la requérante et pour le délit de maltraitance envers la requérante

44. À une date non précisée, en novembre 2013, l’enquête relative aux actes de maltraitance fut rouverte.

45. A.T. demanda à être jugé selon la procédure abrégée (giudizio abbreviato).

46. Le 8 janvier 2015, A.T. fut condamné par le juge de l’audience préliminaire (« le GUP ») de Udine à la réclusion à perpétuité pour le meurtre de son fils et la tentative de meurtre sur sa femme, et pour les délits de maltraitance envers la requérante et sa fille et de port d’arme prohibé. Il fut également condamné à dédommager la requérante à hauteur de 400 000 EUR. La requérante s’était constituée partie civile.

47. S’agissant du grief de maltraitance, le GUP, après avoir entendu des témoins ainsi que la fille de la requérante, estima que la requérante et ses enfants vivaient dans un climat de violences. Il considéra que la conduite violente de A.T. était habituelle et jugea que, les vexations journalières que la requérante subissait mises à part, il y avait eu quatre épisodes violents. Il ajouta que A.T., lors du procès, avait avoué éprouver un sentiment de haine pour sa femme. Selon le GUP, les faits du 25 novembre 2013 étaient la conséquence de la tentative de la requérante de s’éloigner de A.T.

48. Le 22 mai 2015, A.T. interjeta appel du jugement.

Il ressort du dossier que, par un arrêt du 26 février 2016, le jugement du GUP a été confirmé par la cour d’appel. Aucune des parties n’a cependant joint l’arrêt à ses observations.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNE PERTINENTS

49. Selon l’article 572 du code pénal (maltraitance familiale ou maltraitance sur mineur), toute personne qui maltraite une personne de sa famille, une personne avec laquelle elle vit ou qui est placée sous son autorité ou qui lui a été confiée pour des raisons d’éducation, de soins, de surveillance ou pour l’exercice d’une profession ou d’un art est punie de deux à six ans d’emprisonnement.

50. L’article 582 du code pénal établit que toute personne qui cause à autrui une lésion entraînant une infirmité physique ou mentale est punie de trois mois à dix ans d’emprisonnement. Aux termes de l’article 583 du code pénal, la lésion est considérée comme « grave » et est punie d’une peine d’emprisonnement de trois à sept ans lorsqu’elle entraîne, notamment, une infirmité ou une incapacité temporaire supérieure à quarante jours.

51. La loi no 38 du 23 avril 2009 de conversion du décret-loi 11 du 23 février 2009 portant « mesures urgentes, en matière de sûreté publique, contre la violence sexuelle et tout ce qui concerne les actes de persécution », approuvant la « nécessité extraordinaire et urgente d’introduire des mesures pour assurer la plus grande protection à la sûreté et à la collectivité, en raison de l’augmentation alarmante du nombre d’épisodes de violences sexuelles », a introduit, entre autres, un nouveau crime en matière d’actes de persécution, appelé dans le langage courant « harcèlement », avec l’introduction dans le code pénal de l’article 612 bis.

Il s’agit d’une disposition apte à sanctionner la répétition de comportements malveillants, qu’ils se manifestent par des coups de téléphone à toute heure, des attentions répétées, une surveillance, des cadeaux non souhaités, des lettres ou des SMS, autrement dit par une variété d’actes inoffensifs en apparence mais qui dégénèrent souvent en menaces, pistages, présence inopportune près de l’école ou au restaurant, qui engendrent chez la victime un état d’anxiété et de peur pour sa propre intégrité, et qui, surtout, la forcent à modifier ses propres habitudes et ses choix de vie.

La loi prévoit que, avant de porter plainte, la victime de harcèlement peut s’adresser aux autorités de police et demander qu’un avertissement soit adressé à l’auteur des vexations. Après avoir recueilli les renseignements nécessaires, la police – si elle estime la demande fondée – avertit oralement l’auteur des actes en question et rédige un procès-verbal.

La loi établit, en outre, que les forces de l’ordre, les opérateurs sanitaires et les institutions publiques qui apprennent l’existence d’actes de persécution doivent fournir à la victime tous les renseignements relatifs aux centres antiviolence présents sur le territoire et, en particulier, dans sa zone de résidence, et, si elle le demande, la mettre en contact avec les centres antiviolence (article 11).

La nouvelle loi prévoit également un numéro vert national pour les victimes de harcèlement, qui permet à celles-ci de bénéficier d’une assistance psychologique et juridique et, si elles le souhaitent, de voir signaler aux forces de l’ordre des violences faites aux femmes (article 12).

Dans l’attente du procès, le juge peut ordonner les mesures conservatoires « spécifiques » introduites dans le code de procédure pénale (CPP) par la loi no 154/2001, à savoir l’éloignement immédiat du domicile familial et l’interdiction de se rendre sur les lieux habituellement fréquentés par la victime ou par ses proches (article 282 bis, ter, quater du CPP).

L’article 9 de la loi susmentionnée prescrit l’obligation de communiquer aux autorités de police les mesures d’éloignement de manière à ce que celles‑ci prennent des mesures éventuelles concernant la détention d’armes et de munitions (article 282 quater du CPP).

La loi no 38 prévoit, pour les actes de harcèlement, une condamnation qui va de six mois à quatre ans de réclusion, et une peine plus forte si le fait a été commis par un conjoint, légalement séparé ou divorcé, ou par une personne ayant déjà fait l’objet d’un avertissement par le préfet de police. La peine est aggravée de 50 % lorsque l’acte de harcèlement est commis sur un mineur, une femme enceinte ou une personne handicapée, ou lorsqu’il est commis avec des armes.

52. Le dispositif spécial et urgent des « ordres de protection » (article 736 bis du code de procédure civile et article 342 bis et ter du code civil) prévoit que :

Le juge civil peut décider de mesures d’urgence pour empêcher la multiplication des comportements qui mettent à mal la sérénité familiale, qu’il s’agisse d’un couple marié ou non. Le critère essentiel est la communauté de vie. La demande peut être formulée sans obligation d’être assisté par un avocat. Le recours introductif devra spécifier le contenu de la mesure protectrice demandée. Il est possible de solliciter l’intervention des services sociaux et l’accomplissement d’expertises psychologiques ou médicales et d’enquêtes patrimoniales.

Le juge peut adopter une ou plusieurs mesures dénommées « ordres de protection », visant à obtenir la cessation du comportement en cause, l’éloignement du domicile familial, l’interdiction d’approcher les endroits fréquentés par la personne concernée et/ou le paiement d’une pension aux personnes qui, dépourvues de moyens de subsistance, vivent sous le même toit. Dans sa décision, le juge détermine les modalités d’exécution. En cas de survenance de difficultés lors de l’exécution, il peut adopter des mesures complémentaires pour les résoudre. L’intervention de la force publique peut être prévue, ainsi que celle de l’officier sanitaire.

53. La loi no 119 du 15 octobre 2013, (plan d’action extraordinaire destiné à combattre la violence envers les femmes) prévoit de mesures importantes axées sur les droits procéduraux des victimes de la violence domestique, d’abus sexuel, d’exploitation sexuelle et de harcèlement. Conformément aux nouvelles dispositions, le procureur et les forces de police ont l’obligation légale d’informer les victimes qu’elles peuvent se faire représenter par un avocat lors de la procédure pénale et qu’elles, ou leurs avocats, peuvent demander une audience protégée. Ils doivent également informer les victimes de la possibilité qui leur est offerte de bénéficier d’une assistance juridique et des modalités d’octroi de ce type d’assistance.

En outre, la loi prévoit que les enquêtes relatives aux crimes présumés soient menées dans un délai d’un an à compter de la date du signalement à la police et que les permis de séjour des étrangers victimes de violence, y compris des migrants sans documents d’identification, soient prolongés.

La loi prévoit également la collecte structurée de données sur le phénomène, mises à jour régulièrement (au moins chaque année), y compris au moyen de la coordination des bases de données déjà établies.

54. Le projet de loi no 724 portant « dispositions relatives à la promotion de la subjectivité féminine et à la lutte contre le fémicide » et la proposition de loi du sénat no 764, dite « Introduction du délit de fémicide », sont à l’examen. Il y a lieu de mentionner à cet égard le projet de loi visant à contribuer à la réponse globale à la lutte contre la violence sexiste. Ce projet tend notamment à faire de la discrimination et de la violence sexistes des délits caractérisés.

55. Dans son Rapport “La violence à l’égard des femmes” (2014) l’Institut National de statistique (ISTAT) a fourni des données statistiques concernant la violence à l’égard des femmes.

« Istat carried out the survey in 2014, on a sample of 24,000 women aged 16‑70.The results are to be widely disseminated also among migrant women. Istat carried out the survey in 2014, on a sample of 24,000 women aged 16-70. Estimates indicate the most affected foreign women for citizenship: Romania, Ukraine, Albania, Morocco, Moldavia, China.

More specifically, according to the second Istat survey, 6,788,000 women have been victims of some forms of violence, either physical or sexual, during their life, that is 31.5% of women aged 16-70. 20.2% has been victim of physical violence; 21% of sexual violence and 5.4% of the most serious forms of sexual violence such as rape and attempted rape: 652,000 women have been victims of rape; and 746,000 have been victims of attempted rape.

Further, foreign women are victims of sexual or physical violence on a scale similar to Italian women’s: 31.3% and 31.5%, respectively. However, physical violence is more frequent among the foreign women (25.7% vs. 19.6%), while sexual violence is more common among Italian women (21.5% vs. 16.2%). Specifically, foreign women are more exposed to rape and attempted rape (7.7% vs. 5.1%) with Moldavians (37,3%), Romanians (33,9%) and Ukrainians (33,2%) who are the most affected ones. As for the author, current and former partners are those who commit the most serious crimes. 62.7% of rapes is committed by the current or the former partner while the authors of sexual assault in the majority of cases are unknown (76.8%).

As for the age of the victim, 10.6% of women have been victims of sexual violence prior to the age of 16. Considering VAW-cases against women with children who have been witnessed violence, the rate of children witnessing VAW cases rises to 65.2% compared to the 2006 figure (= 60.3%).

As for women’s status, women separated or divorced are those far more exposes to physical or sexual violence (51.4% vs. 31.5% relating to all other cases).

It remains of great concern the situation of women with disabilities or diseases. 36% of the women with bad health conditions and 36.6% of those with serious limitations have been victims of physical or sexual violence. The risk to be exposed to rape or attempted rape doubles compared to women without any health problems (10% vs. 4.7%).

On a positive note, compared to the previous edition-2006, sexual and physical violence cases result to be reduced from 13.3% to 11.3%. This is the result of an increased awareness of existing protection tools by women in the first place and the public opinion at large, in addition to an overall social climate of condemnation and no mercy for such crimes.

More specifically, physical or sexual violence cases committed by a partner or a former partner is reduced (as for the former, from 5.1% to 4%; as for the latter, from 2.8% to 2%) as well as for cases of VAW perpetrated by non-partners (from 9% to 7.7%).

The decline is meaningful when considering cases among female students: it reduced from 17.1% to 11.9% in the event of former partners; from 5.3% to 2.4% in the event of current partner; and from 26.5% to 22%, in the event of a non-partner.

Significantly reduced are those cases of psychological violence committed by the current partner (from 42.3% to 26.4%), especially when they are not coupled with physical and sexual violence.

Women are far more aware that they have survived a crime (from 14.3% to 29.6% in case of violence by the partner) and it is reported far more often to the police (from 6.7% to 11.8%). More often, they talk about that with someone (from 67.8% to 75.9%) and look for professional help (from 2.4% to 4.9%). The same applies in the event of violence by a non-partner.

Compared to the 2006 edition, survivors are far more satisfied with the relevant work carried out by the police. In the event of violence from the current or the former partner, data show an increase from 9.9% to 28.5%.

Conversely, negative results emerge when considering cases of rape or attempted rape (1.2% in both editions).

The forms of violence are far more serious with an increase of those also victims of injuries (from 26.3% to 40.2% when the partner is the author); and an increased number of women that were fearing that their life was in danger (from 18.8% in 2006 to 34.5% in 2014). Also the forms of violence by a non-partner are more serious.

3, 466,000 women (=16.1%) have been victims of stalking during lifetime, of whom 1, 524,000 have been victims of their former partner; and 2,229,000 from other person that the former partner. »

III. LE DROIT INTERNATIONAL PERTINENT

56. Le droit international pertinent est décrit en partie dans l’affaire Opuz c. Turquie (no 33401/02, §§ 72-82, CEDH 2009) et en partie dans l’affaire Rumor c. Italie (no 72964/10, § 31-35, 27 mai 2014).

57. Lors de sa 49e session, qui s’est tenue du 11 au 29 juillet 2010, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (« le Comité de la CEDAW ») a adopté ses observations finales concernant l’Italie, lesquelles peuvent se lire comme suit en leurs passages pertinents en l’espèce :

«26. Le Comité salue l’adoption de la loi no 11/2009, qui institue l’infraction de harcèlement criminel et prévoit la mise en détention obligatoire des auteurs d’actes de violence sexuelle, l’adoption du Plan national de lutte contre la violence à l’encontre des femmes et le harcèlement criminel, et la réalisation par l’Institut national des statistiques (ISTAT) d’une première vaste enquête sur les violences physiques, sexuelles et psychologiques subies par les femmes. En revanche, il reste préoccupé par la prévalence élevée des violences faites aux femmes et aux filles et par la persistance d’attitudes socioculturelles de tolérance à l’égard de la violence familiale. De plus, il déplore le manque de données sur les violences faites aux immigrées et aux femmes des communautés rom et sinti. En outre, il constate avec préoccupation qu’un nombre élevé de femmes meurent assassinées par leur compagnon ou leur ancien compagnon (fémicides), ce qui peut laisser penser que les autorités de l’État partie n’en ont pas suffisamment fait pour protéger ces femmes. Conformément à sa recommandation générale no 19 (1992) sur la violence à l’égard des femmes et aux positions qu’il a adoptées dans le cadre des procédures prévues par le Protocole facultatif, le Comité invite instamment l’État partie :

a) à privilégier des dispositifs exhaustifs de lutte contre les violences faites aux femmes dans le cercle familial et dans la société, en s’intéressant notamment aux besoins des femmes fragilisées par une situation particulière telles que les membres des communautés rom et sinti, les migrantes, les femmes âgées et les handicapées ;

b) à assurer aux femmes victimes de violences une protection immédiate avec, notamment, l’exclusion de l’agresseur du domicile familial et une garantie d’accès, pour les femmes, à des foyers d’hébergement sûrs et correctement financés situés dans l’ensemble du territoire ainsi qu’à une aide juridique gratuite, à un accompagnement psychosocial et à des recours suffisants, y compris sous forme de demandes d’indemnisation ;

c) à veiller à ce que les fonctionnaires, et notamment les membres des forces de l’ordre, le personnel judiciaire et les professionnels des services sanitaires, sociaux et éducatifs, soient systématiquement et pleinement sensibilisés à toutes les formes de violence à l’encontre des femmes et des filles;

d) à mieux recueillir les données relatives à toutes les formes de violence à l’encontre des femmes, y compris la violence familiale, à améliorer la protection des victimes, à mieux poursuivre et sanctionner les auteurs de violences et à mener des enquêtes permettant d’évaluer précisément la prévalence des violences subies par les femmes appartenant à des groupes défavorisés telles que les femmes des communautés rom et sinti, les migrantes, les femmes âgées et les handicapées ;

e) à continuer de mener dans les médias et dans les écoles, en collaboration avec un large éventail d’acteurs, parmi lesquels les associations féminines et d’autres organisations de la société civile, des campagnes de sensibilisation visant à rendre socialement inacceptable la violence à l’encontre des femmes, et à informer le grand public des mesures de prévention existant face à cette violence ;

f) à ratifier dans les meilleurs délais la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. »

58. Le 27 septembre 2012, la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) a été signée. Elle a été ratifiée par l’Italie le 10 septembre 2013 et est entrée en vigueur dans ce pays le 1er août 2014. Les passages pertinents en l’espèce de cette convention sont en partie exposés dans l’affaire Y. c. Slovénie (no 41107/10, § 72, CEDH 2015 (extraits)). En outre, l’article 3 de ladite convention énonce ce qui suit :

Article 3 – Définitions

«Aux fins de la présente Convention :

a. le terme « violence à l’égard des femmes » doit être compris comme une violation des droits de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes, et désigne tous les actes de violence fondés sur le genre qui entraînent, ou sont susceptibles d’entraîner pour les femmes, des dommages ou souffrances de nature physique, sexuelle, psychologique ou économique, y compris la menace de se livrer à de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée ;

b. le terme « violence domestique » désigne tous les actes de violence physique, sexuelle, psychologique ou économique qui surviennent au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime ;

(...) »

59. Les conclusions du rapporteur spécial des Nations Unies chargé de la question des violences contre les femmes, de leurs causes et conséquences, rédigées à la suite de sa mission en Italie (du 15 au 26 janvier 2012), peuvent se lire ainsi :

«VII. Conclusions and recommendations

91. Efforts have been made by the Government to address the issue of violence against women, including through the adoption of laws and policies and the establishment and merger of governmental bodies responsible for the promotion and protection of women’s rights. Yet these achievements have not led to a decrease in the femicide rate or translated into real improvements in the lives of many women and girls, particularly Roma and Sinti women, migrant women and women with disabilities.

92. Despite the challenges of the current political and economic situation, targeted and coordinated efforts in addressing violence against women, through practical and innovative use of limited resources, need to remain a priority. The high levels of domestic violence, which are contributing to rising levels of femicide, demand serious attention.

93. The Special Rapporteur would like to offer the Government the following recommendations.

A. Law and policy reforms

94. The Government should:

(a) Put in place a single dedicated governmental structure to deal exclusively with the issue of substantive gender equality broadly and violence against women in particular, to overcome duplication and lack of coordination;

(b) Expedite the creation of an independent national human rights institution with a section dedicated to women’s rights;

(c) Adopt a specific law on violence against women to address the current fragmentation which is occurring in practice due to the interpretation and implementation of the civil, criminal and procedures codes;

(d) Address the legal gap in the areas of child custody and include relevant provisions relating to protection of women who are the victims of domestic violence;

(e) Provide education and training to strengthen the skills of judges to effectively address cases of violence against women;

(f) Ensure the provision of quality, State-sponsored legal aid to women victims of violence as envisaged in the constitution and Law No. 154/200 on measures against violence in family relations;

(g) Promote existing alternative forms of detention, including house arrest and low-security establishments for women with children, having due regard to the largely non-violent nature of the crimes for which they are incarcerated and the best interest of children;

(h) Adopt a long-term, gender-sensitive and sustainable policy for social inclusion and empowerment of marginalized communities, with a particular focus on women’s health, education, labour and security;

(i) Ensure the involvement of representatives of these communities, particularly women, in the design, development and implementation of policies which impact them;

(j) Ensure continued provision of quality education for all, including through a flexible application of the 30 per cent ceiling of non-Italian pupils per classroom, to allow for inclusive schools particularly in places where the population of non-Italians is high.

(k) Amend the “Security Package” laws generally, and the crime of irregular migration in particular, to ensure access of migrant women in irregular situations to the judiciary and law enforcement agencies, without fear of detention and deportation;

(l) Address the existing gender disparities in the public and private sectors by effectively implementing the measures provided by the Constitution and other legislation and policies to increase the number of women, including from marginalized groups, in the political, economic, social, cultural and judicial spheres;

(m) Continue to remove legal hurdles affecting the employment of women, which is exacerbated through the practice of signing blank resignations, and the lower positions and salary scale for women. Strengthen the social welfare system by removing impediments to the integration of women into the labour market;

(n) Ratify and implement the Convention on jurisdiction, applicable law, recognition, enforcement and cooperation in respect of parental responsibility and measures for the protection of children; the International Convention on the Protection of the Rights of All Migrant Workers and Members of Their Families, International Labour Organization Convention No. 189 (2011) concerning decent work for domestic workers; the European Convention on the Compensation of Victims of Violent Crimes and the Council of Europe Convention on preventing and combating violence against women and domestic violence.

B. Societal changes and awareness-raising initiatives

95. The Government should also:

 

(a) Continue to conduct awareness-raising campaigns aimed at eliminating stereotypical attitudes about the roles and responsibilities of women and men in the family, society and workplace;

(b) Strengthen the capacity of the National Racial Discrimination Office to put in place programmes to bring about change in society’s perception of women who belong to marginalized communities and groups;

(c) Continue to conduct targeted sensitization campaigns, including with CSOs, to increase awareness on violence against women generally, and women from marginalized groups in particular;

(d) Train and sensitize the media on women’s rights including on violence against women, in order to achieve a non-stereotyped representation of women and men in the national media.

C. Support services

96. The Government should further:

(a) Continue to take the necessary measures, including financial, to maintain existing and/or set-up new anti-violence shelters for the assistance and protection of women victims of violence;

(b) Ensure that shelters operate according to international and national human rights standards and that accountability mechanisms are put in place to monitor the support provided to women victims of violence;

(c) Enhance coordination and exchange of information among the judiciary, police and psychosocial and health operators who deal with violence against women;

(d) Recognize, encourage and support public-private partnerships with CSOs and higher learning institutions, to provide research and responses to addressing violence against women. »

60. Un rapport de l’organisation non gouvernementale WAVE (Woment against violence Europe) concernant l’Italie a été publié en 2015. Sa partie pertinente en l’espèce se lit comme suit :

«In 2014, 681 women and 721 children were accommodated at 45 women’s shelters that are part of the national network Associazione Nazionale Donne in Rete contro la violenza - D.i.R.e.

In addition, there are three shelters for Black and Minority Ethnic (BME) women, migrant and asylum seeking women in the cities of Reggio Emilia, Imola and Modena, one shelter for girls and young women victims of forced marriage, and 12 shelters for victims of trafficking.

Women’s Centres

There are 140 women’s centres providing non-residential support to women survivors of any kind of violence in Italy; 113 of these centres are run by NGOs, 19 are run by the state, and 8 are run by faith-based organisations. While the exact number of such services is not known, there are several women’s centres for Black and Minority Ethnic (BME) women, as well as centres for women victims of trafficking. All the women’s centres provide information and advice, counselling, advocacy and practical support with access to social rights (i.e. housing, income, health care) and legal advice. Some only provide specialist support for children and family support, and cooperate with programmes for perpetrators of violence against women.

Women’s Networks

There is one national women’s network in Italy, called Associazione Nazionale Donne in Rete contro la violenza - D.i.R.e. The network includes 73 members, all women’s organisations running women’s shelters and anti-violence centres in Italy. Formed in 2008 and based in Rome, the network conduct activities in the areas of public awareness, lobbying and advocacy, training, research and networking. In 2014, the network received EUR 66,747 in funding from various private donors and foundations for specific projects, and EUR 20,000 in membership fees.

Policy & Funding

The Extraordinary Action Plan against gender and sexual violence in accordance with art.5 par. 1 Law Decree 14 August 2013 n.93 converted with amendments into Law 15 October 2013 n.119 (Piano di Azione Straordinario contro la violenza sessuale e di genere ai sensi dell’art 5 comma 1 D.L. 14 Agosto 2013 n. 93 convertito con modifiche nella legge del 15 Ottobre 2013 n 119) was launched in 2015 and covers a three-year period [voir paragraphe 53 ci-dessus]. The Plan addresses rape and sexual assault only marginally, and it does not provide for adequate financing of existing services or to create new services in the many regions where these are inexistent. While forced and early marriage is mentioned in the Plan, no particular measures are included. Conceived as an extraordinary measure provided for in a law decree addressing other subjects, the Plan generally fails to address the structural characteristics of violence against women and gender-based violence. Measures and interventions included in the Plan do not consider women’s shelters and anti-violence centres as key actors in providing specialist support to survivors of violence, with a gender perspective.

The Department for Equal Opportunities – Presidency of the Council of Ministers – acts as coordinating body for the implementation of policies on VAW. This body has in practice little effectiveness, largely due to the failure of the President of the Council of Ministers to appoint a Minister with decision-making.

There is currently no national monitoring body entrusted with the evaluation of national strategies on VAW in Italy, and women’s organisations are rarely invited to conduct such evaluation. Nonetheless, in 2014, a coalition of Italian women’s NGOs (among which D.i.R.e.) submitted a Shadow Report on the implementation of the Beijing Declaration and Platform for Action covering 2009-2014, and including review of national strategies on VAW.

In 2014, funding for governmental activities to combat VAW equalled EUR 7 million, while very little funding was provided for NGOs activities through local regional governments; detailed information on funding for NGOs activities is not available, due to the budget being decentralized. State funding for women’s organisations providing support is exclusively project-based.

Prevention, Awareness-raising, Campaigning

The national women’s network, along with most of the women’s shelters and centres, and the national women’s helpline conduct activities in the field of prevention, awareness-raising and campaigning; besides the national women’s helpline (1522), none of them received funding to carry out these activities in 2014.

Training

Most of the women’s shelters and centres conduct trainings with a number of target groups: police, judiciary, civil servants, health professionals, psychologists, social workers, education professionals, media, and others. »

EN DROIT

I. SUR LA RECEVABILITÉ

61. Le Gouvernement soulève deux exceptions d’irrecevabilité.

A. Sur le non-respect allégué du délai de six mois prévu à l’article 35 § 1 de la Convention

62. Le Gouvernement argue que la requête est tardive, au motif que la requérante l’a introduite après le classement de la plainte, à savoir le 1er août 2013. Par ailleurs, la requérante n’aurait pas exprimé la volonté d’être informée d’un classement de la plainte.

63. Se référant à la jurisprudence de la Cour (Varnava et autres c. Turquie [GC], nos 16064/90, 16065/90, 16066/90, 16068/90, 16069/90, 16070/90, 16071/90, 16072/90 et 16073/90, §156-158, CEDH 2009, et Edwards c. Royaume-Uni (déc.), no 46477/99, 7 juin 2001), la requérante indique qu’elle a pris conscience seulement le 26 novembre 2013 que le seul remède à sa disposition était ineffectif. Elle estime que c’est cette date qui doit être considérée comme étant le point de départ du délai de six mois.

64. Elle ajoute que l’enquête pour maltraitance familiale a été rouverte tout de suite après le meurtre, et que A.T. a été condamné par le GUP en 2015 et par la cour d’appel en 2016. Elle soutient que, par conséquent, le délai de six mois a été respecté.

65. La Cour observe que la requérante a introduit sa requête dans un délai de six mois à compter de la date à laquelle son fils a été tué et à laquelle elle-même a subi une tentative de meurtre de la part de A.T. Elle considère que c’est lorsque la requérante s’est rendu compte de l’incapacité des autorités à empêcher A.T. de commettre de nouvelles violences qu’elle a pris conscience du caractère ineffectif des recours disponibles dans l’ordre juridique interne (Opuz, précité, § 112). De plus, elle note que la plainte de la requérante a été seulement partiellement classée et que A.T. a été renvoyé en jugement pour les lésions corporelles aggravées qu’il avait infligées à la requérante lors de l’agression du mois d’août 2012. En outre, elle constate que l’enquête pour maltraitance familiale a été rouverte en novembre 2013 et que A.T. a été condamné pour lésions corporelles aggravées.

66. À la lumière de ce qui précède, la Cour estime que le délai de six mois a commencé à courir au plus tôt le 26 novembre 2013.

67. Compte tenu des particularités de l’espèce, il convient de considérer que la requérante a introduit sa requête dans le délai de six mois prévu à l’article 35 § 1 de la Convention. En conséquence, la Cour rejette l’exception préliminaire du Gouvernement tirée du non-respect de la règle des six mois.

B. Sur le non-épuisement allégué des voies de recours internes

68. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes pour deux raisons. En premier lieu, il indique que la requérante a introduit sa requête alors que la procédure pour meurtre et tentative de meurtre aurait encore été pendante. En deuxième lieu, il indique qu’elle n’a pas fait opposition à la demande de classement du procureur au GIP concernant le délit de maltraitance familiale et qu’elle ne s’est pas non plus pourvue en cassation contre la décision de classement.

69. Le Gouvernement argue que, au demeurant, la requérante aurait également pu demander au juge civil d’appliquer les mesures de protection prévues à l’article 342 bis et ter du code civil, même si, selon lui, le juge civil aurait pu ne pas les appliquer au motif que, au moment du dépôt de la plainte, la requérante avait quitté le domicile familial et ne vivait plus avec A.T.

70. La requérante conteste les arguments du Gouvernement. Tout d’abord, elle soutient avoir épuisé les voies de recours internes, estimant que la plainte pénale qu’elle a déposée le 5 septembre 2012 n’était pas un remède effectif. À cet égard, elle déclare que, nonobstant la demande de mesures de protection et l’urgence signalée par le procureur à la police, chargée de l’enquête (paragraphe 21 ci-dessus), elle n’a été entendue que sept mois plus tard. Elle expose que la première audience a eu lieu seulement en 2014, après le meurtre de son fils. Elle ajoute que, de plus, les autorités italiennes ont omis de la protéger et de la faire bénéficier d’une aide après les violences qu’elle aurait subies.

71. La requérante déclare enfin que sa plainte n’a été que partiellement classée, que la première audience dans le cadre de l’affaire concernant le délit de lésions corporelles à la suite de l’agression commise par A.T. au mois d’août 2012 a eu lieu en 2014 et que l’enquête pour maltraitance a été rouverte après les faits du 26 novembre 2013. Elle répète que sa plainte n’a pas été un remède effectif et qu’elle a épuisé les voies de recours internes.

72. Quant au fait que la procédure pénale contre A.T. pour le meurtre de son fils et la tentative de meurtre sur sa personne est encore pendante, la requérante indique que sa requête a pour objet l’inaction des autorités du 2 juin 2012 jusqu’à la date du meurtre de son fils et qu’elle ne concerne pas la procédure relative à la responsabilité pénale de A.T.

73. Eu égard à son absence d’opposition contre la proposition du parquet de classer partiellement la plainte, la requérante assure ne pas avoir été informée de la décision de classement.

74. La Cour relève que la question centrale qui se pose en l’espèce au sujet de l’épuisement des voies de recours internes est celle de savoir si la requérante a fait usage des voies de droit disponibles dans l’ordre juridique interne. Elle note en outre que l’objet principal de la requête est avant tout de savoir si les autorités ont fait preuve de la diligence requise pour prévenir les actes de violence dirigés contre la requérante et son fils, notamment en prenant à l’égard de A.T. des mesures appropriées à caractère répressif ou préventif. Ces deux questions étant indissolublement liées, la Cour décide de les joindre au fond et de les examiner sous l’angle des articles 2 et 3 de la Convention (Opuz, précité, §116).

75. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Constatant par ailleurs qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, elle la déclare recevable.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 2 ET 3 DE LA CONVENTION

76. Invoquant les articles 2, 3 et 8 de la Convention, la requérante, se plaint que, par leur inertie et leur indifférence, les autorités italiennes, bien qu’averties à plusieurs reprises de la violence de son mari, n’ont pas pris les mesures nécessaires et appropriées pour protéger sa vie et celle de son fils contre le danger, à ses yeux réel et connu que représentait son mari, et n’ont pas empêché la commission d’autres violences domestiques. Les autorités ont ainsi failli à leur obligation positive consacrée la Convention.

77. La Cour rappelle que, maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, elle ne se considère pas comme liée par celle que leur attribuent les requérants ou les gouvernements. En vertu du principe jura novit curia, elle a, par exemple, examiné d’office des griefs sous l’angle d’un article ou paragraphe que n’avaient pas invoqué les parties. Un grief se caractérise en effet par les faits qu’il dénonce et non par les simples moyens ou arguments de droit invoqués (Aksu c. Turquie [GC], nos 4149/04 et 41029/04, § 43, CEDH 2012). Eu égard aux circonstances dénoncées par la requérante et à la formulation de ses griefs, la Cour examinera ces derniers sous l’angle des articles 2 et 3 de la Convention (pour une approche similaire, voir E.M. c. Roumanie, no 43994/05, § 51, 30 octobre 2012, Valiulienė c. Lituanie, no 33234/07, § 87, 26 mars 2013, et M.G. c. Turquie, no 646/10, § 62, 22 mars 2016).

Aux termes de ces articles :

Article 2

«1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. »

Article3

«Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

78. Le Gouvernement combat cette thèse.

A. Arguments de la requérante

79. La requérante allègue que le manquement des autorités à leur obligation de protéger sa vie et celle de son fils, tué par son mari, a emporté violation de l’article 2 de la Convention. Elle soutient à cet égard que les autorités italiennes n’ont pas protégé le droit à la vie de son fils et qu’elles ont fait preuve de négligence devant les actes de violence, les menaces et les blessures répétés dont elle-même aurait été l’objet.

80. Elle argue que les autorités italiennes ont toléré de facto la violence de son mari. Elle estime que les agents de police savaient depuis juin 2012 qu’elle était victime de violences et qu’ils auraient dû savoir qu’il y avait un risque réel et sérieux que A.T. perpétrât des actions violentes contre elle. Selon la requérante, il y a eu des signes évidents de la persistance du danger la menaçant, mais les autorités n’ont pas pris les mesures nécessaires immédiatement après le dépôt de sa plainte et l’ont ainsi laissée seule et sans défense.

81. La requérante allègue encore que, en dépit du certificat de l’hôpital du 19 août 2012 établissant qu’elle avait été battue et menacée avec un couteau, cette circonstance n’a pas été prise au sérieux.

82. Aux yeux de la requérante, le seul remède disponible était la plainte pénale et il n’a pas été effectif. La requérante indique avoir porté plainte le 5 septembre 2012 et avoir été entendue en avril 2013. Elle ajoute que, pendant les sept mois qui ont séparé le dépôt de la plainte de son audition, aucun acte d’enquête n’a été mené et aucun témoin n’a été entendu. En mars 2013, le procureur a dû à nouveau solliciter la police afin que l’enquête fût menée (paragraphe 29 ci-dessus).

83. La requérante dénonce l’inertie des autorités et indique avoir changé sa version des faits une fois interrogée par la police sept mois après le dépôt de sa plainte. Selon la requérante, il est évident que l’État ne l’a pas protégée et qu’elle a été abandonnée par les autorités, qui n’auraient pas pris de mesures de protection à son égard malgré sa demande en ce sens. La requérante indique en outre que la municipalité de Udine, tout en connaissant la situation difficile dans laquelle elle se trouvait, lui avait refusé son aide en mettant un terme au financement de son séjour au sein du centre géré par l’association de protection des femmes victimes de violences. Elle est d’avis que les autorités auraient dû intervenir d’office compte tenu des circonstances de l’espèce et de sa vulnérabilité.

84. La requérante argue que, selon la jurisprudence de la Cour, les obligations positives découlant de l’article 2 de la Convention impliquent pour l’État le devoir primordial d’assurer le droit à la vie par la mise en place d’une législation pénale concrète dissuadant de commettre des atteintes contre la personne et s’appuyant sur un mécanisme d’application conçu pour en prévenir, réprimer et sanctionner les violations. Elle estime que cela peut aussi vouloir dire, dans certaines circonstances, mettre à la charge des autorités l’obligation positive de prendre préventivement des mesures d’ordre pratique pour protéger l’individu dont la vie est menacée par les agissements criminels d’autrui (Osman c. Royaume-Uni, 28 octobre 1998, § 115, Recueil des arrêts et décisions 1998-VIII, cité dans Kontrová c. Slovaquie, no 7510/04, § 49, 31 mai 2007). Elle conclut que, en l’espèce, l’État italien n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger sa vie ainsi que celle de son fils.

85. Se référant à la jurisprudence de la Cour (Opuz, précité, § 159), la requérante se plaint d’avoir été victime également d’un traitement inhumain et dégradant. Elle répète qu’elle a déposé une plainte, avec dossier médical à l’appui, en septembre 2012 et que, pendant sept mois, les autorités n’ont rien fait pour la protéger. Elle ajoute que, pendant ce temps, son mari avait réussi à la convaincre de retourner vivre avec lui.

86. En conclusion, la requérante considère que l’État a manqué à ses obligations positives découlant des articles 2 et 3 de la Convention.

B. Arguments du Gouvernement

87. Après avoir énoncé les principes qui se dégageraient de la jurisprudence de la Cour, le Gouvernement indique que toute menace présumée contre la vie n’oblige pas les autorités, au regard de la Convention, à prendre des mesures concrètes pour en prévenir la réalisation (Opuz, précité, § 129). Il considère que, de plus, il doit être établi que les autorités savaient ou auraient dû savoir sur le moment que la vie d’un individu donné était menacée de manière réelle et immédiate en raison d’actes criminels de la part d’un tiers et qu’elles n’ont pas pris, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures qui, d’un point de vue raisonnable, auraient sans doute pallié ce risque.

88. De plus, le Gouvernement estime qu’il faut distinguer la présente affaire de l’affaire Opuz (arrêt précité). Il est d’avis que, en l’espèce, les autorités ne savaient pas et n’auraient pas pu savoir que la requérante et son fils étaient en danger de mort, au motif qu’il n’existait aucune preuve tangible d’un danger imminent pour la vie de l’intéressée et de son fils. Il indique que, après les deux épisodes de violences des mois de juin et d’août 2012, la requérante avait trouvé refuge dans un centre d’aide aux victimes et qu’elle avait ensuite trouvé un travail lui assurant une indépendance financière. Selon le Gouvernement, les deux épisodes signalés en juin et en août 2012 faisaient vraisemblablement penser à de simples conflits familiaux. Le Gouvernement considère que les autorités ont fait tout ce qu’il était en leur pouvoir en verbalisant A.T. pour port d’arme prohibé, et que l’ouverture d’une enquête pour maltraitance et lésions corporelles nécessitait le dépôt d’une plainte pénale.

89. Le Gouvernement expose également que la requérante a quitté le centre où elle s’était réfugiée et que, lorsqu’elle a été interrogée par la police en avril 2013, elle a modifié ses déclarations antérieures. Il indique que les autorités, avant de procéder au classement de la plainte pour maltraitance familiale, ont vérifié si sa version des faits était exacte, s’il y avait eu d’autres événements de ce type et si l’intéressée se trouvait dans une situation de vulnérabilité susceptible de l’amener à modifier ses déclarations. Selon le Gouvernement, la requérante avait alors déclaré qu’il n’y avait plus eu d’incident et que A.T. était calme.

90. Dans cette situation, le Gouvernement juge qu’une intervention des autorités aurait pu contrevenir à l’article 8 de la Convention.

91. Selon lui, le laps de temps écoulé entre le dépôt de la plainte et l’audition de la requérante n’a pas eu pour conséquence de laisser la requérante exposée aux violences de A.T. Le Gouvernement indique de plus que, aucune autre demande d’intervention n’ayant été signalée, il n’y avait aucun signe concret de violences réelles et immédiates. Il ajoute que les autorités ont décidé de ne pas poursuivre A.T. pour maltraitance familiale sur la base des éléments précités.

92. Le Gouvernement soutient que la requérante n’a jamais démontré avoir subi de manière continue des abus ou des violences ni avoir vécu dans la peur d’être agressée. Il indique que, en revanche, lors de son audition devant la police en avril 2013, elle a affirmé qu’elle ne subissait plus de violences.

93. Par conséquent, le Gouvernement estime que les actes de violence prétendument subis par la requérante ne peuvent pas être qualifiés de traitements inhumains et dégradants.

94. Du point de vue procédural, le Gouvernement estime avoir rempli ses obligations positives découlant de la Convention. Il indique que, à la suite de l’enquête, la requérante ayant modifié ses déclarations, le parquet a dû demander le classement de la plainte. Il ajoute que, par ailleurs, la procédure a continué pour le délit de lésions corporelles et que A.T. a été condamné le 1er octobre 2015 à payer une amende de 2 000 EUR.

C. Appréciation de la Cour

1. Principes applicables

95. La Cour examinera les griefs sous l’angle des articles 2 et 3 de la Convention à la lumière des principes convergents découlant de l’une et de l’autre de ces dispositions, principes bien établis en la matière et résumés, entre autres, dans les arrêts Natchova et autres c. Bulgarie ([GC], nos 43577/98 et 43579/98, §§ 110 et 112-113, CEDH 2005-VII), Ramsahai et autres c. Pays-Bas ([GC], no 52391/99, §§ 324-325, CEDH 2007‑II).

96. La Cour a déjà précisé qu’elle doit interpréter les articles 2 et 3 en gardant à l’esprit que l’objet et le but de la Convention, en tant qu’instrument de protection des êtres humains, appellent à comprendre et appliquer ses dispositions d’une manière qui en rende les exigences concrètes et effectives.

97. Elle rappelle que tout comme l’article 2, l’article 3 doit être considéré comme l’une des clauses primordiales de la Convention consacrant l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques qui forment le Conseil de l’Europe (Soering c. Royaume-Uni, arrêt du 7 juillet 1989, série A no 161, p. 34, § 88). Contrastant avec les autres dispositions de la Convention, il est libellé en termes absolus, ne prévoyant ni exceptions ni limitations, et conformément à l’article 15 de la Convention il ne souffre nulle dérogation (Pretty c. Royaume-Uni, no 2346/02, § 49, CEDH 2002‑III).

98. La Cour rappelle également les principes généraux qui se dégagent de sa jurisprudence en matière de violences domestiques tels qu’énoncés dans l’affaire Opuz (arrêt précité, § 159, avec les références jurisprudentielles y mentionnées).

99. À cet égard, elle réitère que les enfants et autres personnes vulnérables – dont font partie les victimes de violences domestiques – en particulier ont droit à la protection de l’État, sous la forme d’une prévention efficace, les mettant à l’abri de formes aussi graves d’atteinte à l’intégrité de la personne (Opuz, précité, § 159). Elle rappelle aussi que les obligations positives énoncées à la première phrase de l’article 2 de la Convention impliquent également l’obligation pour l’État de mettre en place un système judiciaire efficace et indépendant permettant d’établir la cause du meurtre d’un individu et de punir les coupables. Le but essentiel de pareille enquête est d’assurer la mise en œuvre effective des dispositions de droit interne qui protègent le droit à la vie et, lorsque le comportement d’agents ou autorités de l’État pourrait être mis en cause, de veiller à ce que ceux-ci répondent des décès survenus sous leur responsabilité. Une exigence de promptitude et de diligence raisonnable est implicite dans ce contexte (idem, §§ 150-151).

100. La Cour a en outre déjà dit que les obligations positives qui pèsent sur les autorités – dans certains cas en vertu de l’article 2 ou de l’article 3 de la Convention, et dans d’autres cas en vertu de l’article 8, considéré seul ou combiné avec l’article 3 – peuvent comporter un devoir de mettre en place et d’appliquer un cadre juridique adapté offrant une protection contre les actes de violence pouvant être commis par des particuliers (voir, parmi d’autres, Bevacqua et S. c. Bulgarie, no 71127/01, § 65, 12 juin 2008, Sandra Janković c. Croatie, no 38478/05, § 45, 5 mars 2009, A. c. Croatie, no 55164/08, § 60, 14 octobre 2010, et Đorđević c. Croatie, no 41526/10, §§ 141-143, CEDH 2012 M. et M. c. Croatie, no 10161/13, § 136, CEDH 2015 (extraits).

101. Aussi, dans certaines circonstances bien définies, l’article 2 peut mettre à la charge des autorités l’obligation positive d’adopter préalablement des mesures d’ordre pratique pour protéger l’individu dont la vie est menacée par les agissements criminels d’autrui (Osman c. Royaume-Uni, 28 octobre 1998, § 115, Recueil 1998‑VIII ; Branko Tomašić et autres c. Croatie, no 46598/06, § 50, 15 janvier 2009, et Opuz, précité § 128; Mahmut Kaya c. Turquie, no 22535/93, § 85, CEDH 2000‑III, Kılıç c. Turquie, no 22492/93, § 62, CEDH 2000‑III).

Il faut interpréter l’étendue de l’obligation positive de manière à ne pas imposer aux autorités un fardeau insupportable ou excessif, eu égard aux difficultés pour la police d’exercer ses fonctions dans les sociétés contemporaines, à l’imprévisibilité du comportement humain et aux choix opérationnels à faire en termes de priorités et de ressources. Dès lors, toute menace alléguée contre la vie n’oblige pas les autorités, au regard de la Convention, à prendre des mesures concrètes pour en prévenir la réalisation. Pour qu’il y ait obligation positive, il doit être établi que les autorités savaient ou auraient dû savoir sur le moment qu’un individu donné était menacé de manière réelle et immédiate dans sa vie du fait des actes criminels d’un tiers et qu’elles n’ont pas pris, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures qui, d’un point de vue raisonnable, auraient sans doute pallié ce risque (Keenan c. Royaume-Uni, no 27229/95, §§ 89-90, CEDH 2001‑III, Gongadzé c. Ukraine, no 34056/02, § 165, CEDH 2005‑XI, et Opuz précité, § 129-130). Une autre considération pertinente est la nécessité de s’assurer que la police exerce son pouvoir de juguler et de prévenir la criminalité en respectant pleinement les voies légales et autres garanties qui limitent légitimement l’étendue de ses actes d’investigations criminelles et de traduction des délinquants en justice, y compris les garanties figurant aux articles 5 et 8 de la Convention (Osman, précité, § 116 et Opuz, précité, § 129).

102. La Cour rappelle que, combinée avec l’article 3 de la Convention, l’obligation que l’article 1 de la Convention impose aux Hautes Parties contractantes de garantir à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés consacrés par la Convention leur commande de prendre des mesures propres à empêcher que lesdites personnes ne soient soumises à des tortures, à des traitements ou à des châtiments inhumains ou dégradants, même administrés par des particuliers.

103. Cela étant, il n’entre pas dans les attributions de la Cour de se substituer aux autorités nationales et d’opérer à leur place un choix parmi le large éventail de mesures propres à garantir le respect des obligations positives que l’article 3 de la Convention leur impose (Đorđević, précité, § 165). Par ailleurs, en vertu de l’article 19 de la Convention et du principe voulant que le but de celle-ci consiste à garantir des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs, la Cour doit veiller à ce que les États s’acquittent correctement de leur obligation de protéger les droits des personnes placées sous leur juridiction (Sandra Janković, précité, § 46, et Hajduová c. Slovaquie, no 2660/03, § 47, 30 novembre 2010). La question de l’adéquation de la réponse des autorités peut soulever un problème au regard de la Convention (Bevacqua et S., précité, § 79).

104. L’obligation positive de protéger l’intégrité physique de l’individu s’étend aux questions concernant l’effectivité d’une enquête pénale, ce qui ne saurait être limité aux seuls cas de mauvais traitements infligés par des agents de l’État (M.C. c. Bulgarie, no 39272/98, § 151, CEDH 2003‑XII).

105. Cet aspect de l’obligation positive ne requiert pas nécessairement une condamnation mais l’application effective des lois, notamment pénales, pour assurer la protection des droits garantis par l’article 3 de la Convention (M.G. c. Turquie, précité, § 80).

106. Une exigence de célérité et de diligence raisonnable est implicite dans l’obligation d’enquêter. Les mécanismes de protection prévus en droit interne doivent fonctionner en pratique dans des délais raisonnables permettant de conclure l’examen au fond des affaires concrètes qui leur sont soumises (Opuz, précité, §§ 150-151). En effet, l’obligation de l’État au regard de l’article 3 de la Convention ne peut être réputée satisfaite si les mécanismes de protection prévus en droit interne n’existent qu’en théorie : il faut surtout qu’ils fonctionnent effectivement en pratique, ce qui suppose un examen de l’affaire prompt et sans retard inutile.

2. Application en l’espèce des principes susmentionnés

a) En ce qui concerne l’article 2

107. La Cour observe tout d’abord qu’il ne fait aucun doute que l’article 2 de la Convention s’applique à la situation résultant du décès du fils de la requérante.

108. Elle note ensuite qu’en l’espèce, la force utilisée à l’encontre de la requérante ne fut en définitive pas meurtrière. Toutefois, cet élément n’exclut pas en principe un examen des griefs sous l’angle de l’article 2, dont le texte, pris dans son ensemble, démontre qu’il ne vise pas uniquement l’homicide intentionnel mais il concerne également les situations dans lesquelles il est possible d’avoir recours à la force, ce qui peut conduire à donner la mort de façon involontaire (Makaratzis c. Grèce [GC], n 50385/99, §§ 49-55, CEDH 2004‑XI). En effet, la première phrase de l’article 2 § 1 de la Convention astreint l’État non seulement à s’abstenir de provoquer la mort de manière volontaire et irrégulière, mais aussi à prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction (L.C.B. c. Royaume-Uni, 9 juin 1998, § 36, Recueil des arrêts et décisions 1998‑III).

109. Il est aussi nécessaire de garder à l’esprit que, lorsqu’il s’agit des obligations positives de l’État quant à la protection du droit à la vie, il peut s’agir tant du recours à la force meurtrière par les forces de l’ordre, et tant d’un manquement des autorités à prendre des mesures de protection pour parer un danger éventuel provenant des tierces personnes (voir, par exemple, Osman c Royaume‑Uni, 28 octobre 1998, §§ 115-122, Recueil 1998‑VIII).

110. La Cour considère que la requérante a été victime d’un agissement qui, par sa nature, a mis sa vie en danger, même s’elle a finalement survécu à ses blessures (voir Camekan c. Turquie, n 54241/08, § 38, 28 janvier 2014). L’article 2 de la Convention s’applique donc en l’espèce dans le chef de la requérante elle-même également.

111. Se tournant vers les circonstances de l’espèce, la Cour relève que, à la suite des violences dont elle avait fait l’objet lors des mois de juin et août 2012, la requérante a déposé, le 5 septembre 2012, une plainte pénale dénonçant les violences infligées par A.T. (paragraphe 21 ci-dessus). Elle observe que la requérante a joint à sa plainte un rapport médical établi après l’agression et décrivant les blessures physiques visibles sur son corps (paragraphe 16 ci-dessus). À cette occasion, l’intéressée a fait part des craintes qu’elle éprouvait pour sa vie et celle de sa fille et elle a demandé à bénéficier de mesures de protection. Il convient dès lors d’apprécier le comportement des autorités internes à compter de cette date.

112. La Cour relève qu’une information judiciaire a été ouverte à l’encontre de A.T. pour des délits de maltraitance familiale, lésions corporelles et menaces. La police a transmis la plainte de la requérante au parquet le 9 octobre 2012. Le 15 octobre 2012, le parquet, eu égard à la demande de mesures de protection formulée par la requérante, a ordonné de manière urgente des mesures d’investigation. Il a en particulier demandé à la police de vérifier s’il y avait eu des témoins, y compris la fille de la requérante. Elle note que, entre-temps, la requérante avait trouvé refuge, par le biais d’une association, dans un centre pour les victimes de violences, où elle est restée pendant trois mois

113. La Cour note qu’aucune ordonnance de protection n’a été émise, que le parquet a réitéré sa demande auprès de la police en mars 2013 en soulignant l’urgence de la situation et que la requérante n’a été entendue qu’en avril 2013.

114. En effet, alors même que, dans le contexte des violences domestiques, des mesures de protection sont en principe destinées à parer au plus vite à une situation de danger, la Cour relève qu’il aura fallu attendre sept mois avant que la requérante fût entendue. Un tel délai ne pouvait que priver la requérante du bénéfice de la protection immédiate que la situation requérait. Certes, comme le soutient le Gouvernement, durant la période en cause, la requérante n’a pas été victime de nouvelles violences physiques de la part de A.T. Cela étant, la Cour estime qu’on ne saurait ignorer le sentiment de peur dans lequel la requérante, harcelée par téléphone par A.T., a vécu lors de son hébergement dans le centre.

115. Pour la Cour, il incombait aux instances nationales de tenir compte de la situation de précarité et de vulnérabilité particulière, morale, physique et matérielle, dans laquelle se trouvait la requérante et d’apprécier la situation en conséquence, en lui offrant un accompagnement approprié. Cela n’a pas été le cas en l’espèce.

116. S’il est vrai que, sept mois après, en avril 2013, la requérante a en partie modifié ses déclarations, ce qui a amené les autorités à classer partiellement la plainte, la Cour note toutefois qu’une procédure pour lésions corporelles aggravées sur la personne de la requérante était encore pendante à cette date. Ce faisant, les autorités n’ont procédé à aucune appréciation des risques encourus par la requérante, y compris le risque de nouvelles agressions dont elle était susceptible de faire l’objet.

117. Au vu de tout ce qui précède, la Cour estime que, en n’agissant pas rapidement après le dépôt de la plainte de la requérante, les instances nationales ont privé ladite plainte de toute efficacité, créant un contexte d’impunité favorable à la répétition par A.T. de ses actes de violence à l’encontre de sa femme et de sa famille (Halime Kılıç c. Turquie, no 63034/11, § 99, 28 juin 2016).

118. Bien que le Gouvernement avance qu’il n’existait aucune preuve tangible d’un danger imminent pour la vie de la requérante et pour celle de son fils, la Cour estime qu’il ne semble pas que les autorités aient procédé à l’évaluation des risques que A.T. faisait courir à cette dernière.

119. Elle note en effet que le contexte d’impunité mentionné ci-dessus (paragraphe 117) a culminé finalement sur les évènements tragiques de la nuit du 25 novembre 2013. La Cour observe à cet égard que les forces de l’ordre sont intervenues à deux reprises pendant la nuit en cause. Alertés par l’intéressée, les policiers ont d’abord trouvé la porte de la chambre à coucher cassée et le sol jonché de bouteilles d’alcool. La requérante les avait informés que son mari avait bu et qu’elle avait décidé de les appeler parce qu’elle estimait qu’il avait besoin d’un médecin ; elle leur avait dit qu’elle avait déposé une plainte contre son mari par le passé, mais qu’elle avait ensuite modifié ses accusations. Le fils du couple avait déclaré que son père n’était pas violent à son égard. Enfin, ni la requérante ni son fils ne présentaient de signes de violences. A.T. avait été transporté à l’hôpital en état d’ivresse mais il en était sorti par la suite pour se rendre dans une salle de jeux.

La police est intervenue une seconde fois la même nuit lorsque A.T. a été verbalisé lors d’un contrôle d’identité dans la rue. Il ressort du procès-verbal que A.T. était en état d’ivresse, qu’il avait du mal à se tenir en équilibre et que la police l’avait laissé partir après l’avoir verbalisé.

120. La Cour note qu’à aucun de ces deux moments, les autorités n’ont pris de dispositions particulières en vue de fournir à la requérante une protection adéquate en rapport avec la gravité de la situation, alors même que les violences exercées par A.T. sur son épouse étaient connues des forces de l’ordre, une procédure pour lésions corporelles aggravées sur la personne de la requérante étant encore pendante à cette date (voir paragraphe 35 ci-dessus).

121. La Cour ne saurait spéculer sur la tournure des évènements si les autorités avaient adopté un comportement différent. Elle rappelle toutefois que l’absence de mise en œuvre de mesures raisonnables qui auraient eu une chance réelle de changer le cours des événements ou d’atténuer le préjudice causé suffit à engager la responsabilité de l’Etat (E. et autres c. Royaume‑Uni, no 33218/96, § 99 26 novembre 2002 ; Opuz, précité § 136; Bljakaj et autres c. Croatie, no 74448/12, § 124, 18 septembre 2014).

122. Aux yeux de la Cour, le risque d’une menace réelle et immédiate (voir le paragraphe 99 ci-dessus) doit être évalué en prenant dûment en compte le contexte particulier des violences domestiques. Il s’agit dans de telles situations non seulement d’une obligation d’assurer une protection générale de la société (Mastromatteo c. Italie [GC], no 37703/97, § 69, CEDH 2002‑VIII ; Maiorano et autres c. Italie, no 28634/06, § 111 15 décembre 2009 ; and Choreftakis et Choreftaki c. Grèce, no 46846/08, § 50, 17 janvier 2012 ; Bljakaj, précité § 121) mais surtout de tenir compte du fait que des épisodes successifs de violence se réitèrent dans le temps au sein de la cellule familiale. Dans ce contexte, la Cour réitère que les forces de l’ordre ont eu à intervenir à deux reprises la nuit du 25 novembre 2013 : elles ont d’abord constaté comment l’appartement était ravagé et ont ultérieurement interpellé et verbalisé A.T., qui se trouvait en état d’ébriété. Prenant également en considération la possibilité dont disposaient les forces de l’ordre de vérifier en temps réel les antécédents de A.T., la Cour considère que celles-ci auraient dû savoir que le mari de la requérante représentait pour cette dernière une menace réelle pour laquelle on ne pouvait pas exclure une mise en exécution imminente. Elle conclut donc que les autorités compétentes n’ont pas pris dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures qui, d’un point de vue raisonnable, auraient sans doute pallié, voire empêché, la matérialisation d’un risque réel pour la vie de la requérante et de son fils.

123. La Cour rappelle que, dans les affaires de violences domestiques, les droits de l’agresseur ne peuvent l’emporter sur les droits des victimes à la vie et à l’intégrité physique et mentale (Opuz, précité, § 147). Qui plus est, l’État a l’obligation positive de mettre en œuvre préventivement des mesures d’ordre pratique pour protéger l’individu dont la vie est menacée.

124. Dans ces circonstances, la Cour conclut que les autorités ne sauraient passer pour avoir fait preuve de la diligence requise. Dès lors, elle estime qu’elles ont manqué à leur obligation positive de protéger la vie de la requérante et de son fils au titre de l’article 2 de la Convention.

125. Au vu de ce qui précède, la Cour estime que les manquements constatés ci-dessus ont rendu la plainte pénale de la requérante inopérante dans les circonstances de l’espèce. Dès lors, elle rejette l’exception préliminaire du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes (paragraphe 68 ci-dessus) et conclut à la violation de l’article 2 de la Convention.

b) En ce qui concerne l’article 3

126. La Cour estime que la requérante peut être considérée comme relevant de la catégorie des « personnes vulnérables » qui ont droit à la protection de l’État (A. c. Royaume-Uni, 23 septembre 1998, § 22, Recueil 1998‑VI). À cet égard, elle prend acte des violences que la requérante a subies par le passé. Elle relève en outre que les violences infligées à l’intéressée, qui se sont traduites par des blessures corporelles et des pressions psychologiques, sont suffisamment graves pour être qualifiées de mauvais traitements au sens de l’article 3 de la Convention. Il convient dès lors de déterminer si les autorités internes ont agi de manière à satisfaire aux exigences de cet article.

127. La Cour vient de constater sous l’angle de l’article 2 de la Convention (paragraphe 117 ci-dessus) que, en n’agissant pas rapidement après le dépôt de la plainte de la requérante, les instances nationales ont privé ladite plainte de toute efficacité, créant un contexte d’impunité favorable à la répétition par A.T. de ses actes de violence à l’encontre de sa femme et de sa famille. Elle note également que A.T. a été condamné le 1er octobre 2015 pour lésions corporelles aggravées à la suite de l’incident du mois d’août 2012, alors que, entre-temps, il avait tué son fils et commis une tentative de meurtre sur la requérante et qu’il a été également condamné le 8 janvier 2015, par le juge de l’audience préliminaire (« le GUP ») de Udine à la réclusion à perpétuité pour le meurtre de son fils et la tentative de meurtre sur sa femme, et pour les délits de maltraitance envers la requérante et sa fille. Il fut établi que la requérante et ses enfants vivaient dans un climat de violences (paragraphe 47 ci-dessus).

128. La Cour rappelle sur ce point que le simple passage du temps est de nature à nuire à l’enquête mais aussi à compromettre définitivement ses chances d’aboutissement (M.B. c. Roumanie, no 43982/06, § 64, 3 novembre 2011). Elle rappelle aussi que l’écoulement du temps érode inévitablement la quantité et la qualité des preuves disponibles et que, en outre, l’apparence d’un manque de diligence jette le doute sur la bonne foi avec lesquelles les investigations sont menées et fait perdurer l’épreuve que traversent les plaignants (Paul et Audrey Edwards c. Royaume-Uni, no 46477/99, § 86, CEDH 2002‑II).

129. La Cour insiste à nouveau sur la diligence particulière que requiert le traitement des plaintes pour violences domestiques et estime que les spécificités des faits de violences domestiques telles que reconnues dans le préambule de la Convention d’Istanbul (paragraphe 58 ci-dessus) doivent être prises en compte dans le cadre des procédures internes.

Elle souligne en ce sens que la Convention d’Istanbul impose aux États parties de prendre « les mesures législatives et autres nécessaires pour que les enquêtes et les procédures judiciaires relatives à toutes les formes de violences couvertes par le champ d’application de la (...) Convention soient traitées sans retard injustifié tout en prenant en considération les droits de la victime à toutes les étapes des procédures pénales ».

130. À cet égard, la Cour estime également que, dans le traitement judiciaire du contentieux des violences contre les femmes, il incombe aux instances nationales de tenir compte de la situation de précarité et de vulnérabilité particulière, morale, physique et/ou matérielle de la victime, et d’apprécier la situation en conséquence, dans les plus brefs délais. En l’espèce, rien ne saurait expliquer la passivité des autorités pendant une période aussi longue – sept mois – avant le déclenchement des poursuites pénales. De même, rien ne saurait expliquer pourquoi la procédure pénale pour lésions corporelles aggravées engagée après la plainte déposée par la requérante a duré trois ans, pour s’achever le 1er octobre 2015.

131.  Au regard des constats opérés en l’espèce, la Cour estime que la manière dont les autorités internes ont mené les poursuites pénales dans la présente affaire participe également de cette passivité judiciaire et ne saurait passer pour satisfaire aux exigences de l’article 3 de la Convention.

132. Estimant que le recours propre à remédier, d’après le Gouvernement, au grief fondé sur l’article 3 de la Convention ne s’est pas révélé efficace en l’espèce, la Cour rejette l’exception de non-épuisement formulée par lui (paragraphe 68 ci-dessus) et conclut qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION COMBINÉ AVEC LES ARTICLES 2 ET 3

133. Invoquant l’article 14 de la Convention combiné avec les articles 2 et 3, la requérante soutient, d’une part, que les omissions des autorités italiennes prouvent la discrimination dont elle ferait l’objet en tant que femme et, d’autre part, que l’appareil législatif interne en matière de lutte contre les violences domestiques n’est pas approprié.

L’article 14 de la Convention est ainsi libellé :

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

A. Thèses des parties

134. La requérante se réfère à toute la législation interne et internationale pertinente selon elle en l’espèce, et invoque les conclusions du rapporteur spécial de Nations unies, qui a demandé à l’Italie d’éliminer les attitudes stéréotypées concernant la répartition des rôles et des responsabilités entre homme et femme dans la famille, au travail et dans la société.

135. La requérante allègue qu’elle n’a pas bénéficié d’une protection législative appropriée et que les autorités n’ont pas apporté de réponse adéquate à ses allégations selon lesquelles elle était victime de violences domestiques. Elle estime que cela s’analyse en un traitement discriminatoire fondé sur le sexe.

136. Se référant à la conclusion de la Cour sous l’angle de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 3 dans l’affaire T.M. et C.M. c. République de Moldova (no 26608/11, § 49 et § 62, 28 janvier 2014), la requérante demande à la Cour de conclure à la violation de l’article 14.

137. Le Gouvernement considère qu’il n’y a pas eu de discrimination fondée sur le sexe en l’espèce. En outre, selon lui, la thèse selon laquelle il existe une discrimination institutionnalisée par la législation pénale ou encore par la pratique administrative ou judiciaire ne résisterait pas à un examen sérieux.

138. Il indique par ailleurs que le Conseil supérieur de la magistrature a adopté deux résolutions, le 11 février 2009 et le 18 mars 2014, demandant aux chefs des bureaux judiciaires de s’organiser et de se spécialiser dans cette matière afin de pouvoir répondre efficacement aux cas de violences domestiques.

139. Il ajoute que, de plus, la législation interne prévoit une réponse ferme contre ces actes de violence : à cet égard, la loi relative au délit de harcèlement (stalking) (paragraphe 54 ci‑dessus) contient des dispositions pour combattre les violences contre les femmes.

B. Appréciation de la Cour

1. Sur la recevabilité

140. La Cour, tout en soulignant que ce grief n’a jamais été examiné en tant que tel par les juridictions internes, estime, au vu des circonstances de l’espèce, qu’il est tellement lié à ceux examinés ci-dessus qu’il doit en suivre le sort et être par conséquent déclaré recevable.

2. Sur le fond

141. La Cour rappelle que, selon sa jurisprudence, le manquement – même involontaire – d’un État à son obligation de protéger les femmes contre les violences domestiques s’analyse en une violation du droit de celles‑ci à une égale protection de la loi (Opuz, précité, § 191). La Cour a en effet déjà conclu que la « passivité généralisée et discriminatoire de la police » créant « un climat propice à cette violence » entraînait une violation de l’article 14 de la Convention (ibidem, §§ 191 et suiv.). Elle a par ailleurs constaté qu’un tel traitement discriminatoire avait lieu lorsqu’il était possible d’établir que les actes des autorités s’analysaient non pas en un simple manquement ou retard à traiter les faits de violence en question mais en une tolérance répétée à l’égard de ces faits et qu’ils reflétaient une attitude discriminatoire envers l’intéressée en tant que femme (Eremia c. République de Moldova, no 3564/11, § 89, 28 mai 2013).

142. Dans la présente affaire, la Cour note que la requérante a été victime de violences de la part de A.T. à plusieurs reprises (paragraphes 10, 16, 21 et 47 ci-dessus) et que les autorités ont eu connaissance de ces faits.

143. Elle rappelle que les autorités n’ont mené aucune enquête dans les sept mois ayant suivi le dépôt de la plainte de la requérante et qu’aucune mesure de protection n’a été prise. S’il est vrai que la plainte de la requérante a été classée environ un an plus tard, en raison de la modification des déclarations de celle-ci, la Cour note également que A.T. a été condamné pour lésions corporelles aggravées trois ans plus tard, le 1eroctobre 2015, soit après avoir tué son fils et tenté d’assassiner la requérante.

144. L’inertie des autorités dans la présente espèce est d’autant plus évidente que le parquet avait demandé à la police, restée inactive pendant six mois, d’agir immédiatement eu égard à la demande de mesures de protection formulée par la requérante. La Cour rappelle à cet égard les constats auxquels elle est parvenue quant au manquement des autorités internes à assurer à la requérante une protection effective et au contexte d’impunité dans lequel se trouvait A.T. (paragraphe 117 ci-dessus).

145. Selon la Cour, la combinaison des éléments susmentionnés, montre que, en sous-estimant, par leur inertie, la gravité des violences litigieuses, les autorités italiennes les ont en substance cautionnées. La requérante a par conséquence été victime, en tant que femme, d’une discrimination contraire à l’article 14 de la Convention. (T.M. et C.M. c. République de Moldova, no 26608/11, § 62, 28 janvier 2014 ; Eremia, précité, § 98, et Mudric c. République de Moldova, no 74839/10, § 63, 16 juillet 2013). En outre, les conclusions du rapporteur spécial chargé de la question des violences contre les femmes, de leurs causes et conséquences à la suite de sa mission en Italie (paragraphe 59 ci-dessus), celles du Comité de la CEDAW (paragraphe 57 ci-dessus) ainsi que celles du Bureau national des statistiques (paragraphe 55 ci-dessus) montrent l’ampleur du problème des violences domestiques en Italie et la discrimination que subissent les femmes à ce sujet. La Cour estime que la requérante a apporté un commencement de preuve, étayé par des données statistiques non contestées qui démontrent d’une part que les violences domestiques touchent principalement les femmes et que, nonobstant les réformes entreprises, un nombre important de femmes meurent assassinées par leur compagnon ou par leur ancien compagnon (fémicides) et d’autre part que les attitudes socioculturelles de tolérance à l’égard des violences domestiques persistent (paragraphes 57 et 59 ci‑dessus).

146. Le commencement de preuve en cause, non contesté par le Gouvernement, distingue la présente espèce de l’affaire Rumor (précité § 76), dans laquelle la Cour avait estimé – dans des circonstances de fait nettement différentes de celles ici en question – que le cadre légal en Italie en matière de lutte contre les violences domestiques s’ était révélé efficace dans le cas d’espèce en punissant l’auteur du crime dont la requérante avait été victime et en empêchant la répétition d’ agressions violentes contre son intégrité physique et par conséquent elle avait conclu à la non-violation de l’ article 3, pris isolément et en combinaison avec l’ article 14.

147. La Cour rappelle que, ayant constaté que l’application du droit pénal dans la présente affaire n’a pas eu l’effet dissuasif requis pour prévenir efficacement les atteintes illégales à l’intégrité personnelle de la requérante et de son fils commises par A.T., elle a jugé que les droits de la requérante sous l’angle des articles 2 et 3 de la Convention avaient été violés.

148. Compte tenu des conclusions auxquelles elle est parvenue ci-dessus (paragraphe 145), la Cour estime que les violences infligées à l’intéressée doivent être considérées comme fondées sur le sexe et qu’elles constituent par conséquent une forme de discrimination à l’égard des femmes.

149. Par conséquent, dans les circonstances de la présente affaire, la Cour conclut à la violation de l’article 14 de la Convention combiné avec les articles 2 et 3 de la Convention.

IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 8 ET 13 DE LA CONVENTION

150. La requérante invoque également, à l’appui de ses allégations, les articles 8 et 13 de la Convention.

151. Ayant déjà conclu à la violation des articles 2, 3 et 14 de la Convention (paragraphes 125, 132 et 149 ci-dessus), la Cour juge qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les mêmes faits sur le terrain de ces dispositions (Opuz, précité § 205).

V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

152. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

«Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

153. La requérante se réfère à la décision du GUP de Udine et réclame 300 000 EUR au titre du préjudice matériel qu’elle aurait subi en raison de la mort de son fils. Elle demande également 30 000 EUR pour dommage moral à la suite de la mort de son fils et 80 000 EUR pour dommage moral en raison de la tentative de meurtre dont elle a été l’objet. Elle considère enfin que le dommage moral découlant des violences domestiques qu’elle aurait subies pendant une longue période s’élève à 20 000 EUR.

154. Le Gouvernement conteste les prétentions de la requérante. Il déclare que, dans des affaires similaires examinées par la Cour (Kontrová, précité, Branko Tomašić et autres c. Croatie, no 46598/06, 15 janvier 2009, et Civek c. Turquie, no 55354/11, 23 février 2016), la Cour a octroyé des sommes moins élevées que celles demandées par la requérante. Il considère que, par conséquent, les sommes réclamées sont excessives.

155. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer à la requérante 30 000 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

156. Justificatifs à l’appui, la requérante demande également 18 208,68 EUR pour les frais et dépens qu’elle aurait engagés devant la Cour.

157. Le Gouvernement conteste la prétention formulée par la requérante, arguant que celle-ci n’a pas démontré avoir exposé les frais et dépens réclamés.

158. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 10 000 EUR pour la procédure devant elle et l’accorde à la requérante.

C. Intérêts moratoires

159. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Joint au fond des griefs formulés sur le terrain des articles 2 et 3 de la Convention les exceptions préliminaires du Gouvernement tirées du non-épuisement des voies de recours internes et les rejette à l’unanimité ;

2. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable ;

3. Dit, par six voix contre une, qu’il y a eu violation de l’article 2 de la Convention à raison du meurtre du fils de la requérante et de la tentative de meurtre sur cette dernière ;

4. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à raison du manquement des autorités à leur obligation de protéger la requérante contre les actes de violences domestiques commis par A.T. ;

5. Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’examiner les griefs formulés sur le terrain des articles 8 et 13 de la Convention ;

6. Dit, par cinq voix contre deux, qu’il y a eu violation de l’article 14 de la Convention combiné avec les articles 2 et 3 ;

7. Dit, par cinq voix contre deux,

a) que l’État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i. 30 000 EUR (trente mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,

ii. 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû par la requérante à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

8. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

 

Fait en français, puis communiqué par écrit le 2 mars 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

 

Abel CamposMirjana Lazarova Trajkovska              Greffier              Présidente

 

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé des opinions séparées suivantes :

 

– opinion en partie concordante, en partie dissidente du juge Eicke ;

 

– opinion en partie dissidente du juge Spano.

 

M.L.T.

A.C.

 

 

 

PARTLY CONCURRING, PARTLY DISSENTING OPINION OF JUDGE EICKE

 

I. Article 2 and/or 3 of the Convention

 

1. Having had the opportunity to read, in draft, the Partly Dissenting Opinion of Judge Spano in this Case, I agree with his expression of the applicable principles (as derived from Opuz v. Turkey, no. 33401/02, ECHR 2009, and Osman v. the United Kingdom, 28 October 1998, Reports 1998-VIII), as well as the identification of the two questions to be answered concerning the “immediacy of the risk” and “reality of the risk”: see Sections I and II of that Partly Dissenting Opinion. However, unlike him and not without considerable hesitation, I have reached a different conclusion on the application of those principles to the facts in the present case and have voted for a finding of a violation of Articles 2 and 3.

2. In relation to the question of immediacy of the risk Judge Spano focusses on the “lapses of time” between the initial incidents culminating in the lodging of her complaint on 5 September 2012 and the time of the tragic events of 25 November 2013. He concludes that these lapses “challenge the possibilities of imminence of risk in this case” (§ 5). However, from the point of view of the relevant “agents of the State” to whom an imminent real risk must have been reasonably foreseeable, the evidence suggests that there were a number of relevant events during that period of time running right up to the end of 2013. These include:

a. 19 August 2012 to 4 December 2012, following the second alleged attack on the Applicant by her husband (potentially involving the use of a switch blade) and with the support and knowledge of the police and local social services, the Applicant resided at a shelter run by an association for the protection of women who have been victims of domestic violence (§§ 18-19 and 27);

b. The Applicant’s criminal complaint of 5 September 2012 was transmitted to the competent judicial authorities together with a request for the adoption of preventive measures aimed at protecting the Applicant;

c. 18 March 2013, the prosecutor, noting that, despite his orders of 15 October 2012 that investigative measures be taken urgently, none of the investigations had been concluded, again ordered the police to investigate the Applicant’s complaints as soon as possible (§ 29);

d. 4 April 2013, the Applicant was interviewed for the first time by the police (§ 30). While the Applicant, at this interview, modified her initial allegations, it is said as a result of psychological pressure by her husband (not an uncommon phenomenon in the context of domestic violence), she nevertheless confirmed that her husband’s alcoholism was at the heart of any problems there might have been at home;

e. 30 May 2013, the public prosecutor invited the preliminary investigations judge to close the investigation into the offence of domestic abuse but to maintain the investigation against the Applicant’s husband for grievous bodily harm against the Applicant (§ 32);

f. 1 August 2013, the preliminary investigations judge closed the investigations into the offence of domestic abuse but referred the charge of causing bodily harm to the Justice of the Peace (§§ 33-34);

g. 28 October 2013, the Applicant’s husband was committed for trial by the Justice of the Peace for causing bodily harm (with the first hearing fixed for 13 February 2014) (§ 35);

h. 18 November 2013, the Applicant’s husband was notified of his trial date (19 May 2014) in relation to the attack on the Applicant of August 2012 (§ 36); and, finally

i. At an unspecified date in November 2013, the public prosecutor reopened the investigation against the Applicant’s husband for the physical abuse of his wife (§ 44).

3. Taken together with the facts of the initial attacks on the Applicant by her husband (in June and August 2012), as recorded by the police, and the fact that both were apparently connected to (if not caused by) the husband’s alcohol abuse, it appears to me not unreasonable to work on the basis that the police was or should have been aware that (a) the Applicant’s husband had been and was again under investigation for repeated incidents of domestic abuse against the Applicant, (b) had been charged with causing physical harm to the Applicant in two separate instances, with trial dates notified on 28 October 2013 and 18 November 2013 (a week before the tragic events of 25 November 2013), and (c) the attacks in relation which the husband was subject to investigation and/or charge had occurred when the husband was severely drunk (if not as a result of his alcohol abuse).

4. It is with this in mind that one then has to look at the events of 24 and 25 November 2013.

5. The judgment, at § 38, explains that, on the evidence, the police recorded that when they arrived at the Applicant’s home (one assumes on 24 November), having been called by her as a result of an argument between her and her husband:

a. They find the doors of the bedroom broken and the floor covered with empty alcohol bottles;

b. The Applicant confirmed to them that her husband was drunk and indicated that she had called help because she considered that he might need the help of a doctor; and

c. Reminded them of her criminal complaint (and the fact that she had since changed her complaint).

6. Thereafter, the Applicant’s husband was taken to hospital in a state of intoxication (§ 39) but checked himself out again that same night.

7. It seems to me that the crucial question, therefore, is whether it can be said that the police officers who, at 2:25 am on 25 November 2013, stopped the Applicant’s husband for an identity check and noted that he was (again) in a state of intoxication and had difficulties maintaining his balance, were or should have been aware (having checked his identity) of the above facts and circumstances. Should they at that stage, rather than merely give him a verbal warning, have come to the conclusion that, in his current state, he posed an imminent and real risk to the Applicant’s physical integrity and/or life if he were allowed to return home (to the Applicant) in that state.

8. As indicated above and not without considerable hesitation, I have come to the conclusion that they should have known, when they stopped him and checked his identity at 2:25 am on 25 November 2013, of the existence of a real and immediate risk to the physical integrity and/or life of the Applicant (and her children) from the criminal acts of her husband and that they failed to take measures within the scope of their powers which, judged reasonably, might have been expected to avoid that risk.

9. In saying that, I am, of course, conscious of (and agree with) the limitations identified in § 116 of Osman that:

“... bearing in mind the difficulties involved in policing modern societies, the unpredictability of human conduct and the operational choices which must be made in terms of priorities and resources, such an obligation must be interpreted in a way which does not impose an impossible or disproportionate burden on the authorities. Accordingly, not every claimed risk to life can entail for the authorities a Convention requirement to take operational measures to prevent that risk from materialising. Another relevant consideration is the need to ensure that the police exercise their powers to control and prevent crime in a manner which fully respects the due process and other guarantees which legitimately place restraints on the scope of their action to investigate crime and bring offenders to justice, including the guarantees contained in Articles 5 and 8 of the Convention.”

10. However, for me, there is a crucial distinction between the present case and that of Osman. After all, unlike in Osman, the police in this case had the Applicant within their control little more than 2.5 hours before the deadly attack on his wife and son and at a time when the common (and possibly causative) factor in all his previous attacks (namely his alcohol abuse) was present and apparent to everyone, when they checked his identity (and, therefore, had or should have had access to the information relevant to the risk posed by him, especially when drunk) and proceeded to give him a verbal warning. After all, the evidence is that, when he was stopped by the police, he was so intoxicated that he was having difficulties to maintain his balance. This case is not, therefore, about additional (pro-active) steps the police might or should have taken (which might impose an impossible or disproportionate burden on the police) but about the decision(s) taken when he was already within their control.

11. In this different context, there also seems to be no obvious reason why any short-term preventative intervention by the police authorities, whether in the form of an enforced return to hospital or otherwise, until (and only until) he was sober would have been inconsistent with his rights either under Article 5 or Article 8. In light of the particular circumstances of this case and my conclusions in relation to Article 2 (above) any such short-term (and effectively preventative) intervention may well have been capable of justification under Article 5 § 1; whether on the basis of securing fulfilment of “his obligation to keep the peace by not committing a specific and concrete offence” (see Ostendorf v. Germany, no. 15598/08, § 94, 7 March 2013) under Article 5 § 1(b), on the basis that it was “reasonably considered necessary to prevent his committing an offence” under Article 5 § 1(c) and/or on the basis of Article 5 § 1(e) (lawful arrest or detention of alcoholics “whose conduct and behaviour under the influence of alcohol pose a threat to public order or themselves, ... for the protection of the public or their own interests, such as their health or personal safety”; Kharin v. Russia, no. 37345/03, § 34, 3 February 2011, see also Witold Litwa v. Poland, no. 26629/95, § 62, ECHR 2000‑III). This is, of course, particularly so where the obvious less restrictive alternative to such intervention was to allow him to return home (to the place where his previous attacks took place and where the victim of those attacks, the Applicant, was also resident and was known to be resident as a result of the earlier police intervention).

II. Article 14 read with Articles 2 and/or 3 of the Convention

12. Beyond the complaint under Articles 2 and/or 3 of the Convention, the Applicant further complained that “the unreasonable passivity of [the] authorities demonstrates that the regulatory and protection system provided is not sufficiently suitable in order to ensure the protection of a woman victim of domestic violence” (§124 of the Applicant’s Observations of 9 March 2016) and that, consequently, the ineffectiveness or lack of suitability of the domestic regulatory and protection system amounted to a violation of Article 14 read together with Articles 2 and/or 3. This complaint, therefore, was one of a systemic failure to protect women based on unlawful discrimination.

13. There is no doubt that gender based violence, including in particular domestic violence, continues to “reflect[..] and reinforce[...] inequalities between women and men and remains a major problem in the European Union. It is prevalent in all societies and is based on unequal power relations between women and men, which reinforce men’s dominance over women” (European Institute for Gender Equality – EIGE in brief (2016) at p. 8). The fact that gender based violence remains a major problem not only in the EU but also beyond not only lies at the heart of the on-going work of the EU Fundamental Rights Agency and the EIGE on combatting the underlying causes, both societal as well as legal, but, of course also led the Council of Europe, in 2011, to adopt the Council of Europe Convention on preventing and combating violence (the “Istanbul Convention”). As § 5 of the Explanatory Report to the Istanbul Convention explains further:

“Violence against women is a worldwide phenomenon. The Committee on the Elimination of Discrimination against Women (CEDAW Committee) of the United Nations Convention on the Elimination of All Forms of Discrimination Against Women (hereafter CEDAW) in its general recommendation on violence against women No. 19 (1992) helped to ensure the recognition of gender-based violence against women as a form of discrimination against women. The United Nations General Assembly, in 1993, adopted a Declaration on the Elimination of Violence against Women that laid the foundation for international action on violence against women. In 1995, the Beijing Declaration and Platform for Action identified the eradication of violence against women as a strategic objective among other gender equality requirements. In 2006, the UN Secretary-General published his In-depth study on all forms of violence against women, in which he identified the manifestations and international legal frameworks relating to violence against women, and also compiled details of "promising practices" which have shown some success in addressing this issue.”

14. That said, I agree with the sentiment expressed in the opening sentence of Judge Spano’s Partly Dissenting Opinion: “the law has its limits, even human rights law”. This Court is, of course, a court of law and is therefore constrained to act within the limits of the law, the observance of which it is charged to ensure (Article 19), and on the basis of the evidence available to it. As a consequence, the role the Convention and this Court can play in addressing the issue of gender based violence is clearly delimited by the terms of the Convention and by this Court’s case law; a fact which is, of course, also reflected in the fact that inter alia the Council of Europe, the United Nations and the EU have concluded Conventions and policies, adopted legislation and created specialist agencies for the specific purpose of addressing this issue.

15. Turning to the applicable law, it was in its landmark judgment in Opuz v. Turkey (no. 33401/02, § 191, ECHR 2009), that this Court, drawing inspiration from the terms of CEDAW and the work of the CEDAW Committee, first recognised that a State’s failure to protect women against domestic violence is capable of breaching their right to equal protection of the law irrespective of whether this failure is intentional or not. On the facts of that case, the Court concluded that Turkey had breached the applicant’s rights under Article 14 read together with Articles 2 and 3 of the Convention as there was:

a. A “suggestion” that “domestic violence is tolerated by the authorities and that the remedies indicated by the Government do not function effectively” (§ 197);

b. A “prima facie indication” that “the general and discriminatory judicial passivity in Turkey created a climate that was conducive to domestic violence” (§ 198); and

c. “general and discriminatory judicial passivity in Turkey [which], albeit unintentional, mainly affected women, the Court considers that the violence suffered by the applicant and her mother may be regarded as gender-based violence which is a form of discrimination against women” (§ 200).

16. Applying the approach identified in Opuz, the Court has since had occasion to consider whether other High Contracting Parties had acted in breach of Article 14 read with Articles 2 and/or 3 in the context of domestic violence.

17. In relation to the Republic of Moldova, the Court found a breach of Article 14 read together with Articles 2 and/or 3 on the express basis that:

“... the authorities’ actions were not a simple failure or delay in dealing with violence against the first applicant, but amounted to repeatedly condoning such violence and reflected a discriminatory attitude towards the first applicant as a woman. The findings of the United Nations Special rapporteur on violence against women, its causes and consequences (see paragraph 37 above) only support the impression that the authorities do not fully appreciate the seriousness and extent of the problem of domestic violence in Moldova and its discriminatory effect on women. (see Eremia v. the Republic of Moldova (no. 3564/11, § 89, 28 May 2013), Mudric v. the Republic of Moldova, no. 74839/10, § 63, 16 July 2013 and T.M. and C.M. v. the Republic of Moldova, no. 26608/11, § 62, 7 January 2014; my emphasis)”

18. By contrast, when confronted with a similar complaint against Croatia, the Court, in its judgment in A v. Croatia, no. 55164/08, §§94-104, 14 October 2010, concluded that the complaint under Article 14 of the Convention was manifestly ill-founded; “the applicant has not produced sufficient prima facie evidence that the measures or practices adopted in Croatia in the context of domestic violence, or the effects of such measures or practices, are discriminatory” (§ 104). In reaching this conclusion, the Court identified the necessary evidential threshold for a finding of a violation of Article 14 in this context (by reference to and distinguishing the Court’s conclusion in Opuz):

“96. In support of these findings the Court relied on the Turkish Government’s recognition of the general attitude of the local authorities, such as the manner in which the women were treated at police stations when they reported domestic violence, and judicial passivity in providing effective protection to victims (see Opuz, cited above, § 192). Furthermore, the reports submitted indicated that when victims reported domestic violence to police stations, police officers did not investigate their complaints but sought to assume the role of mediator by trying to convince the victims to return home and drop their complaint. In this connection, police officers considered the problem as a family matter with which they could not interfere (see Opuz, cited above, §§ 92, 96, 102 and 195). The reports also showed that there were unreasonable delays in issuing injunctions and in serving injunctions on the aggressors, given the negative attitude of the police officers. Moreover, the perpetrators of domestic violence did not seem to receive dissuasive punishments, because the courts mitigated sentences on the grounds of custom, tradition or honour (see Opuz, cited above, §§ 91-93, 95, 101, 103, 106 and 196).

97. The Court notes at the outset that in the present case the applicant has not submitted any reports in respect of Croatia of the kind concerning Turkey in the Opuz case. There is not sufficient statistical or other information disclosing an appearance of discriminatory treatment of women who are victims of domestic violence on the part of the Croatian authorities such as the police, law-enforcement or health-care personnel, social services, prosecutors or judges of the courts of law. The applicant did not allege that any of the officials involved in the cases concerning the acts of violence against her had tried to dissuade her from pursuing the prosecution of B or giving evidence in the proceedings instituted against him, or that they had tried in any other manner to hamper her efforts to seek protection against B’s violence.

...

101. The Court has already established that not all the sanctions and measures ordered or recommended in the context of these proceedings were complied with. While this failure appears problematic from the standpoint of Article 8 of the Convention, it does not in itself disclose an appearance of discrimination or discriminatory intent on the basis of gender in respect of the applicant.”

19. This jurisprudence makes clear that:

a. The assessment under Article 14 read with Articles 2 and/or 3 was distinct from any analysis in relation to any alleged breach of the positive obligations under those Articles 2 and/or 3 in relation to the circumstances of the particular applicant;

b. Absent any evidence that the officers involved in the individual case were acting in a discriminatory manner or with discriminatory intent towards the particular applicant, of which there was no evidence in those cases and is no evidence in the present case, a breach of Article 14 would arise only where there were systemic failings which arose out of a clear and systemic (even if not intentional) failure of the national authorities to appreciate and address the seriousness and extent of the problem of domestic violence within their jurisdiction and its discriminatory effect on women; and

c. The failure to apply the “sanctions and measures” existing in national law in the circumstances of the particular case before the Court, while potentially problematic under Articles 2, 3 or 8 of the Convention, is not, in itself, sufficient to engage Article 14 of the Convention so as to shift the burden of proof to the respondent government to show that any difference in treatment is not discriminatory.

20. This is the context and background for the decision of this Court, as recently as 27 May 2014, in Rumor v. Italy, no. 72964/10. In that case, this Court was invited to consider the situation in Italy on the basis of a complaint by the applicant in that case that the “omissions and the inadequacy of the domestic legislative framework in combating domestic violence proved that she had been discriminated against on the basis of her gender” (§ 36). Having considered the applicant’s complaint, the Court, however, concluded in unqualified terms that:

“... the authorities had put in place a legislative framework allowing them to take measures against persons accused of domestic violence and that that framework was effective in punishing the perpetrator of the crime of which the applicant was victim and preventing the recurrence of violent attacks against her physical integrity. (§ 76)”

21. As a consequence, the question for the Court in the present case was not only (to us the language in A v Croatia) whether the Applicant had produced “sufficient statistical or other information disclosing an appearance of discriminatory treatment of women who are victims of domestic violence on the part of the ... authorities such as the police, law-enforcement or health-care personnel, social services, prosecutors or judges of the courts of law” but whether she had produced sufficient such evidence to justify a conclusion by this Court either that, in light of such further evidence, its decision in Rumor had been wrong (or, at the very least, premature) or that changes in the legislative and policy environment in Italy had changed sufficiently since 2014 to enable the Court to conclude that, whereas the Italian system was compliant with Article 14 then, it no longer was so compliant in 2017.

22. If one considers the material relied upon in the judgment (§§ 55-60) it becomes clear that, in fact, with one exception, none of the material relied upon post-dates the judgment in Rumor and is of such a nature as not to have been available either to the parties or to the Court in that case. The one document referred to that (just) post-dates the Rumor judgment is the Report “Violence against Women” (2014) of the National Statistics Bureau of Italy (ISTAT), quoted in § 55 of the judgment. While providing a (still) depressing picture as to the number of women who are victims of sexual or physical violence in Italy, most frequently at the hands of current or former partners, that Report provides little to no evidence to support the conclusion that there is “an appearance of discriminatory treatment of women who are victims of domestic violence on the part of the ... authorities such as the police, law-enforcement or health-care personnel, social services, prosecutors or judges of the courts of law”. For what it is worth, the Report, in fact, appears to record a reduction in the number of cases of physical or sexual violence committed by a partner or former partner and notes that, compared to the 2006 ISTAT report, there is an increased awareness that domestic violence is a crime and it is reported far more often to the police. The Report also notes that “survivors are far more satisfied with the relevant work carried out by the police. In the event of violence from the current or the former partner, data shows an increase from 9.9% to 28.5%”.

23. In any event, it seems to me that where the Court considers (as the majority in this case must be assumed to have considered) that there is sufficient evidence for it to reach the conclusion either that a prior decision was wrong or premature or that the legislative situation in a respondent State had changed sufficiently to now warrant a finding of a violation, it would be prudent for the Court to identify (both for the benefit of the Respondent Government as well as for the Committee of Ministers who is charged with supervising the enforcement of this judgment).

a. Which of these conclusions it had reached; and

b. If the latter, which were the developments since the last judgment which meant that a system which had been compliant had now become deficient.

A mere assertion, as in § 147 of the judgment, that the factual circumstances in Rumor were “clearly” different to those of the present case seems to me neither capable of justifying the finding of a violation under Article 14 nor capable of explaining either why the conclusion in § 76 of Rumor had been mistaken or premature or what had changed since 2014 to justify the conclusion now that the Italian “legislative framework” had become deficient.

PARTLY DISSENTING OPINION OF JUDGE SPANO

I. Preliminary remarks

1. The law has its limits, even human rights law. When a claim is made that the State did not take reasonable steps to prevent the taking of life by another individual, tensions arise between the demands of justice for the relatives of victims and the imposition of unrealistic burdens on law enforcement agents governed by the rule of law. The judicial resolution of such disputes, arising as they do from tragic events, thus requires that a delicate balance be struck between these two conflicting interests based on the objective and dispassionate appli­cation of clear and foreseeable legal standards. As the Court’s application of the settled principles under Article 2 of the Convention to the facts of the present case unduly strikes the balance in favour of the former, without adequately taking account of the latter, I respectfully dissent from the majority’s finding of a violation of Article 2, as I will explain in more detail in Part II of this opinion. Also, and for the reasons elaborated in Part III below, I disagree with the Court’s finding of a violation of Article 14 taken in conjunction with Articles 2 and 3 of the Convention.

II. The State’s preventive obligation to protect life under Article 2 of the Convention – the Osman test and domestic violence

2. In the Court’s case-law on domestic violence, notably the landmark Opuz v. Turkey judgment, the Court established that the positive obligation to protect the right to life under Article 2 of the Convention requires domestic authorities to display due diligence, for instance by taking preventive operational measures, in protecting an individual whose life is at risk. In Osman v. the United Kingdom and subsequently in Opuz v. Turkey the Court held that “where there is an allegation that the authorities have violated their positive obligation to protect the right to life in the context of their above-mentioned duty to prevent and suppress offences against the person, it must be established to its satisfaction that the authorities knew or ought to have known at the time of the existence of a real and immediate risk to the life of an identified individual or individuals from the criminal acts of a third party and that they failed to take measures within the scope of their powers which, judged reasonably, might have been expected to avoid that risk” (see Osman, § 116, and Opuz, § 130; my emphasis).

3. It follows that in order for a finding of a violation of Article 2 to be properly substantiated in the present case, the Osman test must therefore be met. This begs the following question: did the national authorities know, or ought they to have known, that the lives of the applicant and her son were at real and imme­diate risk on 25 November 2013? The answer to this question requires a fact-sensitive analysis of the two prongs of the Osman test, i.e. the imminence and reality of the risk as reasonably foreseen by agents of the State, as I will now explain.

4. On 2 June 2012, the police intervened on the applicant’s request after she complained that her husband, A.T. had hit her and her daughter. On 19 August 2012, the applicant again sought police assistance after being physically assaulted by her husband. The applicant lodged a complaint against A.T. on 5 September 2012 for bodily harm, domestic abuse and threats. The final event, the fatal attack, then took place on 25 November 2013. On the evening in question, the police were called to the house by the applicant. Upon arrival, they noted a broken door and bottles on the floor. There were no signs of violence on either the applicant or her son, nor were such allegations made. Although the applicant mentioned that she had previously filed a complaint against her husband, she explained that she had subsequently modified her accusations and that she had sought help that evening believing that her husband’s drunken state necessitated medical attention. The police duly took A.T. to a hospital, which he left the same evening. When he was stopped in the street by the police later that night, he made no threats of violence. Returning to the family home in the early hours of the morning, he carried out his fatal attack.

5. In determining the immediacy of the risk, it is crucial to note the lapses of time between the initial police intervention in June 2012, the August 2012 incident and the lodging of the complaint in September 2012, and between that time and the tragic events of 25 November 2013, a time lapse of over fourteen months. When contrasted with the close nexus in time and regularity of the violent acts in Opuz v. Turkey, which gave rise to the Court’s finding of constructive knowledge, namely that the authorities ought to have known of a real and imme­diate risk under the Osman test, it is plain that the requisite timeframe allowing for a conclusion of immediacy is lacking in the present case. Bljakaj and Others v. Croatia presents a similar stark contrast and demonstrates the required extent of imme­diacy, with the perpetrator in that case making threats on the day before, morning of, and hour prior to, the fatal incident. It is worth noting that the Court’s case-law in this regard falls in line with the requirements of the Istanbul Con­vention,[1] the Explanatory Report to which establishes that the term “imme­diate danger” refers to any situations of domestic violence in which harm is imminent or has already materialised and is likely to happen again.[2] The highlighted time lapses clearly challenge the possibilities of imminence of risk in this case.

6. Turning to the reality of the risk, besides their close nexus in time, the scale and regularity of the violent acts and the authorities’ direct knowledge of them also formed the basis for the Opuz Court’s finding of the existence of constructive knowledge under Osman. It goes without saying that the attacks of June and August 2012 and their impact on the applicant should in no way be under­estimated, the Italian courts eventually convicting A.T. of the violence carried out on those occasions. Nonetheless, when contrasted with the gravity of the eight prior attacks identified in Opuz, involving repeated death threats and resulting in life-threatening injuries on several occasions, the constructive knowledge inevi­tably arising from such a course of events cannot be imputed to the authorities in the present case, who did not possess information on attacks and death threats on this scale. Similarly, in finding an Article 2 violation in Kontrová v. Slovakia, the Court highlighted the lack of action taken in respect of allegations that the applicant’s husband had a shotgun and had made violent threats with it.

7. The majority argues that the authorities failed to carry out an adequate risk assessment both on the night in question and during the preceding months, whereby the context of impunity eventually culminated in the fatal attack (see paragraphs 118-119). Having dealt with the former issue, the question in respect of the latter then arises: can investigative passivity give rise to constructive knowledge?

8. In Opuz v. Turkey, the Government had argued that there was no tangible evidence that the applicant’s mother’s life was in imminent danger. However, the Court found that it was not apparent that the authorities had assessed the threat posed by the perpetrator and only then concluded that his detention was a disproportionate step in the circumstances; rather, the authorities failed to address the issues at all (see Opuz, § 147). Despite the victim’s complaint that the perpe­trator had been harassing her, wandering around her property and carrying knives and guns, the police and prosecuting authorities failed either to place him in detention or to take other appropriate action in respect of the allegation that he had a shotgun and had made violent threats with it. Thus inactivity of the sort demon­strated in the present case, and the results thereof, do not of themselves create constructive knowledge such as to trigger an obligation under Article 2 (although it will usually, and in the present case does, give rise to an Article 3 violation in the domestic violence context). What is ultimately required is a set of facts rendering untenable the claim that the authorities did not know, or could not have known, of a real and immediate risk to life.

9. Consequently, although the majority finds that the nature of the act in August 2012 and the pending status of its inquiry in November 2013, along with the facts during the tragic evening, are sufficient to establish constructive knowledge of a real and immediate risk to the lives of the applicant and her son, the Osman test, as applied on the facts, the crux of the Article 2 substantive claim, is not made out. Regardless of how the judgment frames it, the Osman test continues to apply in the same way here as in other contexts triggering the State’s Article 2 preventive obligation; the Court’s domestic violence case-law has continued to apply a strict Osman test without any alterations. Diluting the Osman standard, to take account of the nature of different types of fatal criminal offences between individuals, will simply impose an unrealistic burden on law enforcement authorities. Again, the law, even human rights law, has its limits.

10. Furthermore, and importantly, the applicable principles, as summarised at §§ 129-130 of Opuz v. Turkey, are not fully reflected in the majority’s judgment which, in parti­cular, fails to take account of the difficulties in policing modern societies, the unpredictability of human conduct and the operational choices which must be made in terms of priorities and resources, the Court being required to interpret the scope of the Article 2 positive obligation in a way which does not impose an impossible or disproportionate burden on the authorities. Indeed, “the need to ensure that the police exercise their powers to control and prevent crime in a manner which fully respects due process and other guarantees which legitimately place restraints on the scope of their action to investigate crime and bring offenders to justice, including the guarantees contained in Articles 5 and 8 of the Convention”, is a particularly relevant consideration in cases such as these (see Opuz, § 129).

11. It is unclear what Convention-compliant measures the police could have taken on the night in question to avoid the ultimate tragic outcome. Despite finding, in paragraph 122 of the judgment, that possible measures were in existence at the relevant time, the majority fails both to specify the minutiae as well as to explain the feasibility of maintaining adherence to due process and Convention guarantees in the deployment of such measures. In the absence of any evidence or alle­gations of violence, the police lacked sufficient grounds to detain A.T. His lethal attack that evening, predicated as it was on volatile and unpredic­table human behaviour rather than ongoing and repeated direct or indirect threats to life, could not in my view have been reasonably foreseen by the police.

12. Judge Eicke argues in his partly concurring, partly dissenting opinion, that there seems to be no obvious reason why any short-term preventative intervention by the police authorities, whether in the form of an enforced return to hospital or otherwise, until (and only until) the applicant’s husband was sober would have been inconsistent with his rights either under Article 5 or Article 8 of the Con­vention. However, in my view the Court should be very careful in making findings on the possible legality of hypothetical police measures under Article 5 when such arguments have neither been raised before it nor the domestic courts.

13. Importantly, it has in no way been demonstrated before this Court that the arrest or detention of A.T. on 25 November 2013 could have been lawful under Article 5 § 1 (c), since, in the terms of that provision, there was no reasonable suspicion of him having committed an offence. Nor could his arrest or detention have been reasonably considered necessary to prevent his committing an offence, since, as was apparent both from the situation as seen by the police and from the exchanges with the applicant and her son, no threats had been made and no actual violence had occurred. On what basis, then, could he have been detained, arrested or held at a hospital against his will, bearing in mind that having a “reasonable suspicion” presupposes the existence of facts or infor­mation which would satisfy an objective observer that he may have committed an offence and that there can clearly not be a “reasonable suspicion” if the acts or facts held against him, such as being drunk at home, did not constitute a crime at the time when they occurred?

14. The fact remains that, tragically, on 25 November 2013 the police did all they could by physically removing him from the premises in taking him to hospital, but they could not have kept him there by force. Furthermore, unlike Judge Eicke, I am unable to accept that the facts surrounding the police inter­vention on the street at 2.25 am on the night in question provided the police with any actionable information, even when reasonably viewed in context with other available information, about a real and immediate risk to the lives of the applicant and her children. In fact, with the exception of the drunken state of the applicant’s husband, which alone does not suffice for these purposes, there were no comments, threats or other behavioural signs that could have justified the deployment by the police of operational measures of arrest or detention at that point.

15. In short, the doctrine of positive obligations cannot remedy all human rights violations occurring in the private sphere if due process considerations, also worthy of Convention protection, are not to be rendered obsolete. In other words, it is true that the States are under a Convention-based positive obligation effec­tively to combat domestic violence. But that fight, like any other campaign by Government to safeguard the lives and protect the physical integrity of its citizens, must be fought within the boundaries of the law, not outside them.

16. Finally, it is all too easy to review tragic circumstances with the benefit of hindsight and impute responsibility where, on an objective and dispassionate analysis, there can be none. There is a limit on how far positive obligations under Article 2 can extend to shield victims from unforeseen attacks without imposing unrealistic obligations on the police accurately to forecast human behaviour and to act on those prognostications by unduly restricting other Convention rights. Although it may be tempting to dilute legal concepts such as the Osman test when faced with heart-rending facts and give solace to individuals in situations such as that of the applicant, there are reasons why the threshold under the Convention is set high, and, in my view, why it must continue to remain so. Even in the field of domestic violence the ends cannot justify the means in a democratic society governed by the rule of law.

III. Systemic gender discrimination under Article 14 of the Convention

17. Judge Eicke and I are in agreement that a case for a violation of Article 14 of the Convention, taken in conjunction with Article 2 and 3, has not been made out on the facts and the materials before the Court and I largely agree with his reasoning in his separate opinion. I would only like to highlight the following elements.

18. The Court has previously concluded, in the landmark Opuz judgment, that general discriminatory judicial passivity creating a climate conducive to domestic violence entails a violation of Article 14 of the Convention, read in conjunction with Articles 2 and 3 (see Opuz, §§ 198 and 202). It has further stated that this conclusion will be reached where the actions of the authorities are not a simple failure or delay in dealing with violence, but amount to repeatedly condoning such violence and reflect a discriminatory attitude towards an applicant as a woman (see Eremia v. the Republic of Moldova, § 89). Having regard to this high threshold and the previous findings made under this provision with respect to Italy in the case of Rumor v. Italy, I cannot subscribe to the majority’s findings that the inaction of the authorities, as manifested in the present case, reflects systemic gender-based discrimination, since there is insufficient evidence to show general and discrimin­atory passivity of the kind previously established in the Court’s case-law.

19. The Court in Opuz made clear the elements tending to show an Article 14 violation in this sphere. It made reference to the overall unresponsiveness of the judicial system and the impunity enjoyed by aggressors. In particular, it noted the manner in which female victims were treated at police stations, with reports indicating that when they reported domestic violence, police officers tried to persuade them to return home and drop their complaint, seeing the problem as a family matter with which they could not interfere. The perpetrators of domestic violence did not seem to receive dissuasive punishments, with the courts mitigating sentences on the grounds of custom, tradition or “honour”. These findings were confirmed in Halime Kılıç v. Turkey, the Court highlighting the wilful refusal of the authorities to accept the seriousness of the incidents of domestic violence. In regularly turning a blind eye to the repeated acts of violence and death threats, the authorities had created a climate that was conducive to domestic violence. In both cases, the Court found that the inactivity, delays and, in particular, attempts to dissuade women from lodging complaints that characterised the treatment of domestic violence claims in Turkey stemmed directly from the discriminatory attitudes of the authorities.

20. In contrast, and more in line with the facts of the present case, in A. v. Croatia, no. 55164/08, § 97, 14 October 2010, the Court concluded that there was insufficient statistical or other information disclosing an appearance of discriminatory treatment of female victims of domestic violence on the part of authorities such as the police, law enforcement or healthcare personnel, social services, prosecutors or judges. The applicant did not allege that any officials had tried to dissuade her from pursuing the prosecution of the aggressor or giving evidence against him, or that they had tried in any other manner to hamper her efforts to seek protection against his violence. The Court thus declared the applicant’s complaint under Article 14 inadmissible, since she had failed to provide sufficient evidence that the practices adopted in Croatia as regards domestic violence were discriminatory.

21. Importantly, the Court has previously found that where the legislative framework cannot be said to be discriminatory, even if not all the sanctions and measures ordered or recommended are in fact complied with, this failure “does not in itself disclose an appearance of discrimination or discriminatory intent on the basis of gender” (see A. v. Croatia, § 101). Thus societal discrimination and high levels of domestic violence, as referenced by the judgment at paragraph 146, are not, in and of themselves, enough to ground a finding of an Article 14 violation; it is the legislative framework and its application by the national authorities that falls to be considered. In this regard, both in its substantive consideration of Articles 2 and 3 as well as in the Article 14 context, the judgment fails to take proper account of the Court’s finding in Rumor v. Italy, in the context of Article 3, that “the authorities had put in place a legislative framework allowing them to take measures against persons accused of domestic violence and that that framework was effective in punishing the perpetrator of the crime of which the applicant was victim and preventing the recurrence of violent attacks against her physical integrity” (see Rumor v. Italy, § 76). Although, as the judgment notes, that case may have concerned a different set of facts, the system at issue is the same. Since the impugned failings were not rooted in the discriminatory intent of the authorities but rather in pure passivity, they do not provide grounds for departure from the Article 14 conclusions previously drawn in respect of Italy.

22. The international materials on which the majority relies in its finding of an Article 14 violation also fail to point to a discriminatory failing in the system. Although the 2010 CEDAW Concluding Observations (see paragraph 57 of the judgment) noted that the increasing rate of femicides may lead one to think that the Italian authorities are not sufficiently protecting women, the UN Special Rapporteur concluded in 2012 that the legal framework in Italy “largely provides for sufficient protection for violence against women” (see paragraph 68 of the report cited by the majority at paragraph 59 of the judgment). Where the Court has previously relied on international reports in this sphere, the criticisms therein have undoubtedly been more unequivocal. For instance, in Mudric v. the Republic of Moldova, the Court was of the view that the findings of the Special Rapporteur supported “the impression that the authorities do not fully appreciate the seriousness and extent of the problem of domestic violence and its discriminatory effect on women” (see Mudric, § 63).

23. Ultimately, the finding in Rumor combined with the Opuz threshold makes it clear that there is insufficient evidence of institutional discrimination in Italy to ground a finding of an Article 14 violation. The relevant framework is still one that is effective, regardless of whether all the measures it provides for were, in the instant case, deployed (see A. v. Croatia, § 101).

 

[1] Council of Europe Convention on preventing and combating violence against women and domestic violence.

[2] Explanatory Report to the Council of Europe Convention on preventing and combating violence against women and domestic violence, para. 265.